Au début du XXe siècle, l’essor de la ville de Casablanca a coïncidé avec l’apparition d’une discipline nouvelle, l’urbanisme. En 1914, le premier Code de l’urbanisme (« Dahir sur l’alignement et les plans d’aménagement ») était promulgué, suivi aussitôt par le premier plan d’urbanisme de Casablanca.
Le 23 et 24 octobre prochains, la ville blanche accueillera un colloque international qui réunira architectes, urbanistes, historiens, sociologues et économistes à la mahkama des Habous. Le but de cette rencontre est de développer une réflexion autour de l’histoire de la ville et des enjeux métropolitains auxquels elle fait face. A cette occasion, Telquel.ma vous invite à revenir sur les périodes les plus marquantes de la construction de la ville blanche.
La naissance d’une métropole
Le maréchal Lyautey désigne en 1914 Henri Prost pour établir le plan d’aménagement de la ville de Casablanca. L’architecte et urbaniste français avait pour mission de transformer le petit village de pêcheurs qu’était la ville à l’époque en un grand centre commercial qui répond aux intérêts coloniaux de la France.
Prost devait agir dans l’urgence. Dès 1912, Casablanca connaissait un développement anarchique matérialisé par les premières constructions importantes en dehors de l’enceinte de l’ancienne médina et par une spéculation foncière féroce sur les terrains en extramuros. « A première vue, c’est un chaos invraisemblable, sans voirie possible, tellement le développement de la ville avait été rapide, partout à la fois et dans tous sens », écrivent Monique Elleb et Jean Louis Cohen dans le livre Casablanca : Mythes et figures d’une aventure urbaine.
Prost entreprend alors des actions visant à la restructuration de l’existant et à l’élaboration de stratégies d’aménagement, inscrivant définitivement la ville blanche dans la modernité. Il préconise un plan d’aménagement ayant pour but d’ouvrir et d’organiser le centre casablancais. Il trace les lignes sur lesquelles vont se dessiner les contours de la cité. Sous l’impulsion de Lyautey, la ville est dotée d’un grand port, confortant sa position de capitale économique.
Prost quitte Casablanca en 1923 et la ville voit apparaître, dès lors, « une architecture variée dans ses types comme dans ses formes dans le respect des grandes lignes définies ». La médiatisation de Casablanca à l’échelle internationale, notamment à travers le célèbre film de Michael Curtiz, et les opportunités qu’elle présentait en tant que poumon industriel et commercial du Maroc, font rapidement de la ville un champ d’expérimentations de l’architecture moderne. On y retrouve tous les styles architecturaux comme l’art déco ou le style paquebot qui ont marqué le XXe siècle dans le monde.
Explosion démographique et problématique du logement
Durant la première moitié du siècle, la ville a vu sa population multipliée par trente. De 20 000 habitants en 1900, la ville blanche passe à 658 000 habitants en 1950. Cet accroissement considérable de la population a posé un problème majeur : la prolifération des bidonvilles et de l’habitat insalubre.
Casablanca s’est donc retrouvé face à une nouvelle problématique, celle du logement des plus défavorisés. Michel Écochard, architecte et second grand urbaniste de Casablanca, est appelé en 1946 afin d’y répondre. « L’accroissement de la population urbaine a fait parcourir au Maroc en 30 ans un chemin que la France avait lentement monté en un siècle et demi », confiait Écochard au magazine L‘Architecture d’aujourd’hui en 1951.
Influencé par les idées de la charte d’Athènes (rédigée par Le Corbusier à l’issue du Congrès international d’architecture moderne, tenu à Athènes en 1933), l’urbaniste français mènera la bataille du logement social face aux intérêts « du grand capital ». Il développe le concept de l’habitat du plus grand nombre et élabore des plans qui marqueront une rupture radicale avec ce que Prost avait préconisé pour la ville, tout en prenant en compte une échelle nouvelle d’habitation.
Le travail d’Écochard a marqué les générations d’architectes qui l’ont suivi et qui s’inspirent toujours de ses préceptes. Après avoir parcouru un rythme de croissance effréné le siècle dernier, Casablanca entre aujourd’hui dans une phase où l’impératif est de corriger les traces des méfaits de sa croissance rapide. La métropole la plus importante du Maroc fait face à de nouveaux enjeux qui concernent la qualité du cadre de vie et des espaces publics, la mobilité, la gouvernance, les équipements ou encore l’environnement.
Mehdi Chaïbi
Merci bcp pour ces informations