Politique. Une majorité sous perfusion

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Alors que les élections communales se profilent, le Chef du gouvernement doit composer avec des partis qui ont leur propre agenda et des partenaires sociaux très hostiles.

« Nous allons porter plainte devant la Cour suprême, seule juridiction habilitée à juger les ministres et les hauts commis de l’Etat », nous lance Mohamed Ansari, avocat et président du groupe istiqlalien à la deuxième chambre. Le parti de la balance est visiblement décidé à traîner Abdelilah Benkirane en justice. Lors de sa joute verbale avec la députée Kenza El Ghali au parlement, le 31 décembre, le Chef du gouvernement avait sorti une de ses phrases assassines : « Nous ne sommes pas comme certains partis dont les membres ont des appartements à Paris et des milliards sur des comptes à l’étranger ». L’allusion à Yasmina Baddou est on ne peut plus que claire. L’ancienne ministre istiqlalienne  de la Santé défraye la chronique avec son appartement  acheté à Paris. Benkirane n’a pas raté l’occasion  d’enfoncer le clou.

Alliés, mais pas trop

Le Chef du gouvernement  démarre ainsi 2014 avec le lourd héritage de 2013 : il est toujours en guerre ouverte avec ses anciens alliés de l’Istiqlal. Une guerre qui, rappelons-le, a abouti à neuf mois de blocage gouvernemental et s’est soldée par le retrait du parti de Hamid Chabat de la majorité. Benkirane avait alors réussi à sauver son fauteuil, de justesse, en s’appuyant sur un nouvel allié, le RNI, l’ennemi juré d’hier. Et avec ses talents de polémiste, le Chef du gouvernement risque de se retrouver encore une fois à gérer une crise politique avec ses partenaires. D’autant plus que les leaders politiques sur lesquels il s’appuie subissent de plus en plus la pression de leur base. Chez les bleus, des voix commencent déjà à s’élever contre leur présence au sein du gouvernement. Mohamed Bentaleb, un des hommes forts du RNI, vient de lancer un pavé dans la mare en déclarant que « la prestation du parti souffre de la multiplication de ses responsabilités ». Une phrase qui en dit long sur le malaise de certains Rnistes après seulement 100 jours de participation au gouvernement. Mais cela n’est rien devant l’ébullition que vivent les deux autres partis de la majorité. Mohaned Laenser et Nabil Benabdallah, respectivement leaders du MP et du PPS, devraient cette année affronter leurs bases à l’occasion des congrès nationaux de leurs partis. Sachant qu’ils jouent pour un nouveau mandat, les deux zaïms risquent de ne pas faire preuve d’une grande solidarité gouvernementale avec le PJD, s’ils sentent un courant protestataire au sein de leurs partisans. Et il y a de fortes chances que la surenchère politique batte son plein puisque 2014 est une année préélectorale.

Péril 2014

Dès sa prise de fonction, Mohamed Hassad a eu le mérite d’être clair sur la date des élections qui devraient aboutir au renouvellement de la Chambre des conseillers. Le nouveau ministre de l’Intérieur a affirmé que les communales auront lieu en 2015. L’année sera ainsi marquée par un long processus législatif destiné à préparer les prochaines échéances : loi électorale, nouveau découpage, loi organique sur la régionalisation… Sur tout cet arsenal législatif décisif pour redessiner la carte politique, Abdelilah Benkirane a perdu la main dès lors qu’il a accepté de laisser ce département à un technocrate. Le PJD n’aura donc pas plus d’influence que les autres partis sur ces lois cruciales. Et ses adversaires politiques parient beaucoup sur la baisse de popularité du parti islamiste d’ici 2015. Surtout que Benkirane n’a pas d’autre choix que de prendre des mesures impopulaires cette année. Cela a d’ailleurs commencé avec sa tentative de relever l’âge de la retraite, provoquant l’ire des syndicats qui boycottent depuis des mois les séances de dialogue social. Et sur le terrain, les choses se compliquent davantage : répression violente des manifestations des salariés, hausse des prix des denrées de base, retard dans la mise en place des réformes… 2014 sera donc une année chaude pour le Chef du gouvernement sur le volet social. 

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