Défi lancé par la rédaction de TelQuel : participer à la 25e édition du marathon de la ville ocre aux côtés du ministre de la Jeunesse et des Sports. On pensait que la cadence serait facile à suivre. On s’est trompé.
La veille de la course, lors d’une journée bien ensoleillée, Mohamed Ouzzine nous donne rendez-vous au grand stade de Marrakech pour une séance d’entraînement. Au programme, 35 minutes de dépense physique et de détente loin de la pression gouvernementale.
25 janvier, 12h15. Sur les chapeaux de roue
Le ministre sort de sa BMW de fonction, deux téléphones à la main, habillé en jogging, baskets Asics, lunettes noires et casquette vissée sur la tête. « Je viens de discuter avec Hassan Benabicha qui m’a confirmé que le moral des joueurs est au top avant le match contre le Nigéria », nous lance-t-il en guise de bienvenue, avant de donner l’accolade au directeur du stade venu à sa rencontre. Le ministre débarque sans protocole, ni garde du corps. « Les agressions subies par mes collègues sont des actes isolés, il ne faut pas sombrer dans la paranoïa », justifie-t-il en s’engouffrant dans les couloirs du stade. En arrivant sur la pelouse, il s’extasie : « C’est un très beau stade, en plus il porte bonheur. Le Maroc n’a jamais perdu ici ». Après quelques tours de piste, il enchaîne une série de mouvements de stretching. Malgré ses fonctions officielles et son agenda overbooké, ce quadragénaire est un mordu de sport : « Au moins trois fois par semaine, je me réveille tôt pour courir au golf de Rabat. J’ai besoin de décrocher et faire le vide. La politique c’est un univers très prenant et fatigant »
13h15. Dur, dur d’être ministre
Fin de la séance d’entraînement. Mohamed Ouzzine remonte dans sa voiture, direction l’hôtel Atlas Hospitality. Le temps de prendre une douche et d’enfiler un costume, il reprend la route vers la salle couverte M’Hamid pour assister à la 12e édition de la Coupe du trône de football en salle (futsal), réservée aux enfants souffrant de déficiences mentales. Impensable de rater cet événement auquel la princesse Lalla Soumia El Ouazzani a prévu d’assister. Pendant ce temps, les bonnes nouvelles en provenance d’Afrique du Sud commencent à tomber.
16h. Victoire et déchéance
Les Lions de l’Atlas mènent 3-0 contre le Nigéria en quarts de finale de la CHAN. A l’entame de la seconde mi-temps, la mine d’Ouzzine change progressivement. L’équipe nationale s’est totalement effondrée et finit par perdre le match. « Je suis extrêmement déçu. Comment a-t-on pu encaisser quatre buts ? », se désole-t-il. Mais la journée n’est pas finie. Le ministre doit dîner avec les joueurs de l’équipe nationale de handball qui a été éliminée de la Coupe d’Afrique des Nations en Algérie.
22h30. Enfin la paix
Ce n’est qu’en début de soirée que Mohamed Ouzzine peut enfin respirer. Il se connecte sur son compte Facebook. Le ministre est un addict des réseaux sociaux et anime régulièrement sa page qui compte plus de 80 000 fans. « J’aime être en contact avec les gens, surtout les jeunes. Certains pensent que je suis obsédé par mon image et que j’aime la3yaka. Ils se trompent », affirme-t-il, tout sourire. Pendant qu’il est concentré sur sa tablette, nous jetons un coup d’œil à sa playlist sur son smartphone. On y trouve Rouicha et Hamou Oulyazid à côté de Myley Cyrus et Justin Timberlake. « Ce sont mes filles qui me permettent de rester à la page. Les choses vont tellement vite qu’on peut passer rapidement pour un ringard ». Il est minuit, extinction des feux.
