C’est au cours de l’été que le groupe norvégien Schibsted, propriétaire de Bikhir.ma (et en France, du site leboncoin.fr), a noué une joint-venture avec Avito, propriétaire d’Avito.ma, avec 52 % du capital pour le premier et 48 % pour le second, pour fusionner derrière Avito.ma.
La fusion des deux principaux sites de petites annonces marocains annonce la structuration d’un marché jusque-là marqué par l’amateurisme. Avec ses 30 sites de petites annonces et 8 000 emplois à l’échelle mondiale, Schibsted voit grand, et ambitionne de générer un volume de transactions de 42 milliards de dirhams d’ici un an, là où les deux sites bikhir.ma et avito.ma cumulaient jusque-là un montant déclaré de 29 milliards de dirhams. Le tout en propulsant Avito.ma premier site du web marocain, indique un récent communiqué de presse d’Avito.ma (qui est actuellement le 6e site du web marocain, selon le classement Alexa).
Faut-il y voir une riposte ? Contacté par Telquel.ma, le challenger d’Avito.ma, Maroc Annonces, ne cache pas chercher à procéder à une augmentation de capital pour se développer. Tajdine Filali, PDG de Maroc Annonces, précise seulement que « le montant de la levée de fonds actuelle reste confidentiel à ce stade ».
Annonces gratuites, mais…
Mais la modernisation du secteur se heurte à des obstacles structurels. Le marché marocain, bien que parmi les plus avancés d’Afrique en termes de bancarisation et de taux de pénétration d’Internet, est-il assez étoffé pour soutenir un business modèle reposant sur l’achat en ligne, le modèle d’eBay ?
C’est là que les stratégies divergent. Tajdine Filali annonce la mise en place prochaine de mode de paiement en ligne sur Maroc Annonces, à partir de paiement mobile et par carte bancaire. Ce serait une première dans le paysage des sites de petites annonces. Le business modèle du site, qui repose déjà sur une formule freemium (les annonces sont gratuites, mais payer permet de leur donner davantage de visibilité), prendrait une dimension supérieure : seules les annonces payantes pourraient bénéficier du télépaiement (leur ouvrant ainsi la clientèle à distance).
Derb Ghallef online
Mais à Avito.ma, on ne croit guère au paiement en ligne. Sans doute avec regrets, puisque Hatim Ibn Talib, marketing manager, confie qu’avec des commissions même modestes sur l’ensemble du volume des ventes du site, l’équipe d’Avito a calculé qu’elle aurait accumulé des gains considérables. « Mais ce type de projection ne sert à rien, ici mieux vaut opter pour un modèle de mise en relation directe. » La méfiance des internautes et la faiblesse relative des effectifs (le site revendique 5 millions de visiteurs uniques par mois) empêche de trop s’appuyer sur ce type de vente.
C’est pourquoi le site Avito.ma choisit de permettre gratuitement la rencontre physique entre acheteur et vendeur par téléphone ou par email. Un modèle qui a le défaut – pour le site web – d’interdire la perception d’une commission, et – pour l’usager – de limiter les possibilités de transaction au périmètre géographique de l’acheteur et du vendeur.
Comment monétiser alors l’audience générée par le site ? Pour Larbi Alaoui Belrhiti, general manager d’Avito.ma, c’est la publicité et les « boutiques », comptes premium réservés aux professionnels, qui assurent l’essentiel des recettes. Les boutiques permettent aux vendeurs, moyennant un forfait de 500 dirhams par mois de mettre en vente leurs articles sur un espace dédié, référencé sur les moteurs de recherche et sur lequel tous les articles additionnels suggérés au visiteur… seront issus de la boutique. « Cela fait bien moins que les 2500 dirhams d’une boutique physique à Derb Ghallef », assure Larbi Alaoui Belrhiti, qui revendique d’ores et déjà 150 000 TPE et PME ayant mis des produits en vente sur le site. Une autre forme de modèle freemium, qui est même appelé à s’étendre aux vendeurs particuliers : « D’ici le deuxième trimestre 2015, les particuliers passant une annonce pourront également payer pour lui donner davantage de visibilité sur le site », annonce Larbi Alaoui Belrhiti. Une disposition déjà en vigueur sur le site Maroc Annonces.
2015, année décisive
Pour les deux sites, la publicité est également une source de revenus non négligeable : 30 % des recettes de Maroc Annonces, 50 % de celles d’Avito.ma. Car sur le modèle de Facebook ou Google – mais à bien moindre échelle – les sites de petites annonces peuvent vendre des espaces publicitaires ciblés, les articles étant vendus par région géographique ou par catégorie (automobile, électroménager, etc.).
Reste que l’activité génère des coûts considérables, notamment en modération des annonces (orthographe, cohérence, traque des arnaques et produits illicites…). Avito.ma se repose sur une équipe de 50 salariés, et se donne pour objectif de n’atteindre l’équilibre que d’ici l’horizon 2016.
Quoiqu’il en soit, la brève histoire de l’économie numérique laisse penser qu’un seul des deux sites triomphera : car pour les réseaux sociaux ou les sites de petites annonces, la prime du vainqueur va très vite à celui qui réunit le plus d’usagers, puisque l’internaute se rue précisément sur le site où le choix est le plus vaste.
Entre Avito.ma et Maroc Annonces, les hostilités sont déclenchées. Avito.ma dispose d’un net avantage : 1,5 million d’abonnés Facebook, contre 160 000 à son concurrent, 5 millions de visiteurs uniques par mois, contre 3 pour Maroc Annonces. Les campagnes publicitaires sont en préparation, « pour le dernier trimestre 2014 » promet-on à Avito.ma, pour attirer le consommateur marocain vers ces nouvelles pratiques. Si 2015 permettra sans doute de voir les habitudes de consommation des Marocains évoluer, ce sera aussi le moment de vérité pour Maroc Annonces et sa stratégie.
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