Curieux personnage que Jacques Lebaudy (1868-1919), héritier d’une fortune sucrière, autoproclamé « empereur du Sahara », assassiné par la mère de sa fille à New York. « Cette histoire est d’abord une enquête mais on dirait un roman », précise Philippe Di Folco, polygraphe fasciné par les imposteurs auxquels il a consacré plusieurs ouvrages. Fils d’un financier remarquable et d’une monarchiste bigote, ce rentier passionné de chevaux a été un génie de la finance. Un aventurier lui souffle qu’« il y a une fortune à se faire en Afrique, dans le Sahara […] dans les nitrates ». Jacques Lebaudy se met en tête de construire une ligne de chemin de fer transsaharienne et débarque à Cap Juby (actuelle Tarfaya), en 1903, au plus fort des convoitises impérialistes sur le Maroc… Il a même officiellement écrit au sultan Moulay Abdelaziz pour lui prêter dix millions en échange de la reconnaissance de l’empire du Sahara…
Philippe Di Folco croque son personnage dans un style enlevé et pince-sans-rire. Mais, au delà des excentricités d’un homme qui sombre dans la folie, ce qui l’intéresse, c’est ce « long processus de décomposition, de déclassement puis d’éclatement – la fin d’une époque, la Belle Epoque, celle de «l’Europe aux anciens parapets» ». Dans la France d’avant la Première guerre mondiale, dans ce pays « où l’on ne tolère pas les excentriques qui ne tiennent pas leur rang », le rejeton de la dynastie sucrière apparaît comme « un antihéros, un antiroi, «un danger public», il est le désordre, il fait désordre. Il est la trace de mélasse dans le cône de sucre marmoréen, forme parfaite dans un monde non euclidien et qu’un chaos de fer et de feu s’apprête à broyer. » Un portrait d’une époque chaotique.
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