Dirigeants politiques, directeurs d’établissements, militants associatifs, managers sportifs, artistes, patrons de presse… A Casablanca, ces hommes et ces femmes font la pluie et le beau temps. Une ruche de compétences qui s’activent, se bousculent et s’opposent quelquefois. Ces acteurs influents essaient de faire avancer la ville, avec plus ou moins de succès. Certains ont été nommés aux postes qu’ils occupent, d’autres ont été élus. D’autres, enfin, ont forcé le destin pour apporter leur pierre à l’édifice casablancais, parfois bénévolement.
Qu’est-ce qui les fait courir ? Sans conteste, une passion unanime pour leur ville. Or, malgré l’addition des bonnes volontés, la capitale économique ne parvient pas à surmonter ses maux. Les Bidaouis ont des attentes fortes dans tous les domaines : sécurité, emploi, transport, logement… Après des années de gâchis, la situation semble enfin commencer à se débloquer, singulièrement depuis le discours critique du roi en octobre dernier, en phase avec les besoins exprimés par les citoyens. Des milliards de dirhams se mettent à pleuvoir sur la ville, et avec eux les espoirs renaissent.
Casablanca doit cependant faire face à un double défi. Rattraper son retard pour satisfaire une population qui aspire à évoluer dans une cité où il fait bon vivre et offrir l’image d’une capitale mondiale attractive pour les investisseurs et les touristes étrangers. Pour les responsables locaux, une gageure : ils doivent prouver qu’ils méritent leurs postes, ici et maintenant, dans la mythique Casablanca.
A travers cette première série de portraits, nous vous présentons des personnalités qui apportent leur pierre à l’édifice. Une manière de rendre hommage à certains, et de rappeler à d’autres l’importance de leurs responsabilités. Car plus que jamais, Dar El Beida a besoin de tous ses enfants.
Ils la gouvernent
Khalid Safir, wali du Grand Casablanca
Le surdoué
Lorsqu’il est nommé wali du Grand Casablanca, à l’automne 2013, Khalid Safir est attendu comme le messie. On le dit compétent, doté du sens de l’organisation, fin analyste, persévérant et humain. Issu du quartier populaire d’El Hank, cet élève brillant du Lycée Mohammed V intègre la prestigieuse école Polytechnique. De retour au Maroc, il suivra Mohamed Kabbaj au ministère des Finances en 1995, après un passage à la Direction financière du port de Casablanca. Trois ans plus tard, il rejoint la Trésorerie générale du Royaume. Un sans-faute pour le jeune manager surdoué qui va rapidement être nommé gouverneur de la préfecture d’El Fida-Mers Sultan, puis de Casa-Anfa (2009). « Une préfecture riche, une préfecture pauvre : quelle précieuse expérience pour appréhender la complexité d’une métropole comme Casablanca ! », commente un collaborateur. Le nouveau wali devra composer avec les élus et rattraper le retard accumulé par la ville dans tous les domaines. Malgré la capacité de Safir à mobiliser ses troupes, le chantier est de taille. Seule certitude, l’homme a horreur de laisser traîner les choses. Féru de nouvelles technologies, « il répond immédiatement par SMS ou par mail dès que l’on sollicite son avis ».
Mohamed Sajid, président du Conseil de la ville
Le maire aux pieds d’argile
Mohamed Sajid semble admiratif du travail mené par le duo Delanoë-Hidalgo à Paris. Un modèle de dynamique locale qu’il aimerait transposer à Casablanca. Hélas, les deux métropoles sont aux antipodes. Le discours royal du 11 octobre a mis à nu les défaillances de la gouvernance du Grand Casablanca, en particulier celles de son Conseil… avec Sajid à sa tête. Pourtant, l’homme est réputé travailleur, perspicace, doté d’une incontestable force de proposition. L’avocat Brahim Rachidi, vieil ami usfpéiste de Sajid, témoigne : « Avec Radi, on a tenté de convaincre Sajid de se présenter à deux reprises sous l’étiquette du parti de la rose, mais il a gentiment décliné notre proposition bien qu’il dise partager nos idées. » La raison ? Sajid n’apprécie pas qu’un homme change de couleur politique. Droit dans ses bottes, il assume ses choix et ses décisions. Et en paie parfois le prix. « Sajid est tombé malheureusement dans un guêpier en se présentant une deuxième fois à la mairie de Casablanca. Il est devenu l’otage d’un certain nombre d’élus peu scrupuleux qui ont retardé la dynamique de développement », explique notre source, aux premières loges. Avec une majorité fragile, Sajid se retrouve les mains liées, sous le feu des critiques de tous bords. Parviendra-t-il à s’en sortir ? C’est le défi qu’il est appelé aujourd’hui à relever.
