Couscous tfaya, tajine pruneaux amendes, makrout, corne de gazelle… mais aussi, crème au chocolat et citron confit ou salade de pomme à l’huile d’argan, que ce soit de la cuisine purement marocaine ou bien étrangère avec de simples clins d’œil à son pays d’origine, les vidéos culinaires qu’Alia Al Kasimi poste sur YouTube comptabilisent entre 3 000 et 130 000 vues chacune. Sa chaîne compte près de 200 000 abonnés. Vernis pailletés sur les doigts, nœuds colorés dans les cheveux, et voix fluette s’exprimant en anglais séduisent des milliers d’internautes étrangers (Américains et Moyen-Orientaux notamment) curieux d’apprendre à cuisiner des plats marocains. Pourtant, rien ne prédisposait cette Marocaine à devenir une des principales références en la matière.
« J’ai appris devant tout le monde, sur Internet »
Née à Rabat d’une mère maroco-algérienne et d’un père irakien, Alia a quitté le pays à l’âge de 21 ans. Paradoxalement, c’est aux Etats-Unis, où elle était partit faire un master, que naît ce qui constitue maintenant une vraie passion pour la cuisine marocaine. « A l’époque, je ne savais pas cuire un œuf, se rappelle la jeune femme. En 2008, ma grand-mère est venue me rendre visite à New-York. La bouffe marocaine me manquait alors je lui ai demandé de faire des baghrir avec les ingrédients du bord ». Comme elle voulait faire découvrir cette cuisine à ses amis américains, elle décide de filmer la scène et de donner les explications en anglais. Et là, surprise ! La vidéo fait un carton auprès… des Américaines mariées à des Marocains. En réponse à leurs demandes, Alia réalise d’autres vidéos, alors qu’elle ne sait toujours pas cuisiner. « J’ai appris devant tout le monde, sur Internet », raconte la Rbatie, dont, même à travers le téléphone, on devine le sourire à son intonation enjouée. Au début, c’est surtout l’impression de devenir « une ambassadrice de la cuisine marocaine à l’étranger » qui lui plaît. Mais petit à petit, la femme se découvre une vraie passion.
De Wall Street aux fourneaux
Alors, malgré son travail de consultante à Wall Street qui lui prend 80 heures par semaine, Alia Al Kasimi s’engage pleinement dans la confection de ses vidéos. « C’était le début des chaînes YouTube, je prenais toute la nuit pour uploader une vidéo ». Et ses week-ends, elle les passe à réaliser de manière amateur ses présentations de recettes, vulgarisées à l’extrême, recueillies auprès de sa grand-mère. « Même quand je me suis retrouvée bloquée pendant plusieurs jours au Brésil pour le travail, j’ai réussi à trouver une cuisine chez quelqu’un pour réaliser mes vidéos », se souvient Alia.
A ce moment, si elle a du succès auprès du public étranger, tous les Marocains ne la soutiennent pas, et les insultes pleuvent. Il y a eu l’épisode de la harira verte, ou encore de la dégustation de scorpions, alors qu’elle filmait ses pérégrinations culinaires en Asie. « Je n’ai jamais honte, je ne connais pas le mot hchouma. J’ai mangé un scorpion comme je peux manger cinq bols de babouche (escargots, ndlr) dans la médina de Rabat, et on mange bien des criquets dans le sud du Maroc ! », se défend-elle. Pas honte, mais blessée. C’est d’ailleurs sans pudeur qu’elle nous confie en avoir pleuré. Heureusement, dans ces moments, elle pouvait compter sur son époux, un Indien rencontré aux Etats-Unis. Et de nous raconter : « Mon mari m’a dit, ‘ si Obama a gagné avec 51 %, toi aussi tu peux te contenter de 51 % de gens satisfaits, tu n’as pas besoin de plaire à 100 % ». Elle n’a plus aucune rancœur envers ces Marocains médisants « Au Maroc, s’il y a une intolérance de la part de certains, c’est à cause de l’ignorance », estime-t-elle.
Une femme d’affaire
Alors, la Marocaine persiste et signe, continue à proposer des recettes marocaines à base de produits locaux, à inviter des cuisiniers étrangers ou encore à inventer des plats étrangers en y insérant des saveurs de son pays natal. Et aujourd’hui, les moments difficiles semblent bien loin. Celle qui vit maintenant en Corée où elle travaille depuis deux ans et demi pour le géant Samsung en tant que stratégiste globale, est devenue une vraie femme d’affaires. Si elle ne souhaite pas nous dire combien ses vidéos lui rapportent, six personnes travaillent pour elle. « Il y a le cameran, trois éditeurs, deux designers et une assistante social média », énumère la cuisinière.
Depuis 2015, ses vidéos sont réalisées de manière professionnelle. Et cela se ressent. On est loin du mauvais son du début. Montage parfait, vidéo rythmée… Entre temps, elle a animé une étape de Master Chef Pologne et publié un livre. Et parce que cela ne lui suffit pas, Alia Al Kasimi s’apprête à abandonner son poste chez Samsung pour se consacrer entièrement à la cuisine. Prochaine destination de vie : Singapour, pour le travail de son mari certes, mais qu’elle qualifie de « centre culinaire de l’Asie ». La jeune femme prévoit également la duplication des vidéos en arabe.
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