L’amendement au texte de coopération judiciaire liant le Maroc à la France depuis 2008 a été examiné et adopté par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, le 17 juin. Cet amendement, qui sera examiné par l’Assemblée nationale le 23 juin, a fait préalablement l’objet d’un rapport réalisé au « nom de la commission des Affaires étrangères » par la députée du Parti socialiste, Elisabeth Guigou qui a été rendu public récemment.
Dans son compte rendu, la native de Marrakech livre un avis « favorable » sur la nouvelle version des accords de coopération judiciaire qui sont néanmoins marqués par des« imprécisions », notamment concernant le cas des binationaux, qui handicapent le texte. Ces incompréhensions ne remettent toutefois pas « en cause les principes de notre (de la France, ndlr) droit interne ni nos engagements internationaux » selon Elisabeth Guigou. Au-delà de l’avis favorable sur le texte, le rapport de la Commission des Affaires étrangères se penche sur les conséquences de l’interruption de la coopération entre les deux pays. Enfin, l’ancienne garde des Sceaux du gouvernement Jospin présente des axes dans lesquelles les deux pays pourraient s’entraider.
Pas de remise en cause de la compétence universelle
Les accords de coopération judiciaire liant le Maroc à la France avaient fait l’objet de critiques de la part de trois ONG : Amnesty International, l’ACAT et Human Rights Watch. Des reproches auxquels, Elisabeth Guigou répond dans son rapport.
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Pour les trois ONG mentionnées précédemment, l’amendement aux accords de coopération judiciaire remet en cause la compétence universelle de la justice française. Or, pour la présidente de la commission des affaires étrangères « le protocole additionnel à la convention d’avril 2008 ne revient en rien sur les obligations de la France en la matière et ne remet pas en cause la compétence quasi universelle du juge ». L’ancienne ministre de la Justice remarque que « le texte rappelle explicitement que le dispositif de coopération et d’échanges s’inscrit « dans le cadre des engagements respectifs » de la France et du Maroc, pour « contribuer à la bonne mise en œuvre des conventions internationales qui les lient ». Le rapport établi par la commission des Affaires étrangères précise même que « le protocole additionnel ne fait pas échec à la mise en œuvre de la compétence reconnue aux autorités judiciaires françaises par la Convention des Nations unies contre la torture et l’article 689-2 de notre code de procédure pénale pour connaître de faits de torture commis à l’étranger, dès lors que la personne soupçonnée d’en être l’auteur se trouve sur le territoire français ».
Le pouvoir judiciaire respecté
Les ONG contestant l’accord de coopération ont aussi dénoncé un non-respect de la séparation des pouvoirs et de l’autorité judiciaire. Une critique non valide à en croire le rapport de la commission des Affaires étrangères qui souligne que le nouveau dispositif d’échange d’informations prévu par la convention ne « prévoit aucunement un dessaisissement automatique ou forcé du juge français au profit du juge marocain ou du juge marocain au profit du juge français ».
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Dernière critique auquel la commission des Affaires étrangères répond, celle relative à une éventuelle violation du secret de l’enquête et de l’instruction. Selon la commission dirigée par Elisabeth Guigou l’enquête et l’instruction ne sont pas affectées « par les mécanismes de l’entraide pénale internationale ». À en croire le rapport, il est logique que « les autorités judiciaires marocaines soient informées de l’existence d’une procédure judiciaire en France concernant un ressortissant marocain pour des faits commis au Maroc ».
Les avantages et inconvénients de la coopération judiciaire
Le compte rendu chapeauté par Elisabeth Guigou porte également sur les conséquences de la suspension de l’accord de coopération judiciaire. Cette décision, prise de manière unilatérale par le ministère de la Justice marocain, a entrainé la suspension de « près de 230 dossiers en matière pénale ». Parmi ces dossiers figurent des demandes d’extraditions, de transfèrement de prisonniers français condamnés au Maroc et d’entraide judiciaire.
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Le rapport de la commission des Affaires étrangères se penche également sur l’amélioration des relations entre les deux pays depuis la reprise de la coopération judiciaire. Ainsi, « 42 nouvelles commissions rogatoires internationales ont été transmises par la France (une demande marocaine), et 5 demandes d’extradition (une demande marocaine). 54 commissions rogatoires internationales ont fait l’objet de relances par la France et 10 par le Maroc » depuis la reprise de la coopération entre le royaume et l’hexagone.
Le Maroc, un partenaire a plusieurs niveaux
La commission des Affaires étrangères présente également, dans son rapport, une sorte de feuille de route visant à améliorer la coopération entre le Maroc et la France. Le groupe dirigé par Elisabeth Guigou suggère que les deux pays pourraient améliorer leur entente dans le domaine climatique. Le rapport pointe notamment le fait que le Maroc présidera la Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP) en 2016. Une présidence dont pourrait bénéficier la France pour « consolider les acquis de la conférence sur le climat qui aura lieu à Paris fin 2015 ». La commission des Affaires étrangères note que le Maroc pourrait avoir dans la « mobilisation du groupe des États africains et des autres pays arabes ».
La France pourrait également, selon Elisabeth Guigou, bénéficier du soutien du Maroc dans la zone méditerranéenne. Les deux pays président actuellement le Dialogue 5+5 ce qui pourrait constituer pour la France une opportunité de mettre en œuvre des projets communs « dans les domaines de l’investissement, de la jeunesse, du tourisme et de l’emploi ». La commission des Affaires étrangères suggère même le lancement d’ « un 5+5 « Commerce et Investissement » […] avec le Maroc, qui joue un rôle pivot entre l’Europe et l’Afrique ». L’idée d’un 5+5 Santé est également évoquée par le groupe dirigé par Elisabeth Guigou.
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