En acceptant de signer, le 26 août, un accord de cessez-le-feu à durée indéterminée, le gouvernement israélien et le Hamas ont tous les deux tenté de revendiquer une victoire plutôt incertaine, après une guerre de 50 jours. Selon un sondage de Policy and Survey Research (PSR), un think tank palestinien indépendant, 94% des personnes interrogées après la fin du conflit, parmi un échantillon de Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, se sont déclarées satisfaites de l’engagement militaire du Hamas, 86% soutenant le tir de roquettes sur Israël. Au total, 79% considèrent que « le Hamas a gagné ». Les scènes de liesse, parmi les gravats de Gaza, accréditent ce sentiment très fort parmi la population palestinienne, encore attachée à l’idéal de résistance à l’occupation israélienne. Côté israélien, le Premier ministre Benyamin Netanyahu a aussi crié victoire. Mais son opinion publique est partagée. Dans un sondage publié juste après la conclusion de l’accord de trêve, la moitié des Israéliens considéraient que cette dernière guerre s’est soldée par un match nul : ni vainqueur, ni perdant, autant dire pour rien. Sauf à prendre pour argent comptant la citation célèbre de l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger : « L’équation fondamentale d’une guerre de partisans est aussi simple que difficile à résoudre : l’armée de guérilla a le dessus tant qu’elle réussit à ne pas perdre ; l’armée conventionnelle est vouée à la défaite si elle ne remporte pas une victoire indiscutable. » Panorama des vrais gagnants et perdants de 50 jours de guerre estivale.
Il a gagné
Abdelfattah Al Sissi : au centre
On disait le maréchal-président Abdelfattah Al Sissi hors-jeu à cause de ses problèmes internes, dont le terrorisme au Sinaï n’est pas le moindre. On le disait disqualifié de toute posture de médiation par la haine qu’il suscite chez les Frères musulmans, dont le Hamas est officiellement la branche palestinienne. On craignait, enfin, qu’il ne soit débordé par l’activisme (en coulisses) de la Turquie et du Qatar. Pourtant, l’Egypte reste l’acteur incontournable de toute solution politique, bien que provisoire, à chaque accès de fièvre entre Israël et le Hamas. Après les négociations, la trêve du 26 août, les pourparlers prévus fin septembre confirment Le Caire comme carrefour diplomatique. Officiellement rangés du côté du Fatah, et du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, les services de sécurité égyptiens ont marqué à nouveau leur indépendance vis-à-vis des vieilles lunes du panarabisme. Plus que jamais, l’Egypte pense d’abord national. Egoïsme ou pragmatisme bien compris, c’est selon. Al Sissi apparaît nettement comme le seul à avoir tiré profit de cette guerre.
Ils ont perdu
Benyamin Netanyahu : en surchauffe
Certes, la campagne de l’armée israélienne a permis de détruire le tiers du stock de missiles et roquettes du Hamas, de découvrir des dizaines de tunnels utilisés par les groupes militants pour pénétrer sur le territoire israélien. Mais le Premier ministre n’a pas pu tirer la moindre gloire de ses réussites militaires. De 82% de satisfaits au début de la guerre, sa cote d’estime est retombée à 38% fin août. Politiquement, les divisions de sa coalition sont apparues au grand jour. Son ministre des Affaires étrangères, Avigdor Liberman, ne s’est jamais aligné, défendant la destruction totale du Hamas. Objectif irréalisable mais toujours très populaire en Israël, où la population est traumatisée par les alertes à la sirène, la portée toujours plus lointaine des missiles et le coût de plus en plus élevé des guerres à répétition dans la bande de Gaza : 64 soldats et 5 civils. Au-delà du coût économique – on évoque 2,5 milliards de dollars imputables notamment au « Dôme de fer » – c’est la réputation internationale d’Israël, déjà écornée par le mouvement de boycott, qui a le plus pâti cet été.
