Un architecte marocain accuse le couturier Pierre Cardin de lui avoir volé l’idée de sa vie

Ali Ayadi poursuit le célèbre couturier Pierre Cardin devant la justice française pour lui avoir usurpé son travail de création d’une tour.

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Pierre Cardin. Crédit : STEPHANE DE SAKUTIN/AFP.

« Ils croyaient que le petit marocain ne les attaquerait jamais mais si, et j’irai jusqu’au bout », lance Ali Ayadi. Ce designer accuse Pierre Cardin et certains de ses collaborateurs d’avoir usurpé l’une de ses créations. En 2012, le célèbre couturier français révèle « son » projet de Palais lumière, une tour de 250 mètres qu’il souhaite ériger dans sa région natale de Vénitie, à Porto Marghera. Composé de trois piliers reliés par des anneaux, le projet est ambitieux et les formes de l’édifice originales. L’intéressé explique que l’idée lui est venue en dessinant un vase de tulipes. A regarder les projections, cela semble tenir la route.

Oui mais voilà, d’après le Marocain Ali Ayadi, Pierre Cardin ment, c’est lui qui a imaginé, pensé et dessiné cette tour. Il nous raconte qu’il a commencé à élaborer ce projet dans les années 2000, avant même d’obtenir son diplôme de la prestigieuse école Esag Penninghen. Embauché par les studios Pierre Cardin dès la fin de ses études, « Je continuais à travailler dessus tout le temps. C’était un projet personnel mais je n’avais aucune vision de ce que pourrait être ma tour et avec qui je pouvais la réaliser », nous explique le designer.

D’après Ali Ayadi, un jour de 2002, son directeur Daniel You, un proche collaborateur de Pierre Cardin, est tombé sur ses croquis. Il l’a incité à poursuivre, lui a promis qu’il allait lui-même pouvoir présenter le projet à Pierre Cardin, qui était intéressé. S’en suivent deux années de travail et de nuits blanches, durant lesquelles le designer n’a aucun retour, et n’entend plus parler du projet, même une fois les visuels aboutis.

Face aux questions, le licenciement

Il s’est alors vite douté que quelque chose ne tournait pas rond. En 2004,  Ali Ayadi est licencié, officiellement pour raisons économiques. «  Vous avez déjà vu un licenciement économique chez Pierre Cardin ? Non, c’est que je posais constamment des questions sur ma tour, ça les dérangeait puisqu’ils étaient déjà au Qatar en train de finaliser le projet. Ils m’ont court-circuité, c’est tout », nous explique le Marocain, qui nous assure avoir des preuves de ces déplacements.

Ali Ayadi a donc décidé de porter plainte contre Pierre Cardin et ses entreprises Société de gestion Pierre Cardin (avec laquelle il a signé son contrat de travail) et Pierre Cardin évolution (société mère). L’accusé se défend, considère la procédure abusive et lui réclame 20 000 euros de dommages et intérêts. Pour sa défense, le clan Cardin avance une autre version, mais qui diffère de celle présentée par Pierre Cardin lors de la publication du projet. Exit le vase de tulipe en 2007, Daniel You explique que c’est lui qui a dessiné cette fameuse tour, à la demande de son patron. « Mais il est peintre, n’a jamais été architecte ! », condamne Ali Ayadi. A l’hebdomadaire français Marianne, Daniel You se défend et qualifie celui qui est devenu son adversaire de « fieffé menteur », l’accusant de « chercher à soutirer de l’argent à Pierre Cardin ».

Fausses preuves ?

Ali Ayadi avance une trentaine de croquis et de modélisations à la justice pour prouver sa bonne foi. De son côté, Daniel You présente lui aussi des croquis, datés de 1999. Mais « j’ai tiqué sur l’un des croquis, je l’ai fait expertisé et c’est bien un faux, il est antidaté », nous assure le designer. En plus de la procédure civile pour laquelle l’audience doit avoir lieu le 30 novembre prochain, Ali Ayadi a donc décidé de porter plainte au pénal pour faux et usage de faux. L’enquête n’est pas encore ouverte. Et il ne compte pas s’arrêter là : « Rodrigo Basilicati, le neveu de Pierre Cardin, a passé sa thèse d’ingénieur en 2011 sur le Palais lumière, je vais tenter d’invalider sa thèse pour plagiat ».

« C’est du gâchis, on aurait pu s’entendre et la construire ensemble, mais il a fait une grosse bêtise, c’est une aberration de la construire à Venise, elle est beaucoup trop grande, ce n’est pas l’esprit vénitien », regrette le designer de 52 ans qui rêvait de la construire sur une île artificielle entre l’Espagne et Tanger. Aujourd’hui, le projet du Palais lumière est abandonné, mais s’il gagne ce combat, Ali Ayadi compte bien le mener jusqu’à bout : « Je suis un bâtisseur dans l’âme donc je ne fais pas des projets pour qu’ils restent dans les tiroirs et bien sûr que j’y crois toujours, c’est une tour symbolique ».

Modélisation de la tour par Ali Ayadi.
Modélisation de la tour par Ali Ayadi.

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