Driss Lachgar : «Benkirane refuse de devenir un homme d’Etat»

Un an après son arrivée à la direction de l'USFP, Driss Lachgar évoque les problèmes de sa formation politique et les échéances à venir. Il revient aussi sur la situation du pays à mi-mandat du gouvernement Benkirane.

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Photo : Tarek Bouraque

Le chef de file des socialistes nous accueille au siège central de Hay Riad où il vient de présider la deuxième rencontre des ingénieurs usfpéistes. Une organisation issue du parti qui ne s’est pas réunie depuis une décennie. Les traits tirés, Driss Lachgar revient tout juste d’un long voyage qui l’a mené à Zagora où il a présidé un congrès provincial. Il répond à nos questions sans prendre de gants quand il s’agit du gouvernement Benkirane, mais aussi quand il analyse le passé et le présent de sa formation politique.

Le gouvernement a fixé, il y a une semaine, les dates des prochaines échéances électorales. Pensez-vous qu’on dispose d’assez de temps pour être prêts dès le mois de mai 2015  ?

Je constate tout simplement que Abdelilah Benkirane a échoué là où ses prédécesseurs ont réussi. Je m’explique : le gouvernement Youssoufi  a pu rompre la mainmise du ministère de l’Intérieur sur les élections en impliquant les partis dans leur préparation. Par la suite, le gouvernement de Abbas El Fassi a continué sur la même voie et élaboré pas moins de 52 textes de loi, en un temps record, pour organiser les élections législatives du 25 novembre 2011. Malgré les engagements de son parti et de son gouvernement, Abdelilah Benkirane n’a pas respecté ces règles de concertation. Pour 2015, je ne pense pas que nous disposions d’assez de temps pour engager les partis dans la discussion, à moins qu’il ne s’agisse d’un dialogue biaisé et stérile. Et je crains que le Chef du gouvernement ne mette encore le tout sur le dos des « démons » et « crocodiles » dont il parle très souvent.

Et où vous classe-t-il dans ces deux catégories ?

Ni dans l’une ni dans l’autre, il n’osera pas le faire. Nous nous connaissons très bien et nous avons des différends depuis le milieu des années 1970 quand il est venu taper à la porte de l’USFP pour rejoindre les rangs de la Chabiba. Mais au fond, il n’était pas convaincu par les valeurs et le référentiel des socialistes. Tout son projet politique a été construit autour de la lutte contre la gauche. Il n’a pas beaucoup changé depuis.

Peut-on dire que la crise provoquée par votre arrivée à la tête du parti est derrière vous ?

Je ne pense pas qu’il y avait une crise à l’USFP. Vous pouvez remarquer qu’aucun candidat n’a contesté les résultats du 9e congrès national (ndlr : décembre 2012), qui s’est déroulé dans une transparence totale.

Qu’est-ce qu’être ittihadi aujourd’hui au Maroc ?

Être ittihadi, c’est surtout croire à un lendemain meilleur et à un retour en force de l’USFP et de la grande famille de gauche. Il faut lire l’histoire contemporaine de la nation pour pouvoir rendre justice à ce parti. Nous avons payé un lourd tribut lors des années de plomb et nous avons payé pour notre « combat positif » en participant à l’expérience de l’Alternance.

Pourquoi ne tolérez-vous pas l’existence de courants au sein de l’USFP ?

Tout simplement parce que le parti n’a jamais opté pour ça. Pour la petite histoire, j’ai proposé l’idée des courants en 2001, et elle a été rejetée. J’étais le premier dirigeant socialiste à avoir fait cette proposition.

Pourquoi ce revirement alors ?

Aujourd’hui, nos militants sont convaincus que les courants mèneront à la dispersion des rangs des socialistes au lieu de les renforcer. En plus, je défie quiconque de fournir la moindre plateforme sur la question. La majorité a tranché et ce n’est pas à un petit groupe d’imposer ses propres volontés. C’est cela, la démocratie.

Mais vous êtes dans une situation de cumul, difficile à gérer, entre la direction du parti et la présidence du groupe parlementaire de l’USFP…

A mon arrivée, l’USFP était dans une situation intenable à tous les niveaux. Plusieurs sections n’avaient pas été restructurées depuis une décennie. Au parlement, notre groupe de députés figurait en bas de l’échelle pour les questions écrites. Quand le PJD, parti qui dirige l’Exécutif, a adressé 5700 questions écrites au gouvernement, notre groupe, qui est dans l’opposition, n’en a posé que 500 ! Il fallait donc reprendre les choses en main. Depuis quatre semaines, nous avons rectifié le tir et nos questions écrites sont de 5000. Nous avons failli comme parti d’opposition. Je suis déterminé à assumer mes responsabilités et je suis content de la nouvelle dynamique de l’USFP.

Il était question d’une coordination avec le PAM et l’Istiqlal. Où en êtes-vous actuellement ?

Notre cercle d’alliance est toujours le même : d’abord la grande famille de la gauche, la Koutla et ensuite l’opposition au parlement. Avec l’Istiqlal, je pense que nous irons très loin dans notre coordination. Nous sommes même prêts à retenter l’expérience du candidat commun si le mode de scrutin favorise cette option.

Pour quel projet ou objectif ?

Il apparaît clairement que nous vivons une grave régression et nous avons besoin d’un nouveau cadre pour protéger les acquis du pays et des citoyens. Aujourd’hui, nous avons un Chef de gouvernement qui menace des fonctionnaires dont il est le patron. C’est surréaliste ! Je pense vraiment que Abdelilah Benkirane refuse de devenir un homme d’Etat. Pourtant, il dispose de tous les outils et de toutes les prérogatives pour réussir.

Pourtant, on compare souvent le gouvernement de Youssoufi à celui de Benkirane…

Avec le gouvernement Youssoufi, le pays s’était inscrit dans une dynamique de réformes, avait lancé de nombreux chantiers structurants et des projets qui ont immunisé le pays. Pourrait-on dire la même chose pour ce gouvernement ? Je ne le pense pas. On ne retrouve aucune idée ni la  moindre ébauche de projet dans les « bismillah » et « hamdoulillah » des discours de Abdelilah Benkirane.

PROFIL

1954. Voit le jour à Rabat.

1970. Adhère à l’UNFP, ancêtre de l’USFP.

1993. Devient député à Rabat, et est réélu à maintes reprises.

2001. Fait son entrée au bureau politique.

2010. Devient ministre des Relations avec le parlement.

2012. Elu premier secrétaire du parti. 

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  • Et toi, Lachgar, tu refuses de payer le loyer que ton client a verse a ton cabinet (soit 25,000 ou 35,000 dirhams, une misere pour toi quoi) pour payer tous les arriérés des loyers non-payes a une sénior de 80 ans, dont la pension mensuelle ne dépasse pas 800 dh par mois. Honte a toi.