Rien ne va plus ou presque chez les assureurs. Depuis quelques semaines, le secteur se fait l’écho de mésentente entre d’un côté Saham Assurances et de l’autre le reste des compagnies. « Le malaise est palpable », confie une source qui a requit l’anonymat tant le sujet est sensible. Selon nos sources, les assureurs « sont exaspérés du fait que Saham Assurances profite de la double casquette de son actionnaire de référence Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, pour étendre ses parts de marché ». « Une concurrence à la limite de la légalité que les confrères n’arrivent plus à supporter », ajoute-t-elle.
Les médias et le grand public avaient eu un aperçu du « malaise » que vit le secteur grâce à ce qui est désormais connu comme « l’affaire de l’assurance agricole« , offre destinée aux agriculteurs. Saham annonce la signature d’une convention tripartite avec le ministère de l’Agriculture et celui des Finances pour la mise en place d’un nouveau produit d’assurance «Taemine Al Mahssol ». Le conflit d’intérêt est vite brandi car l’entreprise où le ministre de l’industrie Moulay Hafid Elalamy est actionnaire a bénéficié d’un marché de l’État, de surcroît subventionné. Le ministre s’était retrouvé au centre d’accusations de conflit d’intérêt, qui se sont soldés par le gel de la convention, et cela à l’initiative de Saham.
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Cette fois, c’est par le marché du banking qu’une autre affaire risque d’éclater. Les assureurs se mettent en effet en ordre de bataille pour remporter un marché ouvert par Al Barid Bank. La filiale de l’entreprise publique Barid Al Maghrib a lancé un appel d’offre pour la sélection d’une ou de plusieurs compagnies d’assurances et d’assistance partenaires. Elle envisage la refonte et le développement de ses produits d’assurances. Un marché important puisque l’établissement bancaire opère sur un segment peu desservi par les compagnies : le low income banking (banque pour faible revenus). Ces dernières profiteront aussi de la force de frappe du réseau de la banque qui est adossée au réseau postal.
Jusque ici tout va bien. Le hic pourtant, c’est que c’est un marché qui intéresse Saham Assurance alors que Moulay Hafid Elalamy est membre du conseil de surveillance d’Al Barid Bank. Y’a-t-il risque de conflit d’intérêt? C’est ce que craignent les concurrents de Saham. Contacté par Telquel.ma, une source autorisée au sein la banque nie l’existence de tout conflit d’intérêt: « l’appel d’offre est public et accessible à toutes les compagnies. L’ouverture des plis suivra la procédure légale ». De son côté Mehdi Tazi, lassé de s’exprimer au sujet des soupçons de conflits d’intérêt, répond : « Moulay Hafid Elalamy n’intervient pas dans la gestion opérationnelle des filiales appartenant au holding. D’un autre côté, un membre du conseil de surveillance n’a pas de pouvoir décisionnel », lâche-t-il.
La riposte organisée
Saham Assurances doit faire face à plusieurs fronts. Car la bataille sur le champs de l’assurance agricole fait toujours rage dans les coulisses, depuis que les six compagnies Atlanta, Axa, Mamda, RMA Watanya, Sanad et Wafa Assurance ont fait un courrier au ministère de l’Agriculture pour lui proposer de signer une convention commune. La proposition même de constituer un groupement d’intérêt économique avec presque toutes les compagnies du secteur hormis Zurich, une compagnie qui étudie actuellement l’opportunité de rester ou non sur le marché marocain, est révélatrice. Même Mamda qui a une convention à part avec le ministère figure dans le pool.
La lettre, dont nous détenons une copie, précise que le schéma présenté par le pool « permettrait au ministère de couvrir une superficie globale additionnelle conséquente par la force de frappe commerciale que représente l’addition des réseaux de l’ensemble de ces acteurs ». Il y est également avancé que la « la convention avec la Mamda n’est pas concernée par le pool du fait de l’existence d’un fonds de commerce d’un million d’hectares. » Les six compagnies précisent au ministère qu’elles sont en mesure de commercialiser ce produit à partir de la compagnie agricole 2016-2017. Mais ce qu’il faut lire entre les lignes, c’est qu’une convention commune ferme la porte à la concurrence sur ce segment. Contacté par Telquel.ma, Hassan Boubrik, le nouveau patron de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS), n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet. Idem pour Saham Assurances. Selon nos informations, la lettre des six compagnies n’a toujours pas reçu de réponse de la part du ministère de l’Agriculture.
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