Ils la protègent
Mohamed Mouhaoui, chef intérimaire du SAMU 02
L’ange gardien
En quelques mois, il a ranimé le SAMU 02. Mohamed Mouhaoui est sur tous les fronts et démarre sa journée avant tout le monde. Il arrive dès 7 h au Centre hospitalier universitaire (CHU). « Ça me permet d’étudier les cas admis la veille, je regarde si le nécessaire a été fait. » Puis la journée officielle peut commencer avec, à 8 h, la réunion quotidienne du staff. Même le soir, à la maison, Mouhaoui garde le contact grâce à un groupe de 18 médecins créé sur WhatsApp. Pour ce professeur agrégé en anesthésie réanimation, spécialiste en médecine d’urgence et de catastrophe, la routine est animée. Au CHU, les urgences enregistrent chaque jour plus de 400 passages (dont 10% de cas graves). Sait-on que les deux tiers des victimes d’accidents de la circulation décèdent parce qu’elles n’ont pas été secourues sur place ? Or à ce jour, le centre ne gère que le Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) et la régulation inter-hospitalière. Si l’action du SAMU reste ainsi limitée, c’est par manque d’effectifs. Mouhaoui a réussi à imposer cette année le recrutement de quatre nouveaux médecins urgentistes. Mais son véritable défi, c’est d’ouvrir le SMUR primaire au grand public. Il compte sur l’appui d’un autre urgentiste… le ministre de la Santé, El Hossein El Ouardi.
Abdellatif Mouaddib, préfet de police
Le premier sécuritaire de la ville
Abdellatif Mouaddib a pris les commandes de la préfecture de police du Grand Casablanca en août 2011. Une ville qu’il connaît bien puisqu’il y est né en 1958, plus exactement à Derb Soufi. Mais c’est à Hay Hassani que ce fils de résistant va grandir. Son baccalauréat en poche, Abdellatif Mouaddib s’inscrit en sciences politiques à la faculté de droit. De ces années-là, il garde un grand respect pour ses professeurs : Abdellah Ibrahim, Fathallah Oualalou, Ali et Nadir Yata. Sans oublier un certain Driss Basri qui enseignait « l’homme de l’autorité ». Après une année passée à la Direction des affaires générales à la préfecture de Ben M’Sik, il intègre l’Académie royale de police. Il entame sa carrière à Casablanca, avant d’être nommé à Errachidia, puis chef de la PJ à Kénitra, chef du 3e et 2e district à Rabat, et enfin chef de sûreté à Taroudant où il passe six ans. En 2005, il retourne à Casablanca pour occuper le poste d’adjoint au préfet avant de se voir confier le poste de préfet. En octobre prochain, Abdellatif Mouaddib comptera 32 ans de service dont 9 passés à Casablanca.
Ils la font fonctionner
Mohamed El Ouazai, gouverneur, directeur général de l’Agence urbaine
Le grand commis de l’Etat
Lorsqu’il est nommé à la tête de l’Agence urbaine de Casablanca au printemps 2010, plusieurs dossiers brûlants attendent Mohamed El Aouzai. Cet ingénieur d’Etat de l’Ecole Hassania et de l’Ecole d’architecture de Paris a fait carrière dans la fonction publique, principalement au ministère de l’Equipement, réputé forger l’élite marocaine. Puis il a dirigé la Société nationale d’équipement et de construction (SNEC), avant de passer 8 ans à la tête de l’Agence urbaine de Rabat-Salé. Fort de son expérience dans le domaine des infrastructures, Mohamed El Aouzai est désormais confronté aux gigantesques questions urbaines de Casablanca. Recasement des bidonvillois, publication des nouveaux plans d’aménagement, nouvelle ville de Zenata… Pragmatique, il n’hésite pas à recourir aux dérogations pour faire avancer les projets structurants de la ville. Toutefois, malgré les efforts consentis par ses services, les acteurs de la ville dénoncent le statut de l’Agence urbaine de Casablanca toujours sous tutelle du ministère de l’Intérieur. « Casablanca vit depuis 1999 de dérogations spéciales, qui sont devenues la règle. Malgré la bonne volonté du nouveau gouverneur, il est temps que le ministère de l’Urbanisme prenne les choses en main », déplore un promoteur.
Mohamed Bendriss, directeur de la prison civile de Oukacha
Le boss
Né en 1959 à Rabat, il est depuis 2012 à la tête du plus grand établissement pénitentiaire du royaume. Après des études de droit, Mohamed Bendriss est affecté à la prison centrale de Kénitra en 1984. Puis, il gravit progressivement les échelons. A partir de 1992, il est nommé directeur de la prison d’Essaouira avant de se voir confier la même mission dans d’autres établissements à Safi, Kénitra, Meknès et Fès. En 2012, il inaugure la prison centrale de Safi. Cette expérience majeure jouera en sa faveur et le conduira à prendre les rênes de la prison civile de Oukacha. Une mission délicate. Oukacha compte en effet près de 8000 détenus dont 360 femmes, soit 20% du total des prisonniers du Maroc. Alors que la capacité de l’établissement ne dépasse pas les 5000 ! Mohamed Bendriss, épaulé par 600 gardiens, doit gérer des effectifs pléthoriques et composer avec des « mentalités et des personnalités différentes ».
