La révision de l’enseignement religieux en trois points

L'apprentissage dans une école coranique

Le 6 février, Mohammed VI a ordonné la révision des programmes et des manuels d’éducation religieuse. Pourquoi cette décision ? Qui va chapeauter ce chantier ? Quels sont les aspects qui doivent impérativement changer ? Décryptage.

C’est une première. Le week-end dernier, un communiqué du Palais royal annonçait solennellement que le roi avait donné ses instructions pour la révision de l’enseignement religieux. Mais concrètement, comment va se faire cette modification ? Qui va être impliqué ? Quels sont les valeurs qui doivent être mises en avant ? Pour répondre à ces différentes questions, TelQuel.ma a contacté le Ministère de l’éducation nationale, ainsi que des acteurs de la société civile.

1/ Quelle est la vision de Mohammed VI ?

Le communiqué du Palais Royal est plutôt clair sur la question. Les ouvrages et les programmes revus devront  « accorder une grande importance à l’éducation aux valeurs de l’islam tolérant, dans le cadre du rite sunnite malékite, qui prônent le juste-milieu, la modération, la tolérance et la cohabitation avec les différentes cultures et civilisations humaines ». La décision du roi arrive moins de dix jours après la tenue fin janvier de la Conférence de Marrakech. Organisée sous son patronage, cette conférence – qui a été applaudie par Barack Obama lui-même– s’est terminée sur une déclaration, urgeant les Etats du monde musulman à « réaliser des révisions courageuses et responsables des manuels scolaires de manière à corriger les distorsions qui, outre l’incitation à l’extrémisme et à la violence, alimente les guerres et les dissensions et sape l’unité des sociétés ». Mohammed VI ouvre donc la voie en se lançant le premier dans ce chantier. Son annonce a d’ailleurs a déjà été remarquée à l’international. Dans une chronique publiée le 8 février dans le quotidien Asharq Al Awsat puis sur le site d’Al Arabiya, journaliste et leader d’opinion Abdulrahman Al Rashed affirme que cette décision pourrait « avoir un impact sur le monde ». Il a également ajouté que « si les Marocains sont capables d’écrire de nouveaux programmes qui transmettent les grands enseignements humanitaires de l’islam […] alors ils mériteraient de servir d’exemple pour les autres pays islamiques ».

2/ Qui va se charger de cette révision ?

Interrogée à ce sujet, une source au sein du Ministère de l’éducation nationale explique « qu’une commission va être constituée la semaine prochaine pour plancher sur la question ». Des représentants du Ministère des Habous et des Affaires islamiques feront partie de cette commission et auront leur mot à dire, comme l’a précisé le communiqué du Palais Royal. Quel sera le profil des membres de cette commission? «Il est trop tôt pour se prononcer là dessus » poursuit notre source. Pour les acteurs de la société civile, une approche participative est primordiale pour réussir ce challenge. « La religion appartient à tous les Marocains, pas seulement aux théologiens. Des historiens, des philosophes, des sociologues et des scientifiques doivent être impliqués dans cette réflexion. Nos ouléma doivent s’ouvrir sur d’autres disciplines, car nous ne pouvons pas nous baser seulement sur des textes qui datent de plusieurs siècles », explique Nouzha Skalli, membre du Parti du progrès et du socialisme (PPS) et ex-ministre de la Solidarité. Même son de cloche chez Mehdi Alioua, sociologue à Sciences Po Rabat à l’UIR: « Il n’existe aucune éducation nationale dans le monde qui ait réussi de réforme sans intégrer une approche participative… cela devrait même être la base de l’enseignement, une pédagogie participative et par projet. Non seulement il faut que le corps professoral admette qu’il ne sait pas tout, le doute et l’humilité étant la base de la science, mais nos dirigeants aussi. Il existe déjà une instance le CSE -Conseil supérieur de l’éducation- et le ministère a des spécialistes qui l’accompagnent pour mettre en place les programmes. Mais peut être que cela est insuffisant et qu’il faudrait ouvrir encore plus les discussions ».

3/ Quels sont les valeurs qui doivent être mise en avant ?

Pour la militante féministe Nouzha Skalli, « il faut mettre en avant les principes d’égalité entre les sexes, de liberté, et d’ouverture à la diversité. La Constitution de 2011 est assez avancée sur ces questions.  Mais les messages transmis en parallèle au sein des programmes et des manuels scolaires n’ont rien à avoir avec le projet de société moderne et progressiste décrit dans le texte. Résultat, nos jeunes sont intolérants, et même très violents a l’égard de l’autre, dès qu’il n’a pas le même sexe qu’eux, la même croyance ou la même culture ». Pour Mehdi Alioua, le problème réside également dans la manière avec laquelle est enseignée l’histoire de la religion au Maroc: « Il faut en urgence faire disparaitre ces inepties dans les programmes scolaires qui font croire que le Maroc commence avec l’islamisation et les Idrissides ! Si c’est un moment charnière de notre histoire, nous sommes tout autant les hérités des dynasties amazighs… sans oublier les legs des romains, des peuples sahraouis etc. Deuxièmement, la méthode pédagogique est aussi importante car puisque que notre société est plurielle, et donc complexe, il faut qu’ils s’approprient une pensée complexe. Cela commence déjà par arrêter la t7fida le « par-cœur » et la récitation ! » .

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