Le parlement a adopté mercredi 25 juin en séance plénière le projet de loi bancaire n° 113-12, établissant notamment un cadre législatif pour les banques islamiques –dites « banques participatives »- au Maroc.
Le texte réglemente les activités et les produits dits « islamiques » que proposeront les banques marocaines dès son entrée en vigueur après publication au Bulletin Officiel
Comment ça marche ?
Les banques participatives n’échapperont pas à la supervision de Bank Al-Maghrib. Ainsi, à l’instar de tout autre établissement bancaire ou de crédit, l’agrément du Wali de la banque centrale est nécessaire à l’ouverture d’une banque participative. La différence se décline au niveau de l’obligation qui leur est faite d’obtenir un avis conforme auprès du Conseil Supérieur des Oulémas, sans lequel l’autorisation d’établissement ne peut leur être délivrée.
Si leur objet est par définition le même que celui des banques classiques, c’est-à-dire la réception des fonds du public, la grande différence se situe au niveau de l’interdiction qui leur est faite de percevoir ou de verser des intérêts, qui sont interdits en Islam.
La seule rémunération qu’ils sont autorisés à percevoir est celle issue des dépôts d’investissements des clients. Autrement dit, les dépôts des clients servent à financer des projets dont les résultats servent à rémunérer le déposant et la banque.
Quels sont les produits bancaires proposés ?
La loi prévoit quatre types de produits bancaires « halal » pouvant être proposés par les banques participatives.
Les deux premières, la « Mourabaha » et la « Ijara » concernent les offres de financement offertes par les banques en matières de biens meubles et immeubles.
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Mourabaha et Ijara
La « Mourabaha » permet au client d’une banque islamique d’acquérir un bien sans qu’il n’ait à contracter de prêt auprès de la banque. Le mécanisme est simple : la banque agit comme un intermédiaire entre le vendeur, auprès duquel elle achète un bien, qu’elle revend à l’acheteur par la suite avec une marge bénéficiaire. Au final, le résultat est le même, mais l’acheteur n’a pas contracté de prêt à intérêt. Les clauses du contrat ne peuvent être révisées pour augmenter la marge bénéficiaire de la banque.
La « Ijara » est quant à elle une forme de crédit-bail qui permet à la banque de mettre à disposition du client un bien sous forme de location. Cette location peut être simple -c’est-à-dire fixer une durée locative au terme de laquelle l’utilisateur restitue le bien-, ou bien peut être assortie d’une option d’achat à la fin de la durée définie. Dans ce cas là, on parle d’ « Ijara mountahia bitamlik »
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Moucharaka et Moudaraba
Au niveau des produits d’investissement, la loi prévoit deux produits, la « Moucharaka », et la « Moudaraba ».
La « Moucharaka » permet à la banque de prendre une participation dans un projet soumis par son client, en participant à la fois aux pertes et aux bénéfices, au prorata de sa participation financière.
Deux offres sont proposées. « Moucharaka tabita » est un engagement définitif des parties, qui prend fin à l’extinction du contrat les liant, la banque se rémunérant sur les éventuels bénéfices issus du projet.
La « Moucharaka moutanaqissa » est quant à elle un contrat par lequel la banque se retire progressivement du contrat au fur et à mesure de l’accomplissement du contrat, et selon les modalités et les clauses prévues avec l’emprunteur.
Enfin, la Moudaraba, une technique par laquelle une banque participative, appelée « Rab El Mal » apporte le capital nécessaire à un entrepreneur, le « Moudarib » en vue de la réalisation d’un projet. L’entrepreneur est entièrement responsable de la gestion du projet, auquel il n’apporte que son art et son expertise. En cas de succès, les bénéfices sont répartis entre la banque et l’entrepreneur. Dans le cas où le projet est un échec, la banque assume la totalité des pertes subies, sauf cas de fraude commise par les entrepreneurs, de mauvaise gestion, de négligence, ou de non respect des clauses contractuelles de sa part.
Existe-t-il un marché pour les banques islamiques au Maroc ?
En matière bancaire, la pratique précède souvent le droit, et les banques n’ont pas attendu que la législation évolue pour proposer à leurs clients des produits bancaires conformes aux préceptes islamiques.
Attijariwafa Bank en particulier, à travers sa filiale Dar Assafaa, propose à ses clients des solutions de financement qui répondent aux critères de la finance islamique. La Banque Populaire proposait également jusqu’en 2011 des produits bancaires conformes aux dispositions de l’Islam en la matière. Pourtant, l’engouement que l’on peut rencontrer dans le Golfe ou en Malaisie pour la finance islamique est loin d’être partagée au Maroc.
Une enquête menée par l’Institut Gallup pour la Banque Mondiale avait relevé en 2013 la faible part de marché la finance islamique au Maroc. Le pays, avec 1% d’usagers de produits bancaires islamiques, était l’Etat du Maghreb où le taux de pénétration de ces services était le plus faible.
Cette préférence pour les produits bancaires conventionnels est souvent expliquée par un différentiel de prix rédhibitoire pour l’usager. La même étude nous apprend pourtant que 54% des Marocains préféreraient un financement islamique, même plus cher, à un financement conventionnel, auquel adhèrent 16% des personnes interrogées. Les 30% restant ont soit refusé de répondre, soit déclaré ne pas avoir de préférence.
Lire aussi : 98% des Marocains intéressés par les banques islamiques
La mise en place d’un cadre législatif adéquat devrait permettre de répondre à cette demande de financements islamique, qui est la plus forte dans les cinq pays concernés par l’étude de la Banque mondiale.
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