Professeur Idriss Mansouri, président de l’Université Hassan II
Le penseur
Né en 1958 à Derb Baladia (Derb Soltane), le président de l’Université Hassan II est l’un des initiateurs de la réforme de l’Enseignement supérieur. Docteur d’Etat ès sciences de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, il intègre la Faculté des sciences de Aïn Chock où il effectue l’essentiel de sa carrière professionnelle en tant qu’enseignant. Dynamique, ce spécialiste de physique-chimie se félicite de l’apport capital de l’Université Hassan II aux contours de la réforme. Aujourd’hui, Mansouri est invité à prendre part à une réflexion ayant trait à la gouvernance de Casablanca. Le nouveau wali du Grand Casablanca lui a confié la présidence d’une commission dans le cadre d’un think tank, qui s’attellera à un vaste chantier intitulé « Déconcentration et décentralisation ». « Nous avons constitué un groupe de travail formé de chercheurs de différentes spécialités : droit administratif, urbanisme, société civile… L’idée est de penser à un nouveau modèle de gouvernance. A mon sens, il faut adopter une approche de rupture et faire de Casablanca un modèle », explique Idriss Mansouri.
Youssef Draiss, directeur général de Casa Transport
L’homme du tram
Le 12/12/12 : une date hautement symbolique. Et pour ce Bidaoui originaire de Derb Soltane, elle marque carrément une nouvelle naissance. « Durant 4 ans, ce fut un véritable défi de tenir les délais et les budgets. Une aventure passionnante », confie Youssef Draiss, en évoquant le long chemin qui a mené à la mise en service du tramway de Casablanca. Cet ingénieur d’Etat avait le profil idéal pour la mission. Draiss débute à l’administration de la Conservation foncière, passe la vitesse supérieure au sein de l’Inspection générale de l’administration territoriale au ministère de l’Intérieur, avant de piloter le pôle « Programmes » à la wilaya du Grand Casablanca. Une expérience qui lui permet d’acquérir « une maîtrise en matière de suivi de grands projets ». Ambitieux, Draiss complète son arsenal théorique par une licence en droit, un cycle supérieur de gestion à l’ISCAE et une formation à l’Institut des hautes études en développement et aménagement des territoires. Et finit par offrir le tramway aux Casablancais. Un réseau performant comme dans le temps, lorsqu’il prenait le bus n°24 dans le quartier Bournazel. « A l’époque on pouvait vraiment circuler en autobus, il était propre et ponctuel. » Maintenant il y a le tramway.
Hamid Benlafdil, directeur du CRI
L’ingénieur visionnaire
Né à Agadir en 1965, il effectue ses classes préparatoires au lycée Lyautey de Casablanca avant d’intégrer, en 1986, l’Ecole Centrale de Paris. « Dès que j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur, je n’ai pas hésité à m’installer à Casablanca. C’est là où le potentiel existe et où les opportunités s’offrent. » Sa fibre entrepreneuriale le conduit à créer avec ses associés l’école supérieure Polyfinance. « Au début des années 90, il y avait une dynamique qui s’installait sur le marché financier, et j’ai senti le besoin d’accompagner cette dynamique par la formation de cadres. » Leur projet est une réussite et les lauréats de l’école sont convoités par les employeurs. Il va pourtant céder cette affaire en 2003. « C’était un moment douloureux et marquant. » L’année 2005 marque un tournant dans la vie professionnelle de Benlafdil lorsqu’il intègre la fonction publique comme directeur général du Centre régional d’investissement de Casablanca. Pour lui, une ville ne se manage pas à court terme, mais avec une vision et des décisions à moyen et long terme. «Une transformation métro-politaine est un processus qui nécessite l’adhésion de toutes les parties prenantes, de la persévérance et du souffle. »
Omar Kabbaj, président du CRT
Le magnat du tourisme
Figure majeure du monde du tourisme, Omar Kabbaj est, dans son genre iconoclaste, un patron modèle. Diplômé de Sciences Po Paris, section Relations internationales, l’actuel patron du Conseil régional du tourisme de Casablanca a fait ses premières armes en Tunisie avant de regagner le royaume. Lui qui aime travailler loin des projecteurs porte plusieurs casquettes. En plus de l’hôtellerie (Hyatt Regency Casablanca, Barcelo Thalassa Marinasmir, Mandarin Oriental Marrakech), Kabbaj opère également dans l’agriculture et dans la distribution de marques de luxe et de spiritueux. Il assume en parallèle la fonction de vice-président de la CGEM.
Très attaché à Casablanca, il met son savoir-faire acquis dans le secteur privé au service de la ville. Pour lui, ce ne sont pas les moyens qui manquent, ni les compétences. C’est plutôt l’absence d’une bonne gouvernance. Kabbaj a débuté son nouveau mandat avec la signature d’un contrat-programme régional du tourisme. Un contrat qui a identifié 46 projets dont des musées et un aquarium, pour un investissement de 10 milliards de dirhams. L’objectif est de faire de la métropole une destination touristique prisée. Première étape dans cet ambitieux projet : créer une marque et une identité visuelle propre à Casablanca pour la « marketer » par la suite à l’international.
