Enquête. Divorcés, et alors ?

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De plus en plus d’hommes et de femmes ne vivent plus le divorce comme un drame. Ils l’assument totalement, sans complexes. Décryptage d’un phénomène révélateur du changement de la notion de couple dans notre société.

Dans un café huppé de la capitale, trois jeunes femmes sont en plein milieu d’une discussion animée. Le sujet de leur conversation ? La destination de leur prochain week-end entre filles, pour célébrer le divorce de l’une d’entre elles. “Mon divorce vient d’être prononcé la semaine dernière. Mes copines, qui sont déjà passées par là, m’ont alors proposé d’aller en week-end quelque part, pour fêter le début de cette nouvelle vie qui s’offre à moi”, explique Siham, 27 ans, responsable marketing dans une agence de publicité. La jeune femme est donc loin du cliché de la femme fraîchement divorcée, qui se lamente sur son sort, et qui appréhende avec angoisse son nouveau statut. Siham vit très bien la situation, et affirme avoir vécu sa procédure de divorce “sereinement, comme Maya l’abeille”. C’est également le cas de ses deux amies, qui n’ont jamais pensé “que la fin de leur mariage était la fin du monde”. Hommes et femmes sont de plus en plus nombreux à ne plus considérer le divorce comme un drame insurmontable. Surtout dans les milieux urbains et financièrement aisés, où le mariage n’est plus un but dans la vie, mais plutôt une étape comme une autre. La possibilité pour les femmes d’exiger le divorce – une nouveauté datant de la réforme de la Moudawana – a également profondément transformé les relations au sein du couple et bousculé le petit monde des avocats et psys pour couples.

Rappelez-vous, avant 2004, les femmes ne pouvaient que très difficilement quitter leur conjoint, si ce n’est au prix de procès fleuves, coûteux et à l’issue incertaine. Les plus décidées achetaient la répudiation de leur mari, ce qui donnait lieu, de l’avis même d’instituts d’études nationaux, à de “véritables marchandages où les hommes monnayent leur droit à la répudiation en exigeant le maximum, dépouillant souvent les femmes de leurs biens”. Aujourd’hui, plus rien de tel. A l’instar de ces messieurs, les représentantes du beau sexe peuvent se rendre au tribunal et lancer une procédure. Quant aux raisons du divorce, elles diffèrent selon les couples, mais sont révélatrices de l’évolution du couple et du mariage dans la société marocaine, liée au changement du statut de la femme.

 

Je t’aime, moi non plus

L’une des raisons les plus citées par les conjoints devant le juge ou devant leurs avocats est l’incompatibilité de caractères. Une notion vaste, dont la signification change d’un couple à l’autre. Yassine, jeune divorcé de 27 ans, explique : “Au début, nous étions follement amoureux. Nous n’habitions pas la même ville. Après le mariage, on s’est installés sous le même toit, et là, c’est devenu un véritable cauchemar”. Résultat, six mois à peine après s’être marié, Yassine se retrouvait dans le bureau d’une avocate pour lancer une procédure de divorce. Siham a vécu une histoire presque similaire. “Le problème au Maroc, c’est que nous ne découvrons réellement notre copain-fiancé-mari qu’après l’acte de mariage, que lorsque nous sommes un couple halal. Et, forcément, cela débouche sur de très mauvaises surprises”, analyse-t-elle. Fatima Allouli, avocate à Casablanca, admet rencontrer de nombreux couples de jeunes mariés “un peu rapidement” et qui n’ont pas bien pris le temps de se connaître. Les procédures étant beaucoup plus simples maintenant, le divorce n’effraie plus ces jeunes tourtereaux un peu trop pressés, qui savent bien de toute manière qu’ils pourront, au pire des cas, se séparer sans y laisser trop de plumes. “Ces jeunes couples, souvent plutôt aisés et instruits, se tournent généralement vers des divorces à l’amiable, sans encombres, et, bien souvent, restent en bons termes pour ne pas dire amis”, poursuit notre avocate, désormais habituée à ce scénario.

