A quoi servent nos impôts ? Comment sont-ils récoltés ? Comment sont-ils fixés ? Qui paie quoi ? Pourquoi faut-il les réformer ? TelQuel débroussaille l’épineux champ fiscal.
En juillet 2011, Warren Buffet se met à dos ses amis milliardaires en rendant publique sa déclaration d’impôt pour soutenir le bien-fondé d’une augmentation de la taxation des ultras riches. “Grâce aux déductions diverses dont je bénéficie, mon taux d’imposition est à 17,3% (ndlr, sur un revenu de plus de 60 millions de dollars), soit moins que celui appliqué à nombre d’Américains issus de la classe moyenne, y compris ma secrétaire”, écrit la troisième fortune mondiale selon Forbes. Plus proche de nous, en début d’année, Gérard Depardieu (2ème acteur le mieux payé en France, avec 2,3 millions d’euros engrangés en 2012) fait les choux gras de la presse de l’Hexagone avec sa décision de s’exiler en Russie pour échapper à la nouvelle taxe à 75% des revenus supérieurs à un million d’euros. “J’en ai marre. J’ai payé pour 145 millions d’euros d’impôts au long de mes 45 ans de carrière”, se justifie Obélix. Ces deux exemples illustrent à la perfection que l’iniquité fiscale, dans un sens comme dans l’autre, est un sentiment universel. Difficile de trouver “l’impôt juste” même dans les sociétés les plus développées où les mécanismes de redistribution sont assez efficaces. Normal alors que, chez nous, la sensation d’injustice face au régime fiscal soit décuplée. Car c’est un secret de polichinelle : au plus beau pays du monde, l’impôt n’est pas payé par tous et sa redistribution ne profite pas à grand-monde.
Juste pour payer des fonctionnaires…
“Bien sûr que je me sens arnaqué par le fisc, s’insurge ce chef d’entreprise qui, pourtant, s’est tiré à bon compte d’un récent contrôle de la direction des impôts. Ce n’est pas tant le fait de payer beaucoup d’impôts qui me révolte, mais c’est surtout que ma contribution ne sert qu’à payer des fonctionnaires qui me compliquent la vie ou encore à financer un système de subvention des prix complètement absurde”. Il ne croit pas si bien dire. En 2012, le fisc a récolté plus de 174 milliards de dirhams pour le budget de l’Etat, une manne qui représente 90% des ressources publiques, hors endettement. Car c’est bien la dette publique qui permet de financer les grands projets qui entretiennent l’illusion d’un véritable développement socio-économique (tramway, TGV, Tanger Med, autoroutes…). Et chaque année, évidemment, il faut s’endetter un peu plus pour pouvoir rembourser les anciennes lignes de crédit. Quant aux ressources pérennes, notamment les ressources fiscales, elles sont en majeure partie (142 milliards de dirhams) englouties dans le fonctionnement de l’administration de Maroc SA (salaires des fonctionnaires et dépenses de matériel). Une administration pourtant loin d’être réputée pour son service public d’excellence dans les domaines de l’éducation, la santé, la justice, la sécurité, la couverture sociale…
Pire encore, le reliquat de la cagnotte fiscale ne suffit même plus à couvrir les 55 milliards de dirhams de la Caisse de compensation, ce fameux instrument de subvention des prix des produits de base que l’on n’arrive toujours pas à réformer alors que son inefficacité fait l’unanimité : moins d’un dirham sur dix de cette manne profite aux 20% des Marocains les plus pauvres. Le système est donc aux antipodes de l’esprit de solidarité censé l’animer. Ayant le sentiment que ses impôts sont “dilapidés” pour entretenir le train de vie excessif de l’Etat, le contribuable marocain estime qu’il n’a aucun “retour sur imposition”. Une sensation qui donne une certaine légitimité à l’évasion fiscale.
On fraude comme on peut !
Fuir le fisc, c’est un sport national au Maroc. Personne ne cache ce fait. Même pas le ministre des Finances. “Nous n’avons jusque-là pas réussi à inculquer une citoyenneté fiscale. Nous avons du mal à faire en sorte que les gens déclarent leurs impôts”, nous lance Nizar Baraka. Deux chiffres officiels suffisent à illustrer l’ampleur du phénomène : 2/3 des entreprises se déclarent déficitaires pour cotiser au minimum à l’Impôt sur les sociétés (IS), et les 3/4 des recettes de l’Impôt sur le revenu (IR) sont payés par les salariés du public et du privé, dont la contribution est retenue à la source. Autrement dit, on ne paie ses impôts que lorsqu’on y est obligé et, quand on le fait, on cherche à optimiser, voire frauder, comme on peut. Sous-déclarations et transactions au noir restent donc légion dans les rapports entre contribuables et administration fiscale, surtout qu’il est avéré que seule une minorité s’acquitte de sa contribution à la communauté. “Personne ne paie délibérément ses impôts, mais personne ne naît fraudeur. Il faut donc user des incitations pour inviter les gens à s’acquitter de leur contribution, mais aussi disposer d’un système de contrôle efficace et dissuasif pour ceux qui chercheraient à fuir leurs responsabilités”, nous explique Ahmed Rahou, membre du Conseil économique et social (CES) et coordinateur d’un récent rapport intitulé “Le système fiscal marocain, développement économique et cohésion sociale”.