Jean-Pascal Darriet, directeur général de Lydec
Le fédérateur
En juillet 2012, Jean-Pascal Darriet prend ses nouvelles fonctions. Au même moment, un audit réclame à la Lyonnaise des Eaux de Casablanca (Lydec) 564 millions de dirhams à verser au Conseil de la ville. Fin négociateur, il trouve une issue et gagne la confiance des autorités. A 51 ans, ce diplômé de l’ENS Montpellier et de l’ESC Bordeaux veut « rationnaliser les dépenses, optimiser les ressources et être plus proche de ses clients ». Fin 2013, le bénéfice de Lydec s’envole à 296 millions de dirhams, soit + 7,9 % en un an. Mais les investissements sont en retard et la ville en souffre. Côté management, Darriet cherche à surprendre. L’année dernière, il invite ses 3600 collaborateurs à la convention d’entreprise jusqu’ici réservée aux cadres. Un mot d’ordre : fédérer les troupes autour du projet d’entreprise.
Aziz Alami, directeur général de l’OFEC
Monsieur Expo
Lorsqu’on lui demande de décrire Casablanca, il répond sans sourciller : « C’est la plus belle ville du monde. » Aziz Alami porte un amour inconditionnel à sa ville natale. Né en 1960 au quartier Polo, il décroche en France un diplôme d’architecte, son premier métier avant de rejoindre le Centre régional d’investissement en tant que directeur adjoint. Nommé directeur général par intérim de l’Office des foires et des expositions de Casablanca (OFEC) en 2008, puis confirmé en 2013, Alami réussit à assainir la situation financière de l’Office et à régler la problématique du sureffectif en lançant un plan de départs volontaires. En parallèle, le nouveau directeur s’attaque au chantier de mise à niveau de l’infrastructure. Mais c’est à la stratégie qu’il consacre l’essentiel de son temps. Son défi : participer au développement d’une activité dont le chiffre d’affaires avoisine les 2 milliards de dirhams. Pour cela, il veut donner aux salons une portée régionale, exporter le concept de certaines éditions vers d’autres pays africains et promouvoir la participation des PME. « Il y a un potentiel de développement à condition d’activer certains leviers » affirme Aziz Alami. L’idée est que l’OFEC participe activement à la promotion des stratégies sectorielles. Tout un programme.
Ils en parlent
Kamal Lahlou, président du groupe
Les éditions de la Gazette
L’homme des podiums
Qui n’a en mémoire ses commentaires enthousiastes et son franc-parler lors des matchs de boxe aux Jeux méditerranéens de 1983 ? Un style simple, élégant : pour le grand public, c’est d’abord cela, Lahlou. Depuis, il est devenu le monstre sacré des médias que l’on connaît (MFM, Lalla Fatima, Challenge…). Ancien professeur d’éducation physique, il baigne dès son jeune âge dans le monde du sport, à Derb Tazi où il passe son enfance. Après les Jeux méditerranéens de 1983, Lahlou s’envole pour les Etats-Unis où il va suivre un séminaire sur le sponsoring. Dès son retour au Maroc, il crée une société de marketing sportif. Cette expérience ne le détourne pas de son amour pour la radio. « En 1987, le wali Motii, fraîchement affecté à Casablanca, me demande comment il peut communiquer avec les Casablancais. Je lui ai suggéré de relancer Radio Foire, devenue par la suite Casa FM. » A l’époque, il en assure la régie publicitaire et la programmation. Mais aujourd’hui, à 70 ans, Kamal Lahlou rêve de renouer avec la télévision. « Dans l’immédiat, nous allons lancer une télévision sur le web. Le projet est avancé. » Et ensuite ? Lahlou est convaincu que « le Maroc, après toutes les ouvertures démocratiques, a besoin d’ouvrir son paysage aux télévisions privées ». Toujours plus vite, plus haut, plus fort !
Aicha Zaïmi Sakhri, directrice de publication du magazine illi
Ô rage ô espoir !
Une voix impertinente, une main de fer dans un gant de velours… Aicha règne sur le monde de la presse féminine depuis plus de quinze ans. Fondatrice de Femmes du Maroc, le premier magazine du genre, elle est aujourd’hui à la tête d’illi, mensuel dédié aux femmes « libres et modernes ». La métropole, elle l’a découverte avec ses yeux de Rbatie, il y a trente ans déjà, sur les bancs de l’ISCAE. Elle s’y est sentie étrangère, avant de l’adopter inconditionnellement. « C’est un concentré du Maroc sans le régionalisme inhérent aux villes traditionnelles. » C’est justement à Casablanca que les velléités féministes de la rouquine ont pu s’exprimer. Biberonnée aux valeurs de Simone de Beauvoir, elle est scandalisée par l’injustice et l’inégalité que vivent ses concitoyennes. De son magazine, elle fait un pamphlet féministe donnant un visage à des Aicha Ech-Chenna et des Najat M’jid pour ne citer qu’elles. « Je ne suis pas descendue sur le terrain pour essayer de changer les choses mais mettre la lumière sur ces femmes leur permet aussi de continuer sur leur lancée. » Selon elle, « les Casablancaises peuvent s’accomplir et s’épanouir plus qu’ailleurs. Mais le revers de la médaille y est plus conséquent que dans les petites villes. Casa est très dure avec ses femmes ».
Hicham El Khlifi, pdg de Radio Mars
I have a dream !
