Anecdote. Morts violentes de sultans

Au Maroc, les successions pacifiques et acceptées de tous ont toujours été l’exception. Avant même l’émergence de la dynastie alaouite, 
notre Histoire regorge de sultans morts au combat, assassinés, déposés, 
exilés, voire suicidés. Morceaux choisis, entre régicides et quelques autres joyeusetés.

Idriss I : La jalousie du calife

Le premier sultan de l’Histoire du Maroc est bien mort assassiné. Dissident chiite fuyant les Abbassides, il est venu trouver refuge au nord du Maroc. En 788, il s’installe à Walili, l’antique cité de Volubilis, et rallie à lui plusieurs tribus berbères. Il étend son influence jusqu’à Tlemcen à l’est, et jusqu’à Salé au sud, mais finit par s’attirer l’attention de Haroun Arrachid qui le fait empoisonner en 791 par un chiite que le calife a réussi à soudoyer.

Idriss II : Pépin tueur

Idriss II meurt en 828 dans des circonstances pour le moins étonnantes : il est en train de manger une grappe de raisin quand un grain reste coincé dans sa gorge. Or, raconte le géographe andalou Al-Bakri, « ne pouvant s’en débarrasser, il demeura la bouche ouverte, bavant et écumant jusqu’à ce que la mort survint ».

Tachfin Ibn Ali : Un sultan suicidé ?

Les chroniqueurs de la chute des Almoravides rapportent qu’en 1145, le sultan Tachfin Ibn Ali, enfermé à Oran, et cerné de toutes parts par les Almohades, galope seul vers les hauteurs de la ville et y trouve la mort dans un accident qui a toutes les apparences d’un suicide : «  Il dit adieu à ses compagnons et se précipita à travers les flammes hors de la porte. On le retrouva mort le lendemain matin, il ne portait ni trace de coup de lance ni blessure. Son cadavre fut rapporté aux Almohades qui l’exposèrent au lieu du supplice ».

Ishaq Ibn Ali : La mort de l’enfant roi

A la prise de Marrakech, en mars 1147, les Almohades massacrent tous les princes almoravides qui s’y trouvent, parmi lesquels Ishaq Ibn Ali qui vient tout juste de succéder à son frère et d’accéder au trône. Il est retrouvé caché au milieu d’un tas de charbon dans une chambre du palais.

AnNassir : Empoisonné par une concubine

De retour à Marrakech après la cuisante défaite de Las Navas de Tolosa en Andalousie, on raconte que le sultan Annassir s’enferma dans son palais où il s’adonna entièrement aux plaisirs, s’enivrant jour et nuit jusqu’à sa mort à la fin 1213, âgé d’une trentaine d’années. Selon Ibn Abi Zar’, il fut certainement empoisonné par ses ministres qu’il avait lui-même l’intention de faire périr, mais qui le devancèrent en lui faisant donner par l’une de ses concubines « une coupe de vin qui le tua subitement ».

Abou Al Haqq : Egorgé comme un mouton

En 1465, la population de Fès, exaspérée par les succès militaires des chrétiens au Maroc, se révolte contre le dernier sultan mérinide et le tue dans d’atroces sévices : emmené dans la mosquée des Qaraouyine, Abou Al Haqq est égorgé le 23 mai, suivant le rite suivi pour le sacrifice du mouton de l’Aïd El Kébir.

Bou Hassoun : Ephémère restauration

En 1554, l’éphémère dynastie des Wattassides est déjà aux prises avec les premiers Saâdiens qui ont pris possession de Fès. Appuyé par les Turcs d’Alger, le Wattasside Bou Hassoun la leur reprend, mais cette restauration ne dure pas longtemps et Bou Hassoun est finalement vaincu et tué dans le Tadla par le Saâdien Mohammed Cheikh. Les derniers Wattassides sont massacrés par des pirates alors qu’ils tentent de fuir le Maroc.

Mohammed Cheikh : Tête de Turc

La victoire de Mohammed Cheikh est de courte durée. Le fils du fondateur de la dynastie saâdienne finit en effet assassiné en 1557 par un transfuge turc qui s’était mis à son service. Sa tête est portée à Alger, puis envoyée à Constantinople. Le Maroc est alors sur le point de tomber dans l’escarcelle de l’Empire ottoman, mais l’Espagne fait échouer in extremis les plans de la Sublime porte.

Abou Dabbous : Le dernier des Almohades

Le dernier sultan almohade trouve la mort à Tinmel en 1275, lorsque les nouveaux maîtres mérinides du pays s’emparent de ce qui avait été jadis l’inexpugnable capitale du mouvement créé par Ibn Toumert. Ils dévastent la nécropole des souverains almohades et y déterrent les corps de Abdelmoumen et de son fils Yaâcoub Al Mansour qu’ils décapitent.

Abdelmalek : Un mort victorieux

Le nom du sultan Abdelmalek reste attaché à la bataille des Trois Rois qui le met aux prises avec son neveu Al Moutawakil, dépossédé du trône quelques années auparavant, et allié pour l’occasion au roi Sébastien, fraîchement débarqué du Portugal. Le 4 août 1578, ce sont ainsi pas moins de trois rois qui périssent sur les berges de l’oued Al Makhazine dans les environs de Ksar El Kébir. Abdelmalek meurt de maladie aux premières heures de la bataille, Al Moutawakil succombe en tentant de s’enfuir, tandis que Sébastien tombe sous le feu de l’ennemi. C’est finalement Ahmed Al Mansour, frère de Abdelmalek, qui tirera tout le bénéfice de la victoire.

Ahmed Al-Mansour : La peste tue même les rois

La fin de règne d’Ahmed Al-Mansour, malgré ses victoires africaines, n’a rien de glorieux. Le royaume chérifien est accablé de tous les maux : épidémies, famines, inondations, invasions de sauterelles, auxquelles vient s’ajouter une insécurité grandissante. Les villes se dépeuplent, les campagnes sont des repères de brigands. Ahmed Al Mansour se déplace à travers tout le pays pour fuir l’épidémie de peste. Mais, malgré ses précautions, il meurt pestiféré le 25 août 1603. 

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