En 2012, le ministère de la Justice publiait des chiffres montrant que les demandes de divorce pour “discorde” ne cessent d’augmenter. Entre 2009 et 2010, ils ont effectué un bond de 10%. Mais attention, tous les divorces ne sont pas le fruit d’intenses complications dans le couple ou de problèmes majeurs. A ce propos, Maître Fatima Allouli nous raconte une anecdote : “Je me souviens avoir été engagée par un homme dont la femme avait promis d’arrêter de fréquenter les bars à chicha. En se promenant en centre-ville, l’époux tombe sur sa femme, pipe à la bouche. Direction le tribunal dès le lendemain”.

 

Pour le plaisir

L’un des autres motifs les plus invoqués actuellement dans les cas de divorce est… l’insatisfaction sexuelle. Une petite révolution, puisqu’il y a seulement une dizaine d’années, très peu de femmes osaient le dire clairement. “L’insatisfaction sexuelle a depuis toujours été mentionnée dans l’islam comme étant une cause légitime permettant aux femmes de demander le divorce. Mais, très souvent, elles n’osaient pas en parler, par timidité, parce qu’elles pensaient qu’en exprimant leur insatisfaction elles allaient tout de suite être cataloguées comme étant des femmes vicieuses ou perverses. Donc elles taisaient leur insatisfaction”, analyse le sociologue Abdessamad Dialmy.

Depuis la réforme de la Moudawana en 2004, il est écrit noir sur blanc que les femmes peuvent demander le divorce pour cette raison, et cela leur a donné le courage d’en parler devant le juge. Aujourd’hui, elles reconnaissent leur droit à la jouissance et assument leur droit au plaisir. Amal Chabach, thérapeute et sexologue, explique : “Il y a seulement une dizaine d’années, on ne divorçait pas pour des raisons sexuelles, aujourd’hui l’anorgasmie féminine, la dysfonction érectile, l’éjaculation précoce sont des motifs largement suffisants pour une séparation”. Voilà qui est lâché. Assia Akesbi, psychologue, analyse ce fait de société : “Il est logique que de plus en plus de divorces – et de consultations de spécialistes faut-il ajouter – soient dus à l’insatisfaction sexuelle : le couple sexuel est une nouveauté dans la société. A une époque, l’attirance sexuelle ne comptait pas autant qu’aujourd’hui. Mais de nos jours, on est plus exigeants sur ce plan, donc aussi plus facilement déçus”. La preuve, le nombre de divorces pudiquement appelé “pour défaut” connaît une augmentation constante selon le ministère.

 

Moi d’abord

Autre raison qui revient très souvent dans la bouche des divorcés : la belle-famille. Là encore, il était impensable il y a une ou deux décennies de demander le divorce sous prétexte que l’on ne peut  supporter la famille de son conjoint. Selon Amal Chabach, aujourd’hui c’est devenu un mobile particulièrement récurent. La belle-mère envahissante, les repas de famille obligatoires que la plupart toléraient à une autre époque suscitent de plus en plus souvent la colère d’un des conjoints, qui n’hésite plus à quitter sa moitié si la situation lui devient trop pesante.

Une tendance à l’individualisme, surtout de la part de la femme, dont le statut a clairement changé dans le couple. Une réalité loin d’être acceptée par tous les hommes, qui sont parfois perdus devant le phénomène “d’empowerment féminin”, de plus en plus présent dans une certaine couche de la société marocaine. “Le partage du pouvoir au sein du couple est effectivement au cœur des problèmes de beaucoup de conjoints”, assure Assia Akesbi. “Les femmes exigent de pouvoir sortir, demandent une juste répartition des tâches et des frais, se mobilisent pour leur vie professionnelle… Autant de progressions que les hommes ont du mal à accepter et face auxquelles ils mobilisent leur toute-puissance de mâle dominant récemment mise en cause”, poursuit-elle. D’où, même chez les hommes dits “ouverts d’esprit”, une envie de reprendre le contrôle en s’arrogeant un droit de regard sur les fréquentations, les horaires de sortie ou les tenues vestimentaires de leurs compagnes.