La radio, il en rêvait déjà à 14 ans, sur les bancs du lycée Moulay Driss à Casablanca. En 2009 naît la toute première radio sport et musique au Maroc. Pour Hicham El Khlifi, le début d’une nouvelle aventure, aux antipodes d’une carrière pourtant brillante et toute tracée. Diplômé en ingénierie atomique et en finance, Hicham El Khlifi rejoint Arthur Andersen avant d’intégrer, en 1997, Suez Environnement. L’année suivante, l’ONE lui ouvre ses portes. Malgré un salaire confortable et de grandes opportunités de carrière, El Khlifi décide de tout plaquer pour se consacrer à ses deux passions : la musique rock et le football. Inépuisable boîte à idées, il prépare la deuxième édition du « Mars d’or », l’équivalent du « Ballon d’or », et travaille en parallèle sur un nouveau concept, un tournoi de football intitulé « N’joum Douar ». Son rêve le plus fou ? Organiser « Rock’n’surf », une sorte de « Woodstock », à Dar Bouazza ou Taghazout. En attendant, c’est à Casablanca, sa ville natale, qu’il se sent dans son élément. Du boulevard de Paris où il a grandi, aux piscines Kon-Tiki et Miami où il a appris le foot, en passant par la discothèque La Cage… pas de doute, les rêves de Hicham El Khlifi se nourrissent du Casablanca de sa jeunesse.
Rachid Niny, directeur de publication
de Al Akhbar
Au nom de la liberté d’expression
Avant Abdelilah Benkirane, Rachid Niny était certainement, au cours des dernières années, la personnalité marocaine la plus controversée. Avec autant de détracteurs que d’admirateurs, ce natif de Benslimane était parti pour construire un empire médiatique. Immigré clandestin en Espagne, présentateur d’une émission télévisée, dirigeant du premier titre de presse arabophone au Maroc, l’homme, condamné pour ses écrits, a défrayé la chronique. Plus de 800 avocats se sont mobilisés pour le défendre et des milliers de personnes se sont organisées en associations pour clamer son innocence. Inculpé pour « atteinte à la sécurité du pays et de ses citoyens », son affaire a fait couler beaucoup d’encre ici comme à l’étranger, son emprisonnement portant atteinte à la liberté d’expression selon la presse internationale. Son parcours pour le moins romanesque a abouti, depuis sa sortie de prison en 2012, à la création d’un énième journal : Al Akhbar, qui affiche une ligne éditoriale plus édulcorée que celle de son prédécesseur Al Massae. Le Rachid Niny impénitent qui s’était distingué par ses prises de position frondeuses se serait-il rangé ?
Nadia Salah, directrice de la rédaction de l’économiste
L’économie, passionnément
Le nom de Nadia Salah est incontournable lorsqu’on évoque l’espace médiatique au Maroc. Associée au journalisme économique, sa réputation n’est plus à faire tant auprès des rédactions du groupe Eco-Médias qu’elle dirige que des lecteurs abonnés à ses éditoriaux anti-langue de bois. Née Maria-Thérèse Bourrut, cette Belge qui a adopté le Maroc et sa seconde identité avec, est titulaire d’un doctorat en économie de Sciences Po Grenoble et lauréate d’un institut de communication. Et c’est au Maroc qu’elle a embrassé le journalisme. Chef de la rubrique économie au quotidien L’Opinion durant douze années, puis rédactrice en chef à La Vie Economique, elle fut également la correspondante du MEED, un hebdomadaire anglais. Avant de prendre les manettes du quotidien francophone L’Economiste, particulièrement influent dans les milieux économiques. Grâce à son mental d’acier et à son caractère bien trempé, Nadia Salah peut se vanter d’avoir réussi, aux côtés de ses équipes, à vulgariser l’économie et à former des journalistes qui se définissent comme des détecteurs de maux.
Ahmed Aklikim, directeur de la station régionale de la SNRT-Casablanca
Self made man
Ahmed Aklikim est né et a grandi dans le Souss. Issu d’une famille modeste, il passe le baccalauréat à Taroudant avant de s’inscrire à l’Institut de presse et des sciences de l’information de Tunis. Son DEA en poche, il rejoint l’Union des télévisions arabes pour travailler sur le programme « Echange d’actualités et de programmes arabes ». Lors d’une visite à Tunis en 1986, Mohamed Tricha, l’ancien patron de la RTM, repère le jeune Aklikim et lui propose de rentrer au bercail. Commence alors un parcours jalonné d’événements historiques et de rencontres. « Je suis un témoin de mon époque », s’enorgueillit-il. A 57 ans, il a traversé deux périodes clés : les années de plomb et la transition démocratique. Aujourd’hui, ce Casablancais d’adoption rêve de développer sa station régionale, et même de la transformer en « une cité de production médias ». « Quand j’ai intégré la station de Aïn Chock en 1987, il y avait 3 caméras et 5 journalistes, alors que nous couvrons Casablanca et la région du centre, jusqu’à Safi. Aujourd’hui, on a doublé les effectifs, nous avons 6 caméras et 11 journalistes. Mais vu les enjeux du Grand Casablanca, les moyens restent en deçà de nos attentes. » Pour Aklikim, Casablanca mérite une vraie station locale, à l’image des grandes métropoles.