Des besoins et des impôts
Au-delà d’une mise à plat du régime d’impôt pour tenter d’élargir l’assiette fiscale, le document du CES plaide pour une approche qui tienne compte des autres axes de politiques publiques de manière à tendre vers une justice sociale. “Notre politique fiscale ne peut plus être dissociée d’autres sujets des politiques publiques concernant les thèmes de la solidarité, du soutien aux populations démunies et de la stratégie de couverture sociale”, peut-on lire dans ce rapport. En effet, les besoins se chiffrent en dizaines de milliards pour combler le trou des retraites et pour mettre en place de nouveaux mécanismes, comme l’indemnité de perte d’emploi, la généralisation du régime d’assistance médicale (Ramed) pour les 8,5 millions de Marocains considérés vulnérables. Il va donc falloir inéluctablement lever de nouveaux impôts, que ce soit sous forme de taxes directes (impôt sur le revenu ou sur les bénéfices) ou sous forme de cotisations sociales et de taxes à la consommation (TVA et TIC). D’ailleurs, le gouvernement cherche chaque année à récolter plus d’impôts en introduisant de nouvelles dîmes. “Jusque-là, les pouvoirs publics ont réfléchi le nez dans le guidon. Chaque Loi de Finances apporte son lot de nouveautés en tenant compte des seules contraintes budgétaires, explique Abdelkader Boukhriss, président de la commission fiscale à la confédération patronale. Là, il va falloir prendre une direction bien déterminée, assurer une meilleure lisibilité et une visibilité du système”.
On taxe les bons contribuables !
La nouvelle taxe sur les hauts revenus et les gros bénéfices, instaurée par la dernière Loi de Finances, est l’exemple type des réaménagements fiscaux décidés uniquement pour combler des brèches budgétaires. Elle est présentée comme une “contribution au fonds d’appui à la cohésion sociale”, censée couvrir des programmes comme le Ramed ou Tayssir en rapportant 2 milliards aux caisses de l’Etat. Seulement voilà, seule une petite minorité de Marocains devrait passer à la caisse. Dans sa composante IR, moins de 30 000 salariés sont concernés par cette surtaxe, au moment même où des millions de contribuables ne sont même pas recensés. “Nous avons une population active de 11 millions de personnes alors que seuls quatre millions de Marocains sont soumis à l’IR, y compris les personnes non imposées”, admet Nizar Baraka. Dans ce sens, le CES incite à rétablir un certain équilibre : “Il est indéniable que les professions libérales, les commerçants, les intermédiaires, ainsi que tous ceux qui ont des revenus autres que leurs salaires, ne supportent pas la même charge fiscale que les salariés. Il faudrait agir aussi bien par un contrôle plus strict que par des incitations”. Entre autres incitations proposées par le rapport Rahou : “Encourager des métiers indépendants à payer l’IR avec un système permettant de disposer d’une dotation en devises supplémentaires, indexée sur le revenu imposable”. Côté IS, la taxe sur les bénéfices importants devrait toucher une minorité de grosses entreprises : les quelque 2% de structures qui contribuent à hauteur des 80% récoltés via cet impôt. Alors que tout le challenge est d’inviter un maximum d’entreprises de sortir de l’informel, un secteur qui totalise 45% des emplois hors agriculture, et représente environ 36% du PIB. “La lutte contre l’informel ne saurait se faire par la seule sanction. Il faut agir sur les avantages que procure la légalité pour les rendre suffisamment attractifs et lisibles”, souligne Ahmed Rahou.