L’infidélité masculine, qui était auparavant très souvent acceptée par les épouses, ne l’est plus autant qu’avant. Elles ferment bien moins facilement les yeux sur les incartades de leurs conjoints que leurs mères ou les grands-mères avant elles. Et avec l’arrivée des portables et des connexions Internet dans de nombreux foyers, qui permettent “d’espionner” plus facilement, elles sont de plus en plus nombreuses à indiquer la porte de sortie à leur mari après avoir découvert un message tendre ou une correspondance coquine. 

 

Opération divorce express

Vous pensiez que le divorce au Maroc était une procédure longue, pénible et coûteuse ? Eh bien détrompez-vous. Les prix varient entre 3000 et 10 000 dirhams en frais d’avocat, selon le cabinet auquel on s’adresse, sans compter quelques menues dépenses pour entamer la procédure. Dans le cas d’une demande de divorce à l’amiable d’un couple sans enfants, la séparation peut être prononcée en moins d’une dizaine de jours par le tribunal de la famille ! Pour un couple ayant des enfants, il faut compter entre un et trois mois. Qu’est-ce qui prend du temps alors ? Les séances de médiation obligatoires entre le couple, exigées par la loi. “Il s’agit plutôt d’une condition de forme héritée de règles religieuses. Très souvent, quand les deux conjoints sont sûrs de leur décision, ces séances ne dépassent pas quelques minutes”, explique Me Fatima Allouli. Pas étonnant, puisque beaucoup de couples se voient très mal raconter leur vie privée devant des inconnus, ou même devant les membres de leur famille. “Quand le juge nous a demandé de dire à des membres de nos familles respectives de venir pour les séances de réconciliation, nous avons répondu, d’un commun accord, que nos familles n’habitaient pas à Casablanca et que personne ne pouvait se déplacer. Nous n’avions jamais mêlé nos familles à nos histoires et il était hors de question que nous les mêlions à notre divorce. Le juge n’a pas insisté”, se remémore Aïcha, trentenaire fraîchement divorcée. Quant aux audiences avec le juge, elles peuvent également être réduites. Pour un couple avec enfants, il faut en compter trois en moyenne, et une pour un couple sans enfants.

 

Au bonheur des avocats

Et les avocats dans tout ça ? Ils sont très faciles à trouver. “La première fois que j’ai mis les pieds au tribunal de la famille de Casablanca, avec ma femme, pour faire dresser notre acte de divorce par les adouls, j’ai été abordé par une dizaine d’avocats qui nous promettaient tous un divorce rapide et pas cher. Nous avons finalement choisi une femme, jeune et dynamique comme nous”, raconte Yassine, cadre bancaire de 27 ans récemment divorcé. Un choix porteur, puisqu’il n’a fallu que deux semaines au couple pour être officiellement divorcé. “La procédure est très rapide dans le cas des couples qui savent ce qu’ils veulent, qui en ont déjà parlé entre eux, et qui ne veulent pas perdre de temps dans les tribunaux”, affirme Me Fatima Allouli. C’est par exemple le cas de Samira et Hatim, parents d’une petite fille de quatre ans. “C’est allé très vite pour nous, nous savions surtout ce que nous voulions et nous étions d’accord sur tout. Je ne voulais que la pension alimentaire pour ma fille, le montant était précisé sur le contrat de divorce, ainsi que les jours de garde”, confie la jeune femme.

D’autres couples divorcent très rapidement. Ceux qui ont établi un contrat de mariage avant de  convoler. Dans ce genre de situation, tout est déjà écrit noir sur blanc, et la procédure se fait dans un temps record. “Il s’agit très souvent de couples issus de familles riches, qui ont chacun plusieurs biens. Ils rédigent leur contrat dès le mariage, avant même d’avoir eu leurs enfants. Leur pire cauchemar est de s’exposer à de longues audiences au tribunal”, précise notre avocate.

