« Vive le peuple » a lancé Ayoub Boudad à sa sortie de prison, le 17 juin 2014. Le nom de ce jeune militant de 18 ans est désormais connu. Tout a commencé il y a un an, le 6 avril 2014, quand Ayoub Boudad, étudiant de 19 ans, participe à une manifestation syndicale à Casablanca qui rassemble une dizaine de milliers de personnes, selon les organisateurs. Avec ses camarades militants du mouvement du 20 Février, il brandit des pancartes pour soutenir ses idéaux. Pour lui, « la manifestation syndicale est une fête » mais celle-ci tourne au cauchemar. Celui que l’on appelle Bart Simpson voit sa vie basculer.
Ayoub Boudad et huit participants à la manifestation, pourtant autorisée, sont arrêtés et condamnés, le 22 mai, à des peines de prison ferme pour «atteinte à corps constitué», « organisation d’une manifestation non autorisée » et « violences envers des fonctionnaires de police ». L’affaire enflamme la toile et des jeunes se mobilisent pour dénoncer l’arrestation des « détenus du 6 avril». Amis, familles ou simples connaissances font front commun pour lancer la campagne #FreeSimpson.
Une question sera même posée par la député USFPiste Hasna Abou Zaïd au parlement. Cette dernière proteste notamment contre le refus du juge d’accorder la liberté provisoire aux jeunes manifestants. Certains évoquent un acharnement judiciaire pour « des raisons politiques ». Samad Iach, membre du comité contre la répression et la détention politique, réseau informel créé après le 6 avril, explique à Telquel.ma : « Dans le cas des jeunes du 6 avril, il est clair à nos yeux qu’il s’agit d’une affaire politique: les autorités cherchent à punir des personnes dont le discours déplaît ».
Un ado en prison
En prison, Ayoub Boudad a dû apprendre à survivre dans un environnement étranger et surtout hostile. « J’avais continuellement peur pour ma vie », se remémore-t-il. L’adolescent subit les reproches sans relâche et l’agressivité des autres détenus. Pour lui, il fallait toujours rester sur le qui-vive. Cependant, le jeune militant a fréquemment droit à des visites de la part d’organisations de défense des droits humains. « A chaque fois, les gardes et les prisonniers étaient stressés et gênés et avaient peur qu’on découvre quelque chose à propos de leur train de vie », explique-t-il.
De son séjour, Bart Simpson conserve tout de même des souvenirs qu’il se plaît à raconter. Il y a eu des prisonniers salafistes accueillants qui souhaitaient partager leur nourriture avec lui, et un Guinéen amical dont il s’est rapproché, ou les simples discussions autour de l’écrivain colombien, Gabriel Garcia Marquez (Cent ans de solitude), avec un certain… Karim Zaz (ex-PDG de Wana Corporate).
Rêves au placard
Et si Ayoub Boudad, à sa sortie de prison, semble être le même Bart Simpson d’avant son arrestation, sa vie est complètement chamboulée après deux mois de détention à la prison Oukacha de Casablanca. Etudes, rêves, ambitions et simples projets, tout est remis en question. Car le jeune militant n’a en rien perdu le goût de la lutte sociale mais il est confronté à une dure réalité. Après sa période d’emprisonnement, Ayoub Boudad passe en conseil de discipline. Le motif ? Absence à ses cours.
Avant le 6 avril 2014, Ayoub Boudad avait en effet réussi à être accepté en partie en tant que boursier à l’EMSI pour étudier l’ingénierie informatique. Mais derrière les barreaux, il lui est difficile de passer ses examens, étant donné « l’absence de cours pratiques mais aussi d’explications des professeurs », se désole-t-il.
Le jeune homme suivait également des cours d’allemand. Son plus grand rêve était alors de partir en Allemagne pour poursuivre ses études, après l’obtention de son diplôme. Un projet qu’il doit désormais ajourner car, dans le cadre de son sursis, il lui est interdit de quitter le territoire pour les cinq prochaines années. Un sursis qui lui retire également ses droits politiques et l’empêche de voter.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer