La RAM profite-t-elle d’un vide juridique pour abuser du « Pay to fly » ?

Épinglée par une émission française pour avoir fait appel au système "Pay to Fly", la RAM se voit accusée de profiter d'un vide juridique. La compagnie se défend.

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Un avion de la RAM
La RAM clôture sa ligne Casablanca-N’Djamena-Nairobi. Crédit : DR

Epinglée par l’émission de France 3 « Pièces à conviction », la RAM est au cœur de la polémique pour avoir fait appel au système « Pay to fly », un système permettant à un jeune pilote, qui n’a pas accompli les heures de vol minimales pour être recruté comme pilote, de payer des compagnies aériennes pour pratiquer. Or l’émission révèle que pour le cas de la RAM, « aucune évaluation préalable n’est réalisée », concernant les jeunes pilotes. Contacté, un membre de l’association des pilotes marocains (APM) nous confie que la RAM fait appel à des pilotes étrangers au détriment des pilotes marocains. « Avec le système Pay to fly, les jeunes pilotes en apprentissage accompagnent le commandant de bord en cabine. Seulement, pendant le vol, il se peut que le commandant confit des tâches importantes à ces jeunes pilotes non confirmés», nous assure-t-il.  A signaler que l’APM a annoncé sa création en juillet 2015 et n’a rien à voir avec l’Association marocaine des pilotes de lignes (AMPL), la plus représentative du secteur, et qui ne s’est pas exprimée sur le sujet pour le moment.

RAM dément

Royal Air Maroc dément catégoriquement pour sa part les « allégations mensongères » sur ses processus de sélection et explique avoir « saisi les autorités judiciaires compétentes, au regard du préjudice subi », via un communiqué officiel publié le 28 mars. La compagnie précise qu’elle forme depuis 2002, forme des pilotes étrangers « compte tenu de son expérience dans le domaine. » Et d’expliquer : « Pour accéder à ces sessions de formation, les pilotes doivent impérativement être titulaires de diplômes et de qualifications délivrés par les autorités européennes, au même titre que les pilotes évoluant dans les grandes compagnies européennes. » La compagnie estime qu’elle inscrit la formation des pilotes étrangers dans la « dynamique de mettre à profit son expertise et ses infrastructures de premier plan, au service d’une formation qualifiante ».  La RAM explique que cette formation n’a pour elle, « aucune vocation commerciale ». Néanmoins, une source proche de la compagnie précise : « Les pilotes en question paient effectivement mais leurs frais ne couvrent qu’environ 30 % du coût de leur formation à Royal Air Maroc (hébergement…)» La RAM compterait actuellement des dizaines de pilotes « pay to fly » sur un total de près de 500 pilotes que compte la compagnie, nous indique la même source, sans toutefois dévoiler de chiffres précis.

Le vide juridique persiste

Regrettant qu’on ne s’intéresse au phénomène que maintenant, l’association marocaine des pilotes de ligne, qui milite « depuis trois ans » pour dénoncer ces pratiques, explique qu’au Maroc, « il y a un vide juridique » autour de cette question. « Le Maroc en profite, contrairement à des pays comme la France, où cela est très encadré. Le recrutement se fait à travers un centre en Tunisie qui se charge de ramener les pilotes désireux de payer leur temps de vol » explique en détail l’association.  L’association contextualise le recours à cette pratique par la situation de l’école nationale des pilotes de lignes (ENPL) qui a « connu plusieurs épisodes de fermeture et de réouverture tout au long de son existence ». Et d’expliquer que cette dernière n’a plus recruté d’élèves pilotes depuis 2010, et que son dernier pilote a été diplômé fin 2014. Néanmoins, elle déplore que la RAM favorise les pilotes étrangers aux Marocains.

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