Un rapport, une recommandation parmi vingt autres, et les conservateurs se crispent. A l’origine de cette tension, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), présidé par Driss El Yazami, a publié le 20 octobre un rapport portant sur les discriminations à l’égard de la femme au Maroc. Le CNDH y préconise rien de moins que l’amendement du Code la famille, « de manière à accorder aux femmes les mêmes droits dans la formation du mariage, sa dissolution (…) et en matière successorale en conformité avec l’article 19 de la Constitution sur la parité et l’article 16 de la convention de la CEDAW (Comité onusien d’élimination des discriminations contre les femmes, ndlr) ». Aujourd’hui, ces deux textes sont ignorés au Maroc. En effet, il est difficile pour le royaume d’observer cette parité sans respecter la Charia. En mettant à nouveau la lumière sur cette injustice qui accable les femmes, le CNDH a déclenché l’ire des conservateurs.
Attaques contre le CNDH
Au lendemain de la publication du rapport, le quotidien arabophone Attajdid, proche du MUR et du PJD, a vivement réagi. « Le conseil d’El Yazami appelle à l’égalité des sexes dans les affaires d’héritage contrairement à ce que précisent la Charia et la Constitution », titre le journal. Un raccourci assumé dans les colonnes du journal, où on peut lire l’indignation du vice-président du MUR, Omar Benhmad: « L’égalité dans l’héritage entre l’homme et la femme est une revendication qui s’oppose directement à un texte coranique clair et qui n’est pas sujet à débat ». Il invite le Conseil supérieur des ouléma à se prononcer sur la question, comme il l’avait déjà fait en 2009 en émettant une fatwa officielle. Celle-ci était en effet catégorique: pas de débat concernant l’égalité en matière d’héritage entre l’homme et la femme. De son côté, le PJD en rajoute une couche, en ne ménageant pas le CNDH, et en présentant le rapport comme « hors contexte de la Constitution marocaine et non adapté à la société marocaine », selon les termes du député PJD Abdessamad Idrissi. Ce dernier en profite pour dénoncer le conseil de Driss El Yazami qui, selon l’élu, « n’est pas constitué de toutes les tendances de la société marocaine et n’est qu’une minorité », nous explique-t-il.
Appel à la sérénité
Pas de quoi faire douter le CNDH de son bon droit. « Notre rapport a surtout pour but d’ouvrir le débat concernant cette question », insiste Mohamed Sebbar, secrétaire général de l’instance. Avant d’ajouter, en réponse aux critiques émises, qu’« au final, les recommandations du rapport ne sont pas sacrées et sont largement négociables au niveau national ». Surtout qu’une partie de la classe politique rejoint les recommandations du Conseil. « Dans le contexte où nous vivons, il est impératif de réviser certains textes de loi qui mettent la femme en situation d’inégalité par rapport à l’homme », estime pour sa part la députée du PAM, Khadija Rouissi, pour qui le débat est urgent. Même indignation du côté de Nouzha Skalli, députée du PPS, qui estime que « l’islam n’a jamais interdit le débat ». L’avenir du rapport du CNDH risque de finir dans un tiroir.
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