Constitutions. Eviter de répéter le passé

Pour écarter tout rival, Hassan II a modifié la loi suprême 
en introduisant le principe de la succession par primogéniture. 
Il a aussi réformé la majorité royale et le Conseil de régence.

On ne balaie pas d’un revers de main plusieurs siècles d’Histoire. Aussi Hassan II aura-t-il à cœur de ne pas répéter les erreurs du passé et, pour se prémunir de tout prétendant indésirable, il introduit dans la Constitution de 1962 le principe de la succession par primogéniture. Dans un pays musulman, cela n’allait pas forcément de soi. L’orthodoxie musulmane est en effet majoritairement hostile au principe de la monarchie héréditaire par voie de primogéniture. C’est d’ailleurs le sens de la prise de position de Mustapha Belarbi Alaoui, un alem proche de l’UNFP qui, lors de la campagne référendaire de 1962, appela à voter non au projet de Constitution au  nom de l’islam.

Dans son article 21, la Constitution de 1962 dispose que «  le roi est mineur jusqu’à dix huit ans accomplis. Durant la minorité du roi, un Conseil de régence exerce les pouvoirs et les droits constitutionnels de la couronne. Le Conseil de régence est présidé par le parent mâle du roi, le plus proche dans la ligne collatérale mâle et ayant 21 ans révolus, du recteur des universités et du président de la Chambre des conseillers. Les fonctions de membre du Conseil de régence sont incompatibles avec les fonctions ministérielles. Les règles de fonctionnement du Conseil de régence sont fixées par une loi organique ».

La Constitution de 1970 modifie légèrement ce régime, supprimant l’incompatibilité de l’exercice du mandat de membre du Conseil de régence et de celui de ministre et rendant impossible l’utilisation des prérogatives royales de révision constitutionnelle par ce conseil, sans compter la modification de sa composition et l’introduction d’un rôle consultatif de ce conseil auprès du roi de 18 ans à ses 22 ans révolus.

Majorité à 16 ans

Rien ne change jusqu’à la réforme constitutionnelle de 1980 qui modifie sensiblement la donne : la majorité royale est abaissée à 16 ans et la présidence du Conseil de régence est retirée au parent mâle du roi le plus proche dans la ligne collatérale pour la confier au premier président de la Cour suprême. Le blogueur Ibn Kafka, auteur d’une étude exhaustive sur la notion de régence au Maroc, souligne que « cela revenait alors à rendre immédiatement effectif l’âge de majorité royale pour le prince héritier Sidi Mohammed, et à retirer la présidence du Conseil à Moulay Abdallah, frère de Hassan II ».

Douze ans plus tard, la Constitution de 1992 élargit la composition du Conseil de régence et rabaisse à 20 ans l’âge auquel il cesse sa fonction consultative auprès du roi. Les choses ne changeront plus jusqu’à la Constitution de 2011 qui relève la majorité royale à 18 ans et modifie la composition du Conseil de régence, le Chef de gouvernement y siégeant désormais automatiquement.

Ironie de la situation, alors même que l’esprit de l’actuelle constitution est d’associer plus encore le Chef de gouvernement au processus de décision et de lui accorder certains pouvoirs jusqu’alors dévolus au roi, Abdelilah Benkirane s’est dessaisi d’une partie de sa responsabilité en déléguant au Palais la rédaction de la loi organique relative à l’organisation du Conseil de régence. 

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