Hicham Moussoune, l’un des jeunes garçons qui avait joué dans Ali Zaoua, plus connu sous le nom de 3ouina, s’est plaint dans la presse que plus personne ne lui offre de rôles et a laissé entendre que vous l’aviez « exploité ».
Nabil Ayouch : C’est sa vision, mais elle est complètement partiale malheureusement. D’abord, après Ali Zaoua, je lui ai donné beaucoup de possibilités pour travailler sur quasiment tous les projets entrepris avec ma société de production Ali’N productions. Il a joué dans trois saisons de Lalla Fatima et je l’ai aussi fait jouer dans mon film Une minute de soleil en moins. Ensuite, si Hicham n’a pas travaillé par la suite avec d’autres producteurs et réalisateurs, il faut qu’il se pose des questions. Je sais que d’autres réalisateurs et producteurs ont essayé de le faire travailler, l’ont fait venir à des castings. Mais d’après les informations qui me sont revenues de leur part, il n’était pas sérieux. Il se comportait très mal sur le plateau et ne donnait pas envie aux gens de travailler avec lui. J’ai pu moi-même vérifier cette attitude. Sur Lalla Fatima, après la première saison, un ensemble de techniciens et de comédiens m’ont dit ne plus vouloir travailler avec lui parce qu’il était insupportable. Malgré cela, je l’ai imposé parce que j’avais beaucoup d’affection pour lui. Je pense qu’à un moment, il a pris la grosse tête et il a cru que tout lui était dû. La dernière expérience que j’ai eue avec lui c’était dans Whatever Lola wants. Je lui avais donné un rôle, mais il ne s’est pas présenté le jour du tournage et il a coupé son téléphone portable. Depuis ce jour, j’ai décidé de baisser le rideau.
Et concernant les autres enfants qui ont joué dans Ali Zaoua ?
J’ai essayé de tous les faire travailler. Contrairement à Hicham Moussoune, ils se sont bien comportés. Nous avons fait jouer celui qui a joué le rôle d’Ali Zaoua dans des films ainsi que celui a joué le rôle d’Omar dans une série qui est passée plusieurs années sur la chaîne Arrabiâ. Ces personnes ont fait preuve d’humilité et ne se sont pas pris pour des stars. Pareil pour les acteurs des Chevaux de Dieu, des jeunes de Sidi Moumen, qui n’avaient jamais fait de cinéma avant. Depuis Les chevaux de Dieu, ils ont joué dans quatre ou cinq longs métrages, dans des séries télé et des films étrangers et avec Ali’N productions. Quand des jeunes ont du talent, et c’est le cas de Hicham Moussoune, et qu’ils ont en même temps un véritable sens du professionnalisme, ils se font appeler par des réalisateurs comme Youssef Fadel, Driss Chouika. Tout le monde se les arrache.
Hicham Moussoune a également affirmé que les cachets des jeunes comédiens dans Ali Zaoua n’avaient pas dépassé les 15 000 dirhams ?
Je ne peux pas vous révéler les cachets qu’il a touchés parce qu’on est tenus par des clauses de confidentialité dans les contrats mais ce que je peux vous dire, c’est qu’il a touché plus que ce qu’il a déclaré. En plus, il a eu trois cachets pour Lalla Fatima qui ont augmenté de saison en saison et un pour Une minute de soleil en moins, pour lequel il a touché une somme très conséquente. Il ne cite pas non plus l’argent que la structure a dépensé pour qu’il puisse se construire un avenir ainsi que tous les enfants qui ont joué dans Ali Zaoua : dans le contrat que nous avons signé avec ces jeunes et avec l’association Bayti, il était convenu qu’on les rétribue pour leur rôle mais aussi qu’on donne un budget pour les former à des métiers. Pour certains, cela a fonctionné, pour d’autres non. C’est facile 15 ans après tout cela, alors qu’il se sent dans une situation d’échec, de tout mettre sur le dos du film. Il a eu d’autres expériences, comme il le rappelle lui-même. Là où il est passé, il s’est fait virer. Par la suite, il s’est mis à signer des chèques sans provision et s’est fait envoyer en prison. Ce n’est pas à cause du film. Je trouve que dans son discours, il y a de la victimisation. Cette attitude est, à mon sens, avant tout une attitude de manipulation et c’est ce que je n’aime pas. Mais quand on est bon, on peut se faire pardonner. Il y a beaucoup d’enfants qui ont joué dans Ali Zaoua qui m’ont également joué des tours, mais comme au fond ce sont des bonnes personnes, j’ai passé l’éponge. Le problème de Hicham, c’est qu’il se croit plus malin que les autres. Je n’ai aucune rancœur contre lui et c’est quelqu’un qui a beaucoup de talent.