Ils la soutiennent
Mouna Hachim, fondatrice de Save Casablanca
Maire de coeur
Elle se targue d’être le fruit du système de l’enseignement public marocain, ses parents étant attachés aux valeurs de la mixité sociale. Cela commençait par l’école qui était ouverte, à l’époque, sur d’autres langues et cultures… « Mais c’était il y a très longtemps déjà! Beaucoup de choses ont changé depuis », regrette-t-elle, non sans amertume. Ce dont elle est le plus fière, c’est son engagement vis-à-vis de sa ville. Mouna Hachim compte parmi les personnalités sollicitées par la wilaya de Casablanca pour former un think tank au profit du développement de la cité blanche. Son site Save Casablanca y est certainement pour beaucoup. « Une initiative née de mon envie de contribuer à changer les choses qui ne peuvent plus durer, à savoir, l’incivisme, l’insécurité… à faire prendre.
conscience à ses habitants de son histoire pour mieux l’honorer », explique cette femme de lettres qui a déjà consacré un roman, Les enfants de la Chaouia, aux générations ayant peuplé Casa et son arrière-pays. Elle vient de livrer, aux côtés d’autres personnalités réunies au sein du groupe « Casablanca, ville d’histoire, de culture et de loisirs », un rapport offrant une vision positive et des propositions concrètes pour rendre à la ville tentaculaire toute sa superbe.
Aïcha Ech-Chenna, présidente de l’association Solidarité féminine
Infatigable porte-parole des sans-voix
Les distinctions se multiplient pour l’égérie de l’engagement social au Maroc. Née à Casablanca en 1941, devenue une icône y compris dans le monde arabe, Aïcha Ech-Chenna consacre sa vie à la défense des mères célibataires, sujet encore tabou dans un Maroc conservateur. Depuis 1985, son association Solidarité féminine dispense aux mères célibataires des formations, des cours d’alphabétisation et leur fournit des emplois pour les aider à devenir autonomes. Elle œuvre également à faire évoluer le statut des enfants nés hors mariage. En 2009, Aïcha Ech-Chenna reçoit pour son action l’Opus Prize, généralement attribué à des ecclésiastiques et… doté de 1 million de dollars. Quatre ans plus tard, elle se voit remettre les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur de la République française. Aujourd’hui, Aïcha Ech-Chenna livre un combat en faveur des enfants des femmes subsahariennes. « Il faut que les pays africains se mettent d’accord avec les autorités marocaines pour que ces enfants puissent avoir une nationalité », martèle-t-elle.
Rachid Andaloussi, président de l’association Casamémoire
Pour l’amour de Casa
Vingt ans qu’il se bat sans relâche pour la sauvegarde du patrimoine architectural de Casablanca. Cette force, il la puise dans son amour viscéral pour la ville où il est né en 1956, l’année de l’indépendance.
« C’est pour ça que je me considère chanceux. » Andaloussi grandit au quartier Mers Sultan. Ses plus anciens souvenirs ? Les cinémas qu’il fréquentait, notamment Liberté et Colisée. Diplômé de l’Ecole d’architecture de Paris, il rentre au Maroc en 1986 et ouvre son cabinet. Atterré par l’état de dégradation et par la démolition d’édifices Art déco, Andaloussi cofonde l’association Casamémoire, dont le but est de sensibiliser à la préservation et à la restauration du patrimoine urbanistique du XXe siècle. Commence alors pour lui un long combat. L’association réussira à protéger plusieurs joyaux architecturaux. Guidé par un lien inaltérable avec la cité, Andaloussi remporte, avec le prestigieux architecte français Christian de Portzamparc, le concours international pour la construction de CasaArt, le plus grand théâtre d’Afrique et du monde arabe. Aujourd’hui, il ambitionne d’inscrire la ville au patrimoine mondial de l’UNESCO. Son rêve le plus fou ? Qualifier Casablanca pour organiser les Jeux olympiques de 2030.
Mustapha Mellouk, président de l’Association du Grand Casablanca-Carrières centrales
Made in médina !
Il enchaîne les réunions à longueur de journée dans le cadre de ses nouvelles responsabilités à la tête du groupe de travail « Casa lieu de vie », émanation d’un think tank institué par le wali du Grand Casablanca. Une mission que l’ancien patron de Medi1 Sat prend à cœur. Normal pour un pur Bidaoui comme il se définit lui-même, né en 1963 « d’un père de Oulad Haddou et d’une mère de Lahraouiyine ». Titulaire d’une maîtrise en sciences de gestion et d’un MBA de l’ESCP, Mellouk effectue sa carrière dans l’audiovisuel, d’abord à 2M, ensuite à Al Jazeera Children’s Channel et enfin à Medi1 sat (2009-2010), devenue depuis Medi1 TV, avant de décrocher la carte Bloomberg pour l’Afrique. Malgré un agenda surbooké, il s’investit dans la société civile. En 2009, il reprend le flambeau à la tête de l’Association du Grand Casablanca-Carrières Centrales et se consacre à l’ambitieux projet de réhabilitation de l’ancienne médina. Un projet qui le mettra sur le chemin de Khalid Safir, alors gouverneur de la préfecture d’Anfa. « Entre nous le feeling est vite passé. » Quelques années plus tard, les deux hommes sont amenés à travailler de nouveau ensemble.