John Kerry : Mis sur la touche
Au printemps dernier, il avait déjà échoué à parvenir à un accord de paix entre Palestiniens et Israéliens. La voix des Etats-Unis est apparue faible, timorée. Comme les Européens, Washington s’est alignée sur le thème de la légitime défense d’Israël, au début du conflit. Une ligne de plus en plus difficile à tenir avec la multiplication des bavures et des bombardements de civils, jusque dans les locaux des Nations Unies. Kerry n’a pas démérité dans l’effort pour parvenir à un arrêt des hostilités, mais son insistance à impliquer le Qatar et la Turquie, réputés proches du Hamas, ont agacé tant l’Egypte que l’Autorité palestinienne et Tel-Aviv. Barack Obama ne dispose désormais que d’un demi-mandat pour mettre à nouveau le Fatah et le Likoud autour de la table des négociations. Tout dépendra de l’implication américaine pour faire respecter les clauses du cessez-le feu.
Ils joueront le match retour
Le Hamas : revanchard
On ne peut pas dire que le Hamas ait voulu cette escalade, mais l’organisation s’était préparée. Les tunnels qui ont permis quelques incursions meurtrières, les rampes de lancement et les stocks de roquettes ont permis au mouvement de la résistance islamique de montrer l’étendue de son savoir-faire militaire. Le recours aux armes était une quasi-fatalité compte tenu du double blocus. L’Egypte ayant décidé, depuis la prise de pouvoir d’Al Sissi, de fermer les points de passage et de renforcer la lutte anti-contrebande par les tunnels. Pour payer les salaires, principale source de revenus dans la bande de Gaza, et alléger la situation humanitaire, le gouvernement d’Ismaïl Haniyeh était à court d’options. Mais briser le statu quo a un prix élevé. 5 milliards de dollars seront nécessaires pour reconstruire les infrastructures et logements détruits. Pendant des années, près de 180 000 Gazaouis devront assumer les conséquences de cette guerre. Bien que Tsahal ait ciblé avec succès des centaines de combattants du Hamas et du Jihad islamique, le chef des Brigades Ezzedine Al Qassam, Mohamed Deif, a réussi à échapper à toutes les bombes.
Naftali Bennett : l’outsider
Le chef du parti Bayit Yehudi (Le Foyer juif, NDLR) a profité de l’opération « Bordure protectrice » pour se positionner comme un challenger à Netanyahu au sein de la droite israélienne. 39% des Israéliens estiment dans un sondage récent que Naftali Bennett représente le mieux les valeurs de la droite. De quoi inquiéter l’actuel Premier ministre et le Likoud, puisque Bayit Yehudi, tout en participant à la coalition au pouvoir, joue la partition en faveur de son chef. Bennett est l’un des poids lourds du gouvernement, dont il est actuellement ministre des Finances et des Services religieux. Après avoir été chef de cabinet de Netanyahu, il fait désormais cavalier seul. Ancien membre des forces spéciales de l’armée, il est le faucon en forme. Comme Avigdor Liberman, son collègue des Affaires étrangères, il s’est publiquement opposé au cessez-le-feu et défend ardemment le projet d’expropriation de 400 nouveaux hectares de terres palestiniennes en Cisjordanie, près de Bethléem.
L’Iron Dome : défense de fer
Produit de l’industrie d’armement israélienne, le « Dôme de fer » a été rudement mis à l’épreuve par les tirs de roquettes et de missiles des groupes militants de la bande de Gaza. Selon les statistiques officielles, côté israélien, environ 4600 projectiles ont été tirés sur Israël. Pour la première fois, le Hamas était en mesure de menacer des villes aussi lointaines que Haïfa dans le nord du pays. Tel-Aviv et Jérusalem sont désormais à portée de tir. D’où l’importance de ce système de défense, très perfectionné, qui permet de calculer les trajectoires et de détruire dans le ciel les projectiles qui menacent des zones sensibles. Les victimes civiles côté israélien se concentrent surtout dans la zone frontalière avec Gaza, où les délais sont trop courts pour une interception. Tsahal estime que le système a fonctionné avec un taux de réussite avoisinant les 90%. Même en tenant compte de l’exagération de la propagande, l’Iron Dome est un game-changer dont on risque d’entendre parler encore.
Quel hmirs ces Palos