Les exceptions qui font la règle
La lisibilité représente par ailleurs une des grandes faiblesses du système fiscal marocain. Tous les responsables le répètent en chœur : on a cumulé les dérogations sans vraiment prendre la peine d’en mesurer l’impact sur le développement économique. En plus, selon l’aveu même du CES, “les mesures dérogatoires développent un sentiment d’injustice chez les contribuables qui n’en bénéficient pas”. A titre d’exemple, le secteur agricole, exonéré depuis les années 1980, profite de cadeaux fiscaux estimés en 2012 à plus de 4,3 milliards de dirhams. Pourtant, il est admis que seuls les grands propriétaires terriens en tirent bénéfice, accentuant ainsi le sentiment que seule la classe moyenne des salariés supporte la charge fiscale. Tout ce système de dépenses fiscales est d’ailleurs appelé à être revu. “Il faut raisonner en termes de dépenses budgétaires et non pas seulement fiscales, explique Abdelkader Boukhriss de la CGEM. Il y a aujourd’hui des secteurs qui bénéficient à la fois d’exonérations fiscales et de subventions publiques”.
Des aberrations dans notre code des impôts sautent aux yeux. Et les pistes de réformes ne manquent pas. Rien que le rapport du CES contient 90 propositions de mesures qui touchent à toutes les composantes du système. Ces suggestions serviront sans doute de base de discussion pour les prochaines Assises de la fiscalité, programmées dans quelques semaines. Cette grand-messe, qui devrait réunir patronat, syndicats, gouvernement et experts internationaux, sera l’occasion de décider des axes d’une nouvelle politique fiscale à la fois plus juste, plus équitable, plus efficace…
Contrôle fiscal. Une traque mal organisée Disons-le toute de suite : la direction des impôts n’a pas les moyens humains pour contrôler tout le monde. Du coup, pour lever le maximum de recettes et être plus efficaces, nos inspecteurs du fisc choisissent bien leur cible. En 2011 par exemple (derniers chiffres disponibles), seulement 1421 dossiers ont été passés à la loupe, pour une population de 177 000 entreprises déclarées. Mais les montants perçus dépassent tout entendement puisqu’ils ont atteint les 7 milliards de dirhams. Normal quand on sait que l’essentiel des redressements effectués ont concerné de gros bonnets du monde des affaires, comme les banques, les assurances, les labos pharmaceutiques… Une traque ciblée, efficace, mais très décriée. “Le fisc préfère cibler les contribuables les plus apparents et transparents, dans le seul souci de maximiser les recettes. Mais il oublie d’orienter ses efforts vers le secteur informel. Ce système n’encourage pas à la transparence et pousse les contribuables à se retrancher dans des activités opaques, non déclarées”, souligne Ahmed Rahou, coordinateur du rapport du CES sur la fiscalité marocaine. |
Imposition. Inégalités flagrantes Les spécialistes du Conseil économique et social (CES) sont prêtés à l’exercice d’évaluation des taux d’imposition effectifs appliqués aux différents revenus et gains au Maroc. La conclusion est sans appel : le système de l’impôt sur le revenu favorise largement la réalisation des plus-values et l’encaissement de produits fonciers plutôt que le travail ou l’investissement. Un exemple : si vous percevez un loyer de 200 000 dirhams par mois, vous serez taxé à environ 22%. Sachez que ce taux correspond aux prélèvements ponctionnés sur le salaire brut d’un Smigard pour payer ses cotisations sociales, alors que pour un salaire de 200 000 dirhams, la pression fiscale et sociale monte à 44%. Comprenez, il vaut mieux acheter un appartement et le louer plutôt que de créer une entreprise et payer du monde. Surtout que sur les bénéfices d’une société qui vous reviendront, le fisc peut ponctionner jusqu’à 37% (30% de l’IS plus 10% du bénéfice à distribuer). Même les placements financiers restent un meilleur plan puisque les produits d’intérêts et de plus-values sont respectivement imposés à 30 et 20%. Malgré tout, le CES estime que la pression fiscale au Maroc reste à un niveau acceptable. Le rapport entre les ressources fiscales et le PIB ressort à 22%, équivalent à celui de la Turquie et de la Tunisie, et largement inférieur à celui de l’Espagne, la France ou la Finlande. Toutefois, il y a une nuance de taille : “La répartition de cette pression fiscale sur les différentes catégories de contribuables mérite une analyse plus poussée en raison de la concentration de son poids sur un nombre souvent limité de contribuables et en raison de l’existence d’exonération fiscale sur des activités contribuant de façon importante à la formation du PIB (agriculture par exemple)”, comme le souligne le CES.
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Des milliards et des aberrations
Dans toutes les catégories d’impôts, on trouve des incohérences. Zoom sur les plus saillantes d’entre elles.