 

Nouveau statut, nouvelle vie

Une fois leur divorce prononcé, ces femmes et ces hommes doivent apprendre à vivre avec un nouveau statut. Pour certains, la situation est plus facile que pour d’autres. Siham, tout fraîchement divorcée, sait d’avance qu’elle n’aura aucun problème avec sa famille puisque toutes ses tantes sont divorcées : “Mes parents, ainsi que toute ma famille, m’ont soutenue pendant toute la procédure. Pour eux, c’est déjà de l’histoire ancienne”. Mais tous les parents ne sont pas si compréhensifs, et beaucoup vivent très mal la séparation de leur fils ou de leur fille. Reda, par exemple, ne cache pas que sa mère “a été anéantie” par l’annonce de son divorce. Pas facile non plus de gérer son cercle social, et particulièrement le fameux “groupe d’amis communs”, dont chaque membre se demande s’il doit choisir un camp ou l’autre des ex-conjoints. Très souvent, les personnes divorcées reprennent contact avec leurs amis encore célibataires, parce qu’ils ne se voient plus sortir avec les couples qu’ils fréquentaient lorsqu’ils étaient mariés. C’est le cas de Reda, qui a repris sa vie de célibataire exactement là où il l’avait laissée. “C’était plus facile pour moi de reprendre ma vie d’avant, avec mes potes habituels encore célibataires, plutôt que de m’intégrer dans de nouveaux cercles ou continuer à traîner avec les couples d’amis que j’avais avec mon ex-femme”, explique le jeune homme.

 

Etiquette “divorcé(e)”

Une chose est certaine, il est plus difficile pour les femmes que pour les hommes de s’habituer à l’étiquette “divorcé(e)”. Aïcha n’est pas dupe et affirme : “Dans une société patriarcale, forcément, une femme divorcée effraie et dérange car elle est vue comme échappant à la tutelle des hommes”. Résultat, certaines femmes cachent leur divorce, du moins dans la sphère professionnelle, à l’instar de Soumaya, 38 ans, au top d’une carrière réussie dans la communication. Elle continue à taire son divorce, prononcé il y a trois ans maintenant, sur son lieu de travail. Selon elle, ce silence lui évite d’être exposer aux médisances. Beaucoup de femmes divorcées se plaignent aussi de se voir accoler l’adjectif “meskina”. Une “meskina” qui, pour elles, est un qualificatif dépassé : elles assument leur rupture, leur nouvelle vie, et tutti quanti. Mais les stéréotypes ont la vie dure. Une femme divorcée serait, pour une bonne partie de la société, une femme qui a échoué à rendre son mari heureux, une femme qu’on a “lâchée” et qui aura bien du mal à refaire sa vie. Une image d’Epinal qui ne colle pas vraiment à la réalité. Avec l’accès sans cesse plus accru des femmes à l’emploi, elles sont rares à devoir retourner au sein du foyer parental après un divorce pour tout recommencer à zéro.

 

Regards croisés

Avoir une vie sentimentale après son divorce, est-ce une chose facile ? Là encore, la réponse n’est pas simple. Les femmes divorcées doivent batailler contre toute une série de clichés qui leur collent à la peau. “Dans l’inconscient populaire, elles sont vues comme étant ‘de mœurs légères’. Pour les autres femmes, elles représentent une concurrence, un danger potentiel, car considérées comme ‘croqueuses d’hommes’”, explique le sexologue Aboubakr Harakat. Samia, 33 ans et récemment divorcée, abonde dans ce sens et concède avec le sourire : “Les femmes qui ne me connaissaient pas avant ont tendance à me prendre pour une prédatrice qui voudrait sortir avec tous les hommes qu’elle croise”. Les femmes mariées craignent donc ces femmes jugées trop libérées et n’ayant aucune limite.

Les hommes ont également une vision très biaisée des femmes divorcées. “Beaucoup d’entre eux les convoitent parce qu’ils pensent qu’elles sont moins exigeantes et plus faciles à séduire”, analyse Amal Chabach. Les hommes divorcés ont aussi leurs propres soucis. Les femmes ont tendance à les fuir, surtout quand leur divorce est récent. “J’ai remarqué que l’annonce de mon statut de divorcé refroidit systématiquement les filles qui cherchent des relations sérieuses. Elles se disent qu’un homme divorcé à 36 ans ne veut pas du tout s’engager, mais juste s’amuser. Et dans mon cas, ce n’est pas faux”, confie Reda.

