Près de trois mois après la réconciliation avec Paris, le texte amendant l’accord de coopération judiciaire entre le Maroc et la France est enfin publié sur le site de l’Assemblée nationale française.
Cet accord a été négocié à la demande du Maroc, nous apprennent les annotations contextuelles au projet de loi français, « initiées à la suite de l’annonce de la partie marocaine, le 26 février 2014, de suspendre, de manière unilatérale, toute forme de coopération en matière judiciaire entre la France et le Maroc ». Cette suspension, survenue six jours après la tentative d’interpellation policière d’Abdellatif Hammouchi, patron de la DGST, découlait selon le ministère de la Justice de « l’apparition de nombreux dysfonctionnements et lacunes dans les conventions » entre Paris et Rabat, faisant référence à cet incident diplomatique.
Indépendance de la justice
Très proche de la version fuitée par le journal français Le canard enchaîné le 18 février dernier, le texte, décrié par plusieurs associations de défense des droits de l’Homme, systématise en effet la transmission d’informations entre les deux pays dès qu’une procédure judiciaire est ouverte dans un pays pour des faits commis dans l’autre.
Ces transmissions, précise le projet de loi de ratification de l’accord, « s’effectuent par la voie diplomatique, à la demande des autorités marocaines », précise le document, qui rajoute que cette demande de Rabat a pour but « la sécurité des transmissions ».
Mais dans un communiqué commun, la Ligue des droits de l’Homme, la Fédération internationale des droits de l’Homme, l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture, Amnesty International France et Human Rights Watch dénoncent une violation du principe de séparation des pouvoirs et d’indépendance du pouvoir judiciaire. Ce collectif appelle notamment les parlementaires français à « s’opposer au vote du projet de loi portant adoption de ce protocole », estimant qu’il « menace dangereusement l’accès à la justice des victimes d’infraction ».
Entre compétence universelle et territorialité des poursuites
Le texte dispose notamment que pour toute procédure ouverte dans un pays pour des faits commis dans un autre pays, « l’autorité judiciaire saisie détermine les suites à donner à la procédure, prioritairement son renvoi à l’autorité judiciaire de l’autre partie ou sa clôture », et ce « au vu des éléments ou informations reçus ». Une formulation vague, dénonce le collectif d’association, pour qui « la sécurité juridique oblige que les justiciables sachent quelles règles de droit s’appliquent à leur situation ».
Dans son étude d’impact accompagnant ce projet de loi, le gouvernement français répond aux critiques formulées par l’association Acat le 4 mars dernier, selon lesquelles cet accord porterait atteinte aux lois de compétence universelle de la France, en « [garantissant] au Maroc la possibilité d’enterrer toute affaire qu’il juge gênante » notamment dans les affaires de torture. Le projet de loi y rétorque que « le dispositif d’information et d’échanges entre les Parties s’inscrit dans le cadre des engagements respectifs de la France et du Maroc, afin de contribuer à la bonne mise en œuvre des conventions qui les lient telles la convention des Nations unies contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984 ».
L’argumentaire gouvernemental français rajoute notamment qu’ « un tel mécanisme permettra ainsi d’assurer une meilleure administration de la justice et la conduite efficace et diligente des procédures, au regard notamment du principe de territorialité des poursuites, sans préjudice des règles applicables en matière de compétence quasi-universelle ».
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