26 janvier, 7h. Zéro stress
Le mercure affiche 4 degrés. A peine quelques figues et autres fruits secs avalés, Ouzzine enfile son jogging et rejoint la maire de Marrakech, Fatim-Zahra Mansouri, pour donner le coup d’envoi du semi-marathon à 7h50. En attendant le démarrage de la grande course, prévu à 9h45, il accompagne le wali et la maire pour le petit-déjeuner au Sofitel. Au menu des discussions, plusieurs projets sportifs que le ministère de la Jeunesse et des Sports doit financer dans la ville. L’ambiance est décontractée, au point que le ministre et l’édile se taquinent gentiment.
9h45. Cours Ouzzine, cours !
C’est devant une foule immense et 7500 coureurs que le ministre et la maire arrivent pour donner le top départ du marathon. Dès son arrivée, Mohamed Ouzzine est assailli par la presse. Après avoir donné le départ, il se glisse discrètement parmi les coureurs. Il est accompagné du directeur et du responsable technique du stade de Marrakech. « Il faut y aller à petites enjambées, sinon on sera cuits au bout de quelques kilomètres », nous prévient-il. Nous profitons du moment, certes mal choisi, pour aborder avec lui la déconfiture de l’athlétisme marocain. « La réussite de Saïd Aouita ou Hicham El Gerrouj n’est pas le fruit d’un travail de fond. Leurs performances ont toujours été l’arbre qui cache l’absence de vision pour l’athlétisme », nous répond-il entre deux foulées. Quand on lui pose la question sur son projet pour relancer l’athlétisme, il rétorque : « Il faut travailler la base. Nous avons construit cinq centres régionaux de formation. Maintenant il faut recruter les meilleurs formateurs pour construire une véritable base de pratiquants d’athlétisme ».
10h15. Protocole oblige
Après huit kilomètres de course, nous sommes au bord de la crise cardiaque. Le ministre, lui, garde la cadence, malgré les premiers signes d’essoufflement. Il encourage les coureurs qui le reconnaissent malgré sa casquette et ses lunettes noires. « Je suis très content de voir que les gens se déplacent en famille de l’étranger pour assister ou participer à la course », se réjouit-il. Et la fédération de football ? Son regard indique qu’on est en train de lui gâcher sa course, mais il accepte volontiers de répondre : « Les statuts de la fédération vont passer par le secrétariat général du gouvernement pour leur adoption lors de l’assemblée générale. Tout devra renter dans l’ordre avant la fin du mois de mars ». Au dixième kilomètre, il s’arrête net. « Je suis prêt à courir encore quelques kilomètres mais je dois m’éclipser », explique-t-il, le souffle coupé. Il est temps pour lui de rejoindre l’hôtel, le temps de prendre sa douche et se rendre au point d’arrivée de la course pour la cérémonie de remise des prix. Il enfile un costume en cachemire, noue sa cravate et arrive tout frais sur l’estrade, où il prend place devant la maire et le wali de la ville. « Globalement, je suis satisfait de l’organisation de ce marathon, mais je ne comprends pas pourquoi les écoliers marocains n’ont pas été invités alors que les élèves de la Mission française sont tous là. Comment les organisateurs veulent-ils susciter des vocations auprès des générations futures ? », nous confie-t-il.
13h14. Retour au bercail
A la fin de la cérémonie de remise des prix, Mohamed Ouzzine retourne à l’hôtel où il prend le temps de répondre à quelques coups de fil en buvant son café. Alors qu’il pense filer directement vers Rabat, on lui annonce le décès d’un
militant du parti. Il doit absolument se rendre à Afourar, une bourgade située à quelques kilomètres de Beni Mellal, pour
présenter ses condoléances à la famille du défunt. En attendant, il commande un simple sandwich et un soda. Avant de quitter l’hôtel, il reçoit la visite du président du Kawkab de Marrakech et s’entretient brièvement avec le pilote Mehdi Bennani, qui l’informe des préparatifs pour le grand prix de Marrakech qui aura lieu en mars. Il est 14h40, Mohamed Ouzzine quitte la ville ocre en direction d’Afourar. Demain, c’est le débrief de la semaine qui l’attend tôt au ministère.
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