Professeur Hakima Himmich, présidente de l’Association de lutte contre le sida
LA COMBATTANTE
Professeur de médecine, chef d’un service hospitalier, vice-présidente du comité d’éthique de l’ONUSIDA, membre du comité d’experts qui conseille la direction exécutive de l’OMS, présidente de Coalition PLUS… le CV de Hakima Himmich est impressionnant ! Elle a consacré sa vie à la lutte contre le sida aux côtés des personnes séropositives, initiant avec d’autres professeurs comme feu Abderrahim Harrouchi une véritable révolution pédagogique au sein de la Faculté de médecine. Elle crée le service des maladies infectieuses au CHU de Casablanca et détecte le premier cas de sida au Maroc. Deux ans plus tard, elle fonde l’Association de lutte contre le sida (ALCS). A l’époque, le thème du sida choquait et personne ne voulait en parler. Après des années de travail acharné, son militantisme et ses actions citoyennes lui valent la reconnaissance nationale et internationale. Elle est décorée du Wissam Alaouite grade de chevalier et de la Légion d’honneur de la République française.
Ils la font vibrer
Mohamed Boudrika, président du Raja de Casablanca
Droit au but
C’est le plus jeune président d’un club de foot en Europe et en Afrique. A 30 ans, Mohamed Boudrika prend la tête du célèbre club bidaoui. Une victoire appréciable après une première tentative manquée en 2010. « J’avais quand même réussi à avoir 57 voix. Ce n’était pas évident », se rappelle-t-il. Depuis, Boudrika a fait du chemin : un titre de champion du Maroc avec le Raja et, surtout, une place de finaliste à la Coupe du monde des clubs, disputée au Maroc. Un exploit qui a fait briller le club au-delà du continent. Avec cette consécration, c’est un rêve de gosse qui se réalise. Né dans le quartier populaire Drissia à Casablanca, Mohamed Boudrika a toujours été un inconditionnel du Raja.
« Normal, le quartier est un fief des Verts», explique-t-il. Après le baccalauréat, le jeune Mohamed abandonne les études et se consacre au groupe immobilier familial. Malgré ses responsabilités, son amour pour le Raja reste intact et l’incite à briguer la présidence du club. « Au Maroc, nous ne faisons pas suffisamment confiance à nos jeunes. C’est pourquoi j’ai décidé de me porter candidat à la présidence du Raja. C’était un défi. » Nouveau challenge pour Boudrika : gagner avec le Raja la Ligue africaine des champions. Ce ne sera pas pour cette année !
Abdelilah Akram, président du WAC
Circulez, y a rien à voir !
« Akram dégage » ! De Bernoussi à l’ancienne médina en passant par Bourgogne et les nombreux fiefs du Wydad, la grogne monte chez les supporters et prend de l’ampleur ces derniers mois. Durant sept ans passés à la tête du club, Abdelilah Akram n’a offert au WAC qu’un seul titre. Pire encore, en à peine trois ans, dix entraîneurs se sont succédé à la direction technique du Wydad… sans résultat probant. Malgré la fronde des supporters, Akram fait la sourde oreille et s’accroche à son fauteuil de président. A ses yeux, la crise du football marocain est bien plus profonde qu’une simple question de dirigeant de club. Tenace, Akram. Opportuniste, aussi. Après avoir débuté sa carrière à Agadir comme comptable dans le tourisme, il s’installe à Casablanca et tisse des amitiés avec les acteurs influents de la ville. En peu de temps, il devient administrateur de sociétés œuvrant dans les domaines du loisir, du tourisme et de l’agriculture. A 57 ans, Abdelilah Akram ne cache pas ses ambitions dans la gestion sportive. En 2013, il place la barre un cran plus haut en se portant candidat au poste de président de la FRMF.
Abdelhak Mendoza, président du Racing Athletic Club
Le capitaine
Abdelhak Rizkallah, une légende vivante du ballon rond à Casablanca. Plus d’un demi-siècle que le nom de ce natif de Arsat Zerktouni dans l’ancienne médina est étroitement lié au RAC, son club d’adoption, auquel il restera fidèle. Son premier match, il le joue à l’âge de 10 ans. « J’ai réussi à marquer 2 buts. Assila m’a félicité et m’a prédit un bel avenir. » Assila avait raison. Mendoza s’impose rapidement et devient capitaine des minimes. Ce titre, il le conservera jusqu’à la fin de sa carrière. Une carrière bien remplie, ponctuée d’événements inoubliables. Comme en 1968, lorsqu’il gagne la Coupe du trône contre le Raja. Le RAC est alors la première équipe casablancaise à remporter ce trophée. Nouvelle consécration en 1974 lorsque Mendoza décroche le titre envié de meilleur joueur de la Coupe maghrébine, disputée en Tunisie cette année-là. Aujourd’hui, à 70 ans, Abdelhak Mendoza compte disputer une dernière partie avant de raccrocher les crampons : offrir aux jeunes du club un centre de formation. Le premier coup de pioche a été donné il y a cinq ans, mais le centre n’est toujours pas opérationnel faute de moyens. « Le RAC est ma famille. J’y ai grandi. Je fais de mon mieux pour le faire revivre. » Le capitaine ne renonce jamais.