 

Génération désenchantée ?

Peut-on continuer à croire au mariage après un divorce ? A cette question, les réponses varient selon le vécu de chacun. Siham, par exemple, bien que récemment divorcée, est prête à retenter l’expérience. “J’y crois et j’y croirais toujours. Je ne m’imagine pas une seule seconde finir ma vie toute seule et sans enfants”, explique-t-elle. Même son de cloche chez Yassine, qui reste quand même moins pressé de se lancer dans un nouveau mariage : “Je suis prêt à me remarier, mais vraiment pas tout de suite. Je veux trouver la bonne personne, celle qui sera la mère de mes enfants. Je préfère prendre mon temps, et me marier dans 10 ans s’il le faut, pour ne pas tout rater cette fois-ci”. D’autres divorcés sont beaucoup moins enthousiastes, à l’instar de Aïcha par exemple. “Me remarier ? Si ça ne dépendait que de moi, je n’en vois pas l’intérêt ! à 40 ans, je suis prête plutôt à vivre sous le même toit avec un homme, à faire à nouveau un bout de chemin avec quelqu’un mais pas à passer devant un adoul qui, pour moi, ne représente que lui-même”, affirme-t-elle. Quant à l’amour, pas de panique, nos divorcés y croient toujours. “Je suis une grande romantique et j’ai le meilleur exemple qui soit : mes parents, toujours amoureux même après 46 ans de mariage”, affirme Siham. Yassine abonde dans le même sens : “A mes yeux, la seule raison légitime pour se marier, c’est d’être amoureux. Donc, quand ça m’arrivera à nouveau, je ne me poserai pas de question. C’est rare de trouver l’amour, alors mieux vaut ne pas le laisser passer”. Qui a dit que le divorce était une expérience particulièrement traumatisante ?

 

 

Procédure. Divorce, mode d’emploi

Les manières de divorcer sont aussi nombreuses que les raisons. La façon la plus simple de divorcer reste celle dite “par consentement mutuel”. Les conjoints s’accordent sur une séparation à l’amiable, et apportent au tribunal un document où ils précisent tous les points sur lesquels ils se sont entendus. Peu coûteux, rapide, il suppose donc que les époux soient d’accord sur toute la ligne, des indemnités à la garde des enfants. Lorsque l’un des deux conjoints veut divorcer unilatéralement, il doit se rendre au tribunal le plus proche de son domicile et faire dresser un acte de divorce par des adouls. Par la suite, le tribunal constate l’acte de divorce et fixe les droits de l’épouse et le sort des enfants s’il y en a. Pour les cas plus compliqués, on se tourne vers un divorce dit “judiciaire”.

En cas de mésentente grave, par exemple, le tribunal statue sur la responsabilité de chacun des deux époux dans la rupture, suite à une enquête si besoin est, avant de prononcer le divorce. Même chose si le divorce est demandé suite à la découverte d’un “vice rédhibitoire” (anomalies physiques empêchant les rapports sexuels par exemple) : une expertise est automatiquement pratiquée pour s’assurer de l’existence du vice rédhibitoire. Il en va de même pour tous les divorces réclamés à cause d’un manquement à l’une des obligations du mariage : l’absence prolongée, le préjudice subi ou encore le défaut d’entretien.

 

 

Mariage. Une institution désacralisée ?