Société. Tous déficitaires… Dans le plus beau pays du monde, on fait du business, mais sans gagner d’argent. Du moins en apparence. Preuve par les chiffres : sur les 177 000 entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés, seules 35% se déclarent bénéficiaires. Le reste, le plus gros, ne gagne rien et paie donc une cotisation minimale. Pourtant, la manne de l’IS collectée par l’Etat explose d’année en année. En 2012, elle s’est chiffrée à plus de 43 milliards de dirhams, soit le deuxième poste de recettes publiques après la TVA. Un montant colossal, dont plus de 80% sont payés par à peine 2% des entreprises, souvent de gros calibres comme l’OCP ou Maroc Telecom, qui ont réglé à elles seules près de 7 milliards de dirhams au titre de l’IS en 2012. Alors, pour remédier à cela et élargir l’assiette de l’Impôt sur les bénéfices, l’Etat semble enfin avoir trouvé la parade : taxer à 10% les petites entreprises qui gagnent moins de 2 millions de dirhams. Une sorte de “prime à la transparence” qui devrait faire sortir du “noir” les derniers rétifs. En 2012 déjà, cette mesure, qui s’appliquait aux firmes réalisant un chiffre d’affaires de moins de 3 millions de dirhams, a poussé pas moins de 13 000 entreprises, longtemps déficitaires, à se déclarer enfin bénéficiaires, selon une étude réalisée par le Conseil économique et social (CES). Une étude qui propose d’ailleurs de passer sans trop attendre à un IS progressif, dont le taux croîtrait en fonction du volume des bénéf’ dégagés. Et si vous croyez que cela va diminuer la recette de l’Etat, détrompez-vous. “Il y a 25 ans, l’IS était à 48%, et on récoltait à peine quelques milliards. Mais plus on a baissé ce taux, plus l’assiette s’est élargie, et plus la recette de l’Etat a augmenté. C’est psychologique, plus le taux de l’impôt est bas et plus on accepte facilement de passer à la caisse”, signale Abdelkader Boukhriss, président de la commission fiscale à la confédération patronale.
Revenus. C’est toujours les mêmes qui paient ! Injuste et inéquitable. Voilà comment on peut qualifier l’IR, cet impôt qui a rapporté à l’Etat pas moins de 32 milliards de dirhams en 2012. Censé frapper toute personne exerçant une activité salariale, commerciale ou exerçant une activité indépendante, l’Impôt sur le revenu est payé par une petite minorité de Marocains. On compte à peine quatre millions de contribuables soumis à l’IR, dont 80% sont des salariés du privé ou des fonctionnaires de l’Etat dont la contribution est retenue à la source : un système qui ne laisse aucune voie à “l’optimisation” ou à “la fraude fiscale”. Rien à voir avec le système déclaratif, auquel sont assujettis les médecins, avocats, notaires et autres professions libérales, qui ont toute latitude pour fixer leur niveau d’imposition. “Ce sont toujours les même qui paient. Cela doit cesser”, tonne le ministre des Finances, Nizar Baraka. Comment ? En attendant que les Assises de la fiscalité apportent une réponse, le CES semble déjà avoir trouvé le début d’une solution. “La majorité des gens qui ne paient pas l’IR n’ont pas de couverture sociale”, nuance Ahmed Rahou, qui pense que le meilleur moyen pour pousser ces personnes à déclarer leurs revenus est de leur proposer un système de couverture maladie et de les intégrer dans les régimes de retraite. “Quand vous cotisez à une retraite, vous n’avez pas intérêt à sous-déclarer vos revenus. Car plus vous cotisez, et plus votre pension sera intéressante…”, signale l’homme qui a chapeauté l’étude du CES. Une solution qui peut aussi résoudre l’épineuse problématique des caisses de retraites, qui risquent de faire bientôt faillite à cause du manque de cotisants… Ou comment faire d’une pierre deux (bons) coups.
TVA. Un siècle pour se faire rembourser Il n’y a pas un seul Marocain qui ne paie pas la TVA. Pour chaque achat de produit ou de service, la TVA est toujours présente. Tantôt à 7%, 10%, 14%, 20%, voire 30% pour les produits de luxe, la TVA taxe le consommateur final. Une super-assiette de 30 millions de personnes qui fait d’elle la première source de recettes fiscales pour l’Etat, avec pas moins de 52 milliards de dirhams perçus en 2012. Seulement voilà, les entreprises, censées jouer un simple rôle de collecteur pour le fisc, se retrouvent souvent étranglées par le poids de cette taxe. Quand la TVA collectée dépasse la TVA payée, les entreprises doivent obligatoirement régler la différence à la Trésorerie générale du royaume. Les règles du jeu sont ainsi faites. Mais quand c’est le contraire, l’Etat ne rembourse tout simplement pas, obligeant les firmes à reporter ce crédit d’impôt sur les futures déclarations, générant des délais qui peuvent durer des mois, voire des années… C’est le cas de l’ONCF par exemple, qui, s’il n’obtient pas l’exonération pour son projet de TGV Casa-Tanger, devra attendre au moins un siècle pour récupérer toute la TVA qu’il aura déboursée. “On ne peut plus accepter cette situation. Le remboursement de la TVA doit être systématique. La TVA est censée être neutre pour les entreprises”, signale Monsieur “fiscalité” de la confédération patronale, Abdelkader Boukhriss, qui fait passer aussi l’épineuse problématique de l’harmonisation des taux de la TVA au second plan. “L’Etat peut fixer la TVA à 100 ou même à 200%. Cela ne nous concerne pas. Il faut juste nous rembourser à temps”, souligne Boukhriss. C’est un peu “égoïste”, mais c’est bon à savoir.