Ils l’animent
Fihr Kettani directeur général du Studio des Arts vivants
L’Artiste manager
S’il était un symbole casablancais, Fihr Kettani choisirait le phare d’El Hank. « Pour la beauté du monument, sa poésie et aussi pouvoir admirer Casablanca d’en haut et voir loin », s’épanche le fondateur et directeur du Studio des Arts vivants (SDAV). Fihr est le représentant d’une jeunesse avide d’art dans un Maroc en plein renouveau. Avec son pendant Simo Chaoui, ils décident d’offrir à la métropole une plateforme pour valoriser les artistes. Le SDAV voit le jour en octobre 2010. « Un centre réunissant toutes les activités artistiques de la scène, un théâtre à la programmation prestigieuse et une galerie d’art contemporain, la Galerie 38. » Plusieurs lieux en un seul. « Ayant suivi des cours de chant lyrique à l’étranger en parallèle à mes études de commerce, en rentrant au Maroc, j’ai continué à me produire tout en travaillant dans l’industrie. C’est alors que j’ai constaté l’engouement grandissant des Casablancais pour les arts vivants et, face à cela, une offre inadéquate », explique Fihr. Dépoussiérer l’enseignement artistique classique est sa devise. Un pari relevé haut la main.
Mohamed Merhahi, cofondateur de l’association L’EAC-L’Boulvart
Le parrain de l’underground
La musique underground, c’est lui. Quel jeune branché n’a pas entendu parler de Mohamed Merhahi, alias « Momo », figure électrique de la création casablancaise ? Depuis quinze ans, il se bat pour offrir une scène aux nouveaux talents, avec le festival L’Boulevard. Un rendez-vous artistique devenu au fil du temps l’échappatoire d’une jeunesse casablancaise en quête d’un nouveau souffle culturel. Natif du quartier Gauthier, Momo baigne dès l’enfance dans les métiers du théâtre. Il intègre la Fédération des œuvres laïques (FOL) comme régisseur et participe à la création d’ateliers de musique. En 1999, c’est le grand saut. Il lance L’Boulevard avec son complice Hicham Bahou. Malgré le manque de moyens, ils réussiront à pérenniser l’événement et à concrétiser un vieux rêve : le Boultek, un centre dédié aux musiciens, avec studios de répétition et d’enregistrement, et une salle polyvalente. Modeste satisfaction pour Momo, bien loin encore des ambitions qu’il nourrit pour Casablanca, où l’offre culturelle est selon lui « minable ». La métropole compte pourtant 18 théâtres. « L’infrastructure existe mais pas les compétences », assène-t-il. La solution ? « Déléguer la gestion de ces espaces au secteur privé ou à des associations. »
Hicham Abkari, directeur du Théâtre Mohammed VI
Culture pour tous
Il a forgé sa réputation d’animateur culturel dans les rues de Casablanca. « J’ai formé mon premier groupe de musique et un ciné-club à Derb Bouchentouf à 17 ans », se souvient Hicham Abkari. Ce licencié en littérature française, major de sa promotion, bénéficie en 1991 d’une bourse pour effectuer son DEA à la Faculté de Ben M’Sik. A cette époque, le président de la commune de Sidi Belyout le repère et lui confie l’animation de son centre culturel. Expérience concluante : en 2004, il est promu chef de service animation culturelle, et deux ans plus tard, il devient directeur bénévole du Théâtre Mohammed VI. Dynamique, Abkari organise aussi des événements pour les jeunes, du breakdance au hip-hop en passant par la techno. Mais il dénonce une gestion chaotique de l’action culturelle à Casablanca. « On ne peut pas parler d’animation culturelle sans parler de transport, de restauration ou encore de sécurité, c’est tout un environnement qu’il faut mettre en place. »
Alban Corbier-Labasse, directeur de l’Institut français
French Connection
Directeur de théâtre à la Réunion, passionné des festivals de rue, le Bordelais Corbier-Labasse a mené de nombreuses missions culturelles un peu partout dans le monde (Brésil, Mexique, Sénégal). Son arrivée à Casablanca en 2013 coïncide avec le 50e anniversaire du Centre culturel français (CCF), devenu Institut français de Casablanca (IFC). 50 ans, un âge honorable. Justement, l’ambition d’Alban Corbier-Labasse est de donner un nouvel élan à l’Institut. Rapidement, il instaure les sorties en famille, « une expérience collective qui donne goût à la sortie culturelle. » Les familles à l’honneur, donc, mais aussi le jeune public et les nouveaux talents : le « dépoussiérage » signé Corbier-Labasse est en marche. Côté contenu, il entend étoffer l’offre artistique de l’Institut, en jouant la complémentarité et en se démarquant des autres rendez-vous culturels de Casablanca. Ambitieux programme… aux ressources financières faméliques. Du coup, le dynamique directeur tente de convaincre les acteurs locaux de s’impliquer davantage dans les actions de l’Institut. Pragmatique, Alban Corbier-Labasse ne ménage aucun effort pour faire revenir le public à l’IFC car, dit-il, il y a de la place pour une offre culturelle exigeante à Casablanca.
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