Sécurité routière: la dangereuse fraude des instruments de mesure de vitesse

Bus et camions doivent être équipés de chronotachygraphes, instrument qui mesure leur vitesse. Mais certains transporteurs les trafiquent.

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Chronotachygraphe. Crédit : Julien Bertrand/Wikipedia.

Il y a quelques semaines, plusieurs accidents d’autocars ont causé la mort à de nombreuses personnes. L’occasion de s’intéresser aux garde-fous pour empêcher ces drames. Depuis 1996, tous les poids lourds et véhicules transportant des voyageurs doivent être équipés d’un chronotachygraphe. Cet instrument enregistre le temps de conduite, la distance parcourue et surtout la vitesse. Lors de contrôles, la gendarmerie vérifie alors ce que l’instrument a enregistré. Mais problème : il semblerait que des chronotachygraphes installés soient volontairement mal étalonnés pour donner une vitesse sous-estimée.

Et les transporteurs ne seraient pas les seuls responsables de cette fraude. La gendarmerie contrôle aussi le certificat attestant du bon fonctionnement de l’outil. Or, ce document serait délivré par des agents agréés et des fonctionnaires du ministère du Commerce et de l’industrie peu scrupuleux. C’est en tous cas ce que prétend Amine El Maliki, président de l’Association marocaine des importateurs et installateurs agréés des chronotachygraphes, qui les accuse de recevoir des pots de vin sans réellement faire de vérification. « Ils donnent des certificats sans voir l’instrument et à la fin des véhicules roulent incognito », dénonce-t-il. D’après Amine El Maliki, plus de 80 % des véhicules en circulation seraient équipés d’un chronotachygraphe mal programmé. Les bus scolaires ne seraient pas épargnés.

Un système basé sur la confiance, d’après le ministère

Pour le ministère, rien d’alarmant. « Il y a quelques abus mais cela ne concerne pas 80 % », nous avoue Brahim Yahyaoui, chef de la division de la métrologie. D’après lui, les agents du ministère font bien leur travail, mais il concède par contre que pour des raisons techniques, il s’agit seulement d’un contrôle statistique. Autrement dit, le contrôle réel ne se fait que sur quelques véhicules d’une même entreprise, « pour ne pas tous les immobiliser », puisqu’il existe une « certaine confiance » entre les agents et les professionnels.

D’après la réglementation en vigueur, il existe trois types de contrôles. Le premier est assuré par l’installateur accompagné d’un fonctionnaire, lors de l’installation. Le second a lieu de manière périodique tous les deux ans et c’est le fonctionnaire qui s’en charge. Et le troisième a lieu lorsqu’il y a une panne et que l’agent agréé effectue la réparation. D’après Amine El Maliki, les premiers et seconds n’ont pas souvent lieu et c’est dans les derniers cas qu’il nous dit découvrir des incohérences sur les carnets de certifications. D’après lui, les contrôles périodiques ne sont pas réalisés mais certains fonctionnaires et agents agréés perçoivent de la corruption. Toujours selon lui, le ministère manque de moyen. « Sur Casablanca, ils font entre 150 et 200 installations par jour alors qu’il n’y a que cinq fonctionnaires », nous explique-t-il.

Pour lui, non seulement cela met en danger la vie des passagers le cas échéant mais en plus, « les transporteurs marocains vont bientôt être bloqués au niveau de la frontière », les Européens étant plus exigeants.

Le président de l’Amiac aimerait que le système soit informatisé, pour éviter les fraudes. Une idée non retenue par le ministère pour le moment, qui nous explique cependant que les contrôles périodiques seront maintenant entièrement privatisés.

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