Le 20 janvier, le ministère de l’Agriculture publie un communiqué de presse informant que Saham Assurance pourra maintenant vendre une assurance agricole multirisque climatique (MLT), jusqu’à présent seulement proposée par la Mamda, mutuelle publique. Si c’est le département de l’Agriculture qui en fait l’annonce, cela signifie que la convention a été ratifiée par le ministère de Aziz Akhnnouch et celui des Finances dirigé par Mohamed Boussaid. Car cette formule de couverture des risques climatiques repose sur une subvention importante de l’État.
Très vite, une partie de la sphère économique et politique s’insurge en criant au conflit d’intérêt puisque le patron de Saham n’est autre que Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie. Face à la polémique, Saham Assurance décide quelques jours plus tard de stopper l’application de la convention, dont le produit objet de cet accord, devait être commercialisé au lendemain de sa signature. Argument avancé : suspension du lancement du produit en attendant que d’autres sociétés privées signent des conventions similaires. De son côté, la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurances assure que « d’autres acteurs vont manifester, dans les plus brefs délais, leur volonté de signer avec le ministère des conventions similaires ».
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Que propose la Mamda ?
Depuis 2011, la Mamda (actionnariat étatique) propose une assurance multirisque climatique. Les agriculteurs peuvent ainsi assurer leurs récoltes céréalières (blé tendre, blé dur, orge et maïs) et légumineuses (fèves, lentilles, petits pois, pois chiches et haricots). Le produit couvre les dégâts liés à la grêle, au vent violent (plus de 80 kilomètres-heure), au vent de sable, au gel, à l’excès d’eau et à la sécheresse. Le contrat d’assurance ne couvre pas les dégâts engendrés par une situation de « catastrophe naturelle » décrétée par l’État.
Comment sont calculées les cotisations et les indemnisations ?
L’indemnisation est calculée en fonction d’un rendement de référence. Ce dernier correspondant à 60 % de la moyenne des rendements de la commune (abritant l’objet de la couverture) sur les dix dernières années, et du capital assuré par hectare (qui dépend de la superficie et des zones).
Pourcentage de perte = 1 – (rendement réel constaté/rendement de référence) Indemnisation = capital assuré × pourcentage de perte[/encadre] Cette assurance multirisque climatique coûte systématiquement à l’État puisqu’il ne subventionne pas les indemnisations (en cas de dégâts donc), mais les cotisations. La subvention varie entre 57 % et 90 % selon les cas (taux décroissant quand la superficie augmente). Comment fonctionne la Mamda ?La mutuelle fait appel à des réassureurs internationaux, auxquels elle verse des primes. « Le Maroc étant considéré comme un pays de sécheresse cela a été difficile au début de mobiliser les réassureurs puisque le niveau de risque est très élevé », nous explique un connaisseur du secteur. Pourquoi libéraliser le secteur ?Dès 2011, la convention liant la Mamda à l’État stipulait que « la Mamda […] s’engage à entreprendre les démarches nécessaires, afin de proposer aux autres assureurs du marché marocain, d’adhérer à ce produit ». Dans le communiqué en date du 24 janvier, Saham vante son arrivée sur le désormais marché de l’assurance climatique agricole. Il y est stipulé que la nouvelle convention est identique à celle qui concerne la Mamda, mais qu’elle intègre « plusieurs nouveaux avantages pour l’État, comme la baisse du coût de la réassurance de 40 millions de dirhams par an et l’élargissement de la distribution de ce type de produit, en s’appuyant sur le réseau de Saham Assurance de 425 agents, représentant le plus large du secteur des assurances et réparti sur l’ensemble du royaume ». Malgré plusieurs sollicitations, Saham Assurance n’a pas souhaité nous préciser l’offre, alors qu’elle était pourtant censée être commercialisée à partir du 21 janvier, ni nous communiquer la convention objet de toutes les critiques. L’argument de la réassurance est-il valable ? Cela voudrait dire que Saham arriverait à payer des primes moins importantes aux réassureurs. La Mamda n’a pas voulu nous communiquer ses résultats. Autre argument. Saham évoque l’élargissement de la distribution. Il est vrai que le réseau d’agences Saham est bien plus important que celui de la Mamda. En effet, elle ne possède qu’une quarantaine d’agences. Mais, elle a son actif la réalisation de l’objectif fixé par la convention de 2011, celui de couvrir un million d’hectares.
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