Le professeur Chafik Chraïbi est surpris et ne comprend toujours pas ce qui lui arrive. Le 27 janvier, le gynécologue a appris avoir été démis de ses fonctions de chef du service de la Maternité des Orangers du CHU de Rabat. Connu pour son activisme contre l’avortement clandestin, à l’origine de nombreux drames et décès, et contre les abandons d’enfants, le médecin nous raconte : « Le ministre de la Santé a toujours été avec moi, le dernier congrès de l’association (Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin, AMLAC, ndlr) s’est réalisé sous le patronage du ministère, mais tout a changé depuis le reportage de France 2 ».
Tout a commencé le 11 décembre 2014, date de la diffusion d’un reportage sur l’avortement clandestin au Maroc réalisé pour l’émission Envoyé spécial, sur la chaîne de télévision France 2. Le ministère s’est alors rendu plusieurs fois dans le service du gynécologue, interrogeant le personnel sur le tournage. Le ministère reprocherait aux journalistes d’avoir filmé sans autorisation. Il aurait ensuite envoyé un courrier au CHU de Rabat et à l’Ordre des médecins pour démettre Chafik Chraïbi de ses fonctions, fait que l’Ordre des médecins nous avait pourtant démenti à l’époque.
Des déclarations dérangeantes ?
Mais le 27 janvier dernier,quand Chafik Chraïbi s’est rendu sur son lieu de travail, il a découvert qu’une autre personne le remplaçait dans ses fonctions de chef de service. Une annonce qualifiée de « brutale et surprenante » par le gynécologue.
Il nous explique que l’administration a reçu le 26 janvier une lettre signée du ministre de la Santé notifiant son renvoi. La lettre évoquerait un rapport du directoire du CHU datant du 10 janvier (la veille de la diffusion de l’émission), la décision conjointe du directeur du CHU et du doyen de médecine et de la commission scientifique du CHU. Pourtant, Chafik Chraïbi nous l’assure : « Cette commission qui s’est réunie à la demande du ministère a conclu qu’elle n’était pas apte à me démettre de mes fonctions et le Conseil de l’ordre devant lequel j’ai été auditionné ne me reproche rien ».
De son côté, le ministère de la Santé nous explique que cette décision est liée aux « déclarations » du médecin dans le reportage. Et le professeur nous confie en effet qu’il a du répondre devant l’Ordre des médecins et la commission scientifique des chiffres avancés par la journaliste, qui parle de 800 avortements clandestins par jour. « Elle s’est basée sur une petite étude que nous avons réalisée mais le ministère n’a qu’à me donner la preuve du contraire », explique le gynécologue.
Un tournage qui passe mal
Finalement, Chafik Chraïbi estime que le ministère lui reprocherait aussi d’autres faits pourtant infondés, qui ont été évoqués par des quotidiens arabophones, Al Akhbar et Al Massae. Selon ces journaux, la chef du service de réanimation n’aurait pas été pas au courant de la présence de France 2 « alors que la journaliste l’a interviewée et lui a demandé son accord pour enregistrer cet entretien », nous assure le professeur Chraïbi. Les journaux évoquent également le fait qu’une femme ait été filmée en train d’accoucher sans son accord. Là encore, le médecin nous indique : « On lui a demandé son autorisation et il n’y a eu d’ailleurs aucune plainte ». Chafik Chraïbi nous précise qu’il a demandé une audience au ministre de la Santé mais qu’elle est restée jusqu’à présent sans réponse.
Pour Chafik Chraïbi, son renvoi est infondé, d’autant plus que d’après lui, « le reportage ne montre pas une mauvaise image du pays et de l’hôpital » et nous explique même avoir « reçu énormément de mails de l’étranger se félicitant que le Maroc avance ». Par ailleurs, au moment où nous publions ces lignes, 519 personnes ont adhéré à une page de « soutien au Pr Chafik Chraïbi« , créée ce mardi 10 février sur Facebook.
Rappelons que selon le professeur, près de 800 avortements clandestins sont pratiqués dans des conditions abominables chaque jour au Maroc, provoquant de graves séquelles sur les femmes, voire leur décès. Aussi, certaines femmes sont contraintes d’abandonner leur bébé. Le professeur Chraibi milite pour que le ministère de la Santé éclaircisse la définition de la « santé » puisque l’article 453 du code pénal autorise l’avortement lorsque celle-ci est en danger. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) parle de santé psychique et de santé sociale. Celles-ci sont clairement menacées dans le cas de femmes violées, mineures, ou en détresse financière.
Au Maroc, les gens courageux _ qui disent la vérité que tout le monde connait mais fait semblant de ne rien voir_ n’ont pas leur place. seuls les hypocrites et les incapables réussissent à percer. Je soutient donc avec force le Dr Chraibi et lui souhaite bon courage.
malheureusement je n’ai pas de compte facebook pour adhérer à la page de soutien