Vaste chantier depuis 1984, la formation professionnelle au Maroc se dote d’une nouvelle stratégie quinquennale. En collaboration avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), le gouvernement a signé, ce 30 mars à Rabat, une série de conventions avec des acteurs du secteur privé et public. Au programme, cinq grands « axes » : inclusion « sociale et territoriale » de 10 millions de citoyens aux formations, l’augmentation drastique de la formation continue au sein des salariés, amélioration de la qualité de la formation professionnelle, la revalorisation de l’image des parcours professionnalisants et la gestion efficace de la stratégie. Le budget du programme s’élève à 65 milliards de dirhams, financés par l’Etat, des fonds spécifiques (notamment dédiés aux travailleurs), des entreprises partenaires et des subventions internationales.
10 millions de professionnels formés d’ici 2021
« La formation professionnelle va s’ouvrir à de nouvelles catégories », a déclaré Rachid Belmokhtar, ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle. Le premier axe de la stratégie entend intégrer de nouvelles tranches d’âge aux dispositifs d’apprentissage mais aussi de nouvelles catégories sociales, des « zones rurales et des quartiers fragiles », a précise le ministre lors de la conférence. Parmi les nouveautés, la sensibilisation des enfants, à partir de 10 ans, au monde de l’entreprise et la mise en place d’une filière hybride au niveau du collège, composée de modules généralistes et professionnalisants. Ils offriront « la possibilité aux bénéficiaires d’accéder soit au cycle secondaire qualifiant, soit à la formation professionnelle, soit au marché de l’emploi après une courte formation […] », précise le document de la stratégie.
Aussi concernés par l’ouverture du secteur, les anciens détenus et la population isolée avec le développement de la formation à distance « en tant que vecteur d’inclusion numérique […] pouvant ouvrir davantage le système de formation professionnelle aux populations des zones ne disposant pas d’infrastructures de formation […] ». Alors que l’accès à la formation continue ne concernait jusqu’ici que les actifs des entreprises assujetties à la taxe de formation professionnelle, elle devrait maintenant être accessible aux personnes en recherche d’emploi, ceux qui viennent de perdre le leur ou qui envisagent une reconversion professionnelle.
L’entreprise doit prendre ses responsabilités
« Nous avons fait le constat que la formation était portée par l’offre et pas par la demande », a regretté Mohamed Slassi Sennou, président de la commission formation professionnelle de la CGEM lors de la cérémonie de signature des conventions du programme. Pour pallier le décalage entre les offres de formations professionnelles et celles des secteurs qui embauchent, la nouvelle stratégie nationale prévoit la création d’un « dispositif d’observatoire et de veille », animé par l’Observatoire nationale de l’emploi, la CGEM, les Groupements interprofessionnels d’aide au conseil (GIAC) et les chambres professionnelles. L’objectif ? Offrir une palette de formations plus adaptées aux secteurs porteurs, tels l’automobile ou l’aéronautique.
« L’entreprise devra jouer un rôle clé dans le développement de la formation en milieu professionnel », annonce le document de la stratégie nationale délivré par le ministère. Le 22 décembre dernier, à l’occasion du lancement de Ta3mal, Samir Benmakhlouf, directeur général de Microsoft Maroc – par ailleurs signataire de l’une des conventions -, regrettait que les entreprises marocaines ne prennent pas plus de stagiaires dans leurs entreprises. Ils n’auront bientôt plus le choix, sous peine de sanctions (voir encadré en bas). Dans son plan national, l’Etat demande une « plus grande implication de l’entreprise » et des stages en entreprises pour la moitié des personnes qui bénéficieront d’une formation professionnelle d’ici 2021. Autre objectif des entreprises : faire bénéficier de la formation continue 20% des salariés inscrits à la CNSS. « Une simplification des procédures et délais favorisera le recours de l’entreprise aux mécanismes des contrats spéciaux des formations […] », promet le document.
Création d’un institut de formation des formateurs
En échange, la formation professionnelle doit se mettre à niveau. Au programme, « amélioration continue de la qualité » et revalorisation des filières professionnelles auprès des jeunes. La première étape ? La création d’un institut national de formation des formateurs et des directeurs de la recherche en ingénierie de formation. Un titre à rallonge pour une mission de taille puisque le passage par le futur institut devrait être une « condition préalable et rédhibitoire à l’exercice de ces fonctions », insiste le document détaillant la stratégie. Si la prévention de l’abandon scolaire est l’objectif historique de la formation professionnelle, la stratégie veut débarrasser ces filières de l’étiquette « voie de garage ».
« La formation professionnelle ne doit pas être une alternative à l’échec scolaire », insiste Meriem Bensalah, la présidente de la CGEM. Parmi les mesures de valorisation des filières professionnelles en phase de création, la création d’un portail national d’information et d’orientation scolaire et un outil de classification des certificats et des diplômes (CNC) où elles seront représentées au même titre que les filières dites générales. Autre volonté : l’instauration de passerelles entre certaines filières professionnelles et l’enseignement supérieur.
Un comité de pilotage« Plus importante encore que la stratégie, la mise en oeuvre de la stratégie », a déclaré Bensalah à l’auditoire devant elle, composé de nombreux ministres, d’acteurs de la société civile, de représentants d’entreprises et de journalistes. Avant de faire référence au retard accusé dans la réforme du système, approuvé dès 2014. « Je sais que le gouvernement a pris du retard dans certains domaines et que nous n’arriverons pas à tous nos objectifs, mais nous avançons », a reconnu Abdelilah Benkirane. Ainsi, le dernier axe de la stratégie nationale est réservée à la gestion et à la création d’un comité de pilotage, composé d’acteurs publics et privés, veillant à la bonne marche du plan. « A l’intérieur des conventions signées, nous avons prévu des éléments de suivi des réalisations annuelles, voire des sanctions », prévient Rachid Belmokhtar, sans détailler.[/encadre] |
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