Le centre culturel Les étoiles de Sidi Moumen a été inauguré cette année. Qu’en est-il des activités qui sont organisées en son sein ?
On a fondé ce centre culturel pour plusieurs raisons. Après le film et le livre, Mahi Binebine (qui a écrit Les Étoiles de Sidi Moumen, ndlr) et moi voulions mettre en place une action qui s’inscrirait dans la continuité et qui ait un impact réel. J’ai grandi dans une banlieue parisienne et plus précisément à Sarcelles. Une banlieue assez communautariste et violente. Ce qui m’a beaucoup aidé à trouver ma voix, c’est la libre expression artistique, apprendre à chanter, à danser, voir mes premiers cycles de cinéma. Grâce à ce centre culturel, je peux donner à d’autres ce que j’ai reçu. A ces jeunes à qui on dit que la violence n’est pas un moyen d’expression, nous devons leur donner une autre manière d’exprimer tout ce qu’ils ont à dire. Cinq mois après son ouverture, 450 enfants bénéficient chaque jour de cours de danse, de photographie, de chant, de théâtre et peuvent monter des projets artistiques. Mais le centre est aussi une occasion de révéler de nouveaux talents. Et ce n’est pas un hasard si le centre est situé dans un quartier périphérique : il s’agit de contribuer à « déghettoiser » Sidi Moumen. Nous programmons aussi des événements dans ce centre pour permettre aux gens du centre ville de venir à Sidi Moumen. Cette population va se sentir incluse et ne va plus se sentir citoyens de seconde catégorie.
Qu’en est-il du film que vous préparez sur la prostitution ?
Ce n’est pas un film sur la prostitution mais c’est l’histoire de quatre prostituées. Il est actuellement en montage. Nous avons encore quelques mois de travail. C’est un film réaliste qui mélange des acteurs professionnels et non professionnels. C’est le point commun avec Ali Zaoua et Les chevaux de dieu. Et c’est un film extrêmement inscrit dans la réalité telle qu’elle est, brute. Le cinéma que j’aime faire consiste à raconter des histoires et à montrer une réalité qu’on n’a pas forcément envie de voir. A l’époque quand j’avais fait Ali Zaoua, on m’avait pourtant assuré qu’il n’y avait pas d’enfants dans la rue. Pareil pour Les chevaux de dieu, où j’ai essayé de raconter comment un enfant de 10 ans se transforme en bombe humaine. La prostitution, c’est pareil, cela touche des centaines de milliers de familles au Maroc, c’est quelque chose qui blesse de très nombreuses femmes. J’en ai rencontrées près de 250 pendant une année et demie, j’ai écouté leurs témoignages : c’est extrêmement violent, c’est parfois touchant et bouleversant. C’est quelque chose que tout le monde sait mais personne ne veut en parler. Je pense que cela fait partie des éléments constructeurs d’une société que d’être capable d’aborder des problématiques qui ne nous font pas plaisir mais qui sont réelles. Si nous, Marocains, ne le faisons pas, d’autres vont le faire à notre place et avec leurs prismes, et ce sera bien moins intéressant.
Le succès des Chevaux de Dieu vous met-il la pression concernant ce prochain film ?
Nous avons toujours la pression dans ce métier. Quand je fais un film, c’est toujours un éternel recommencement. Je remets les compteurs à zéro à chaque fois.
Très bonne réalisateur modéne qui aime ce qui il fait … nabil c’est quelque qui aime l’art