Que revendique Annahj Addimocrati, le seul parti qui boycotte les élections ?

La moitié des Marocains ne participent pas aux élections. Elles n'enchantent presque que les partis, sauf un seul. Annahj Addimocrati pratique toujours le boycott et ne lâche rien. Rencontre avec son secrétaire général.

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Crédit : Yassine Toumi

Pendant que la trentaine de partis du paysage politique marocain se préparent au lancement de la campagne électorale, une formation politique se démarque du lot. Il s’agit d’Annahj Addimocrati. Reconnu légalement et à tendance marxiste-léniniste, le parti continue à boycotter les élections depuis sa création, en 1997. C’est à Casablanca que nous rencontrons son actuel secrétaire général, Mustapha Brahma. Le dirigeant est plutôt fier de la décision de son parti et n’hésite pas à nous glisser un « nous sommes les seuls à boycotter les élections et les plus propres ». Et de poursuivre :  « 28 millions de personnes sont en âge de voter. Le nombre d’inscrits sur les listes électorales ne dépasse pas les 14 millions. On peut donc déjà dire que 50 % des Marocains boycottent les élections », argumente Mustapha Brahma, sans nuancer entre non-participation et boycott. Pour ajouter: « nous sommes du côté de ces 50 % et nous les soutenons ». Un désintérêt que le chef de parti justifie en rappelant « l’autoritarisme » qui prévaut toujours au Maroc, autant au niveau national, avec une monarchie qui a toujours tous les pouvoirs, qu’ au niveau régional, du côté des collectivités territoriales, où la suprématie du ministère de l’Intérieur est toujours de mise. « Quelle valeur ont donc ces élections ? », s’interroge le chef de parti.« Les gens ont compris qu’il n’y avait plus d’enjeux », tranche Mustapha Brahma.

Crédit : Yassine Toumi
Crédit : Yassine Toumi

« Nous avons une campagne pour le boycott à mener »

Sur la table, Mustapha Brahma nous montre le numéro spécial du journal de son parti. L’édition est dédiée aux élections. Car, oui, même si le parti boycotte les élections et même s’il ne sera pas invité sur les plateaux télévisés pour présenter son programme, les camarades de Brahma vont faire campagne. Une campagne électorale en bonne et due forme pour appeler au boycott. « Nous avons une campagne pour le boycott à mener quand même. Nous serons le seul parti qui boycotte, oui, mais cela ne va pas nous freiner », affirme-t-il sans sourciller. Qu’en est-il de la loi qui pénalise les appels au boycott ? Il y a une nuance à faire, selon Brahma. « Nous n’utilisons pas des mensonges ou des moyens frauduleux pour appeler au boycott », se défend-il. Cela se fera en fonction des moyens limités du parti. Le parti, même s’il est reconnu légalement, ne bénéficie d’aucun financement étatique du fait de sa non participation aux échéances électorales. Une non-participation à nuancer. « Le boycott reste une forme de participation », rappelle Brahma. Quand on lui demande si un parti est toujours un parti même s’il ne participe pas aux élections, le chef de parti ne le prend pas mal. Et répond calmement et avec  un sourire aux lèvres  :« même les partis qui sont déjà là et qui participent aux élections, ne remplissent par leur fonction d’encadrer les citoyens », nous glisse-t-il. « Ils se contentent d’être la majorité de sa majesté et l’opposition de sa majesté », renchérit Brahma.

Syriza, Podemos et les autres…

A l’échelle nationale, Annahj est plutôt isolé. La fédération de la gauche démocratique rassemblant le PSU, le CNI et le PADS ont pris leurs distances notamment lorsqu’ils ont participé aux élections. « Nous n’avons pas à leur en vouloir. De toutes les façons, nos appels au boycott ne sont pas adressés aux partis mais au public », tempère le secrétaire général d’Annahj.

C’est au niveau international, qu’Annahj a ses soutiens. En juin 2014, Annahj a co-signé la « Déclaration de Casablanca » pour renforcer ses liens avec différents autres mouvement de la même sensibilité politique. Dont notamment Syriza et Podemos. Le but était d’encourager la constitution de « fronts ». Une expérience qui, selon Brahma, devrait être utilisée au Maroc. « Nous avons beau nous battre pour ça, mais rien ne dure finalement », regrette-t-il. Mais point de distinction : Syriza et Podemos participent aux élections. « C’est normal, vu qu’au moins eux, ils ont un vrai système politique transparent et démocratique », botte en touche l’intéressé. « Chez nous, on ne peut pas faire ça. On préfère rester dans le terrain pour se rapprocher des citoyens et tenter de constituer un front démocratique ». A quelle fin ? «pour qu’une monarchie parlementaire puisse exister au Maroc, nous aurons besoin d’une révolution, pour ainsi se défaire du Makhzen », conclut Mustapha Brahma.

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