Exonérations. 36 milliards pour des carottes… Exonérations, abattements, réductions des taux… la fiscalité marocaine est un véritable gruyère, plein de trous et pas bon du tout. Des trous pour le budget de l’Etat, mais de véritables sources de richesses pour des secteurs comme l’agriculture, l’immobilier, l’énergie ou la finance. Des secteurs réputés pourtant être de grosses vaches à lait. En 2012, le fisc a recensé quelque 402 mesures incitatives. Manque à gagner pour l’Etat : pas moins de 36,3 milliards de dirhams, soit 19% de l’ensemble des recettes fiscales et un peu plus de 4% du PIB… De quoi financer une deuxième ligne de TGV d’une seule traite ! Mais où va donc tout cet argent ? D’abord chez les promoteurs immobiliers, qui restent les premiers bénéficiaires de la générosité étatique, avec pas moins de 6,3 milliards de dirhams d’avantages et autres cadeaux fiscaux. Deuxième (heureux) secteur : l’agriculture. Exonéré depuis le début des années 1980, le secteur en profite à hauteur de 4 milliards de dirhams. L’effet de ces carottes, censées encourager certains pans de l’économie, n’a jamais été réellement mesuré. Mais une chose reste cependant sûre : “Ces dérogations développent un sentiment d’injustice chez les contribuables qui n’en bénéficient pas”, comme le souligne le CES dans son rapport sur la fiscalité marocaine. Une affirmation qui ne semble pas plaire au patronat, qui préfère plutôt botter en touche. “Ces chiffres avancés par le fisc ne sont pas crédibles. C’est une pure invention de l’ex-directeur général des impôts, Noureddine Bensouda, qui s’en servait comme une carte de négociation pour contrer les lobbys du monde des affaires”, signale cet expert comptable.
Vignette. Une autre exception marocaine Le Maroc l’a copiée des Français. Mais quand la France l’a abolie pour “non sens fiscal”, on ne l’a pas suivie… Voilà résumée l’histoire de la taxe spéciale annuelle sur les véhicules automobiles (TSAVA), appelée aussi “la vignette”. Une taxe “bizarre”, qui n’existe aujourd’hui qu’au Maroc, et dans quelques dizaines d’ex-colonies françaises. Instituée en France en 1956 pour financer un fonds de solidarité pour les personnes âgées, la vignette automobile a été supprimée au début des années 2000, car elle ne jouait plus le rôle pour lequel elle avait été instaurée. Au Maroc, la vignette n’a jamais eu d’objetif défini, et ne sert qu’à remplir les caisses de l’Etat, rapportant tous les ans pas moins de 1,5 milliard. Un montant appelé à croître sensiblement cette année, après le relèvement par le gouvernement du barème d’imposition pour les grosses cylindrées de plus de 11 chevaux. “Cette taxe n’a pas d’objet économique, certes, mais elle sert au moins à rendre à l’Etat une partie des subventions sur les hydrocarbures, dont les premiers bénéficiaires sont les automobilistes”, oppose-t-on au ministère des Finances. Argument recevable… Mais au-delà du débat sur son objet socio-économique (tout impôt doit en avoir un), la vignette comporte une autre aberration de taille : son tarif est calculé sur la base de la puissance fiscale du véhicule, un indicateur lui-même calculé sur la base de la cylindrée et de la puissance du moteur en litres. Sauf qu’aucune corrélation n’existe entre les deux variables. “L’industrie automobile s’est beaucoup développée, alors que l’administration fiscale continue d’utiliser des critères établis dans les années 1960 pour calculer les puissances de voitures conçues dans les années 2000”, explique Hicham Smyej, rédacteur en chef du magazine spécialisé La Revue Auto. |
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