C’est un fait, les Marocains se marient de plus en plus tard, et la proportion des mariages se terminant par un divorce est actuellement de 10,5 %, d’après les derniers chiffres du Haut commissariat au plan (HCP). Cela veut-il dire que le mariage est en train de perdre son aspect sacré et immuable aux yeux des Marocains ? “Il ne faut pas se leurrer, pour le moment, cette institution est toujours la norme. Peu de Marocains conçoivent une vie sans mariage, vu que c’est quasiment une condition d’intégration sociale”, analyse Abdessamad Dialmy. Si les Marocains se marient de plus en plus tard, c’est pour des raisons financières, et non pas parce que le mariage a moins d’importance à leurs yeux. “Le fait qu’il soit possible d’avoir des relations sexuelles en dehors du mariage est aussi un facteur à prendre en considération. Actuellement, il n’y a plus vraiment d’urgence à se marier”, poursuit-il. Mais, pour le sociologue, les choses sont néanmoins en train de changer petit à petit. “Nous allons assister à une remise en cause de la norme du mariage. C’est une évolution logique. Nous voyons déjà des personnes qui commencent à assumer leur statut de célibataires et qui le vivent comme un véritable choix de vie. Est-ce une réelle volonté de se détacher d’une société patriarcale et conservatrice ?”, s’interroge le sociologue.

 

 

 

Vie de famille. Au revoir les enfants ?

“Il vaut mieux divorcer que de se déchirer sous les yeux de son enfant”, assure Julien Franz Durant, qui officie comme pédopsychiatre à Casablanca. Néanmoins, un divorce reste une épreuve délicate pour un enfant. A sa conscience enfantine se pose une problématique d’adultes. Il s’agit de l’amener à comprendre que si l’amour passionnel entre les parents est rompu, en revanche, l’amour tendre entre ses parents et lui subsiste. Il revient aux parents de bien gérer cette situation. La règle d’or pour ce professionnel, c’est “que les deux parents restent en contact”, en particulier pour tout ce qui touche à l’éducation et à la scolarité de l’enfant afin de le rassurer. Et, surtout, ne jamais l’impliquer dans ce qui ne regarde que les deux adultes : ne pas l’obliger à mentir à un de ses deux parents, ne pas lui faire de chantage, ne pas régler ses comptes via lui ou dégrader l’image d’un de ses parents. Pour Durant, consulter un psychologue spécialisé dès le divorce permet de prévenir les soucis. Parfois, deux ou trois séances suffisent, selon lui, à recadrer nombre de problèmes. Sinon, il s’agit de rester vigilant et à l’écoute de petits symptômes, du pipi au lit jusqu’à la difficulté à se concentrer à l’école et, en aucun cas, attendre l’irruption de troubles parfois bien plus embêtants. Preuve que les enfants sont capables d’assimiler un divorce et tout ce qu’il entraîne, une anecdote racontée par Aïcha, mère d’une petite fille de six ans et demi. La voici : “Ma fille, une fois, a joué avec le regard sociétal que l’on porte sur le divorce. Elle a dit à sa maîtresse avec un petit air de ‘meskina’ que si elle n’avait pas son livre, c’était parce qu’elle avait passé le week-end chez son papa qui ne vit pas avec sa maman. C’était faux, on avait simplement toutes les deux oublié de mettre le livre dans le cartable…”.

 

 

Internet. Divorcés ou bikhiiiir

Sur la Toile, les divorcés qui s’assument n’hésitent pas à le clamer haut et fort. Ils sont de plus en plus nombreux à indiquer dans leurs statuts Facebook par exemple qu’ils sont divorcés, ou à faire partie de groupes ou de fanpages qui en parlent. Du côté des internautes marocains, la fanpage la plus populaire est sans aucun doute celle des “Joyeux divorcés”. Un nom qui peut paraître osé, mais qui a tout son sens pour Younes Chami, son fondateur : “L’idée était d’utiliser un adjectif fort pour aller à l’encontre des préjugés qui existent sur les divorcés, surtout chez nous. Le divorce n’est pas un échec, et nous voulions que les gens comprennent que l’on peut être heureux après en avoir vécu un, voire plusieurs”. Mais attention, pour pouvoir faire partie des “Joyeux divorcés”, il faut tout d’abord envoyer un e-mail aux administrateurs, qui vérifient votre “crédibilité”. Pas question qu’un plaisantin ou qu’un curieux entre dans une fanpage où les membres racontent leurs divorces ou demandent des conseils. Autre objectif de la page ? Permettre aux divorcés d’organiser des sorties en groupe, où ils peuvent échanger et partager leurs expériences respectives.

 

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