Portrait. On l’appelle “Barbe rousse”

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Oumar Ould Hamaha, 49 ans, dit “Barbe rousse”, qui rêve de jihad “partout dans le monde”, est le plus virulent des chefs islamistes armés qui contrôlent le Nord du Mali. Rencontre.

 

Le premier avril, jour de la prise de Tombouctou par les islamistes d’Ansar Dine, perché sur un pick-up, la barbe teinte au henné, et kalachnikov à la main, un homme sillonne la ville haranguant la foule. “Il n’y a ni Touaregs ni Arabes, ni Noirs, ni Blancs, il n’y a que la Charia. Nous venons pour l’islam, rien d’autre”, martèle en français cet homme au visage inconnu alors, sauf peut-être des services de renseignements de la région. Depuis, Oumar Ould Hamaha est devenu la figure la plus connue des chefs jihadistes du Nord-Mali. Sa défense sans concession de l’application stricte de la Charia, et ses menaces virulentes contre l’Occident auquel il promet “un 11 septembre multiplié par dix”, font que ses vidéos sont parmi les plus prisées sur le Net. “Barbe rousse” a installé ses quartiers généraux à Gao. “Que ça soit Ansar Dine, Mujao ou Aqmi, c’est la même chose. L’essentiel c’est le jihad et le triomphe de l’islam”, résume ce quinquagénaire qui “rêve de mourir en martyr de l’islam”.

Aujourd’hui, Oumar est officiellement le “responsable de la sécurité de tous les groupes jihadistes au Mali”, selon ses propres mots. Mais qui est-il ? Oumar est né le 5 juillet 1963 à Kidal, en territoire touareg. Mais sa famille, des Arabes de la tribu des Brabiches, est originaire de Tombouctou. Après des études à Tombouctou, au collège, puis au lycée franco-arabe, il obtient son baccalauréat en sciences en 1984. Ses condisciples de l’époque se souviennent d’un “garçon très sérieux dans les études, et très pieux”. Ce polyglotte, aussi à l’aise en français qu’en arabe ou en songaï, la langue des Noirs du Nord-Mali, part étudier la comptabilité dans une université algérienne. A son retour au début des années 1990, la région est à feu et à sang. Pour la énième fois, les Touaregs et les Arabes se révoltent pour obtenir plus de droits de la part du gouvernement malien. La répression est féroce. Oumar y échappe, et trouve refuge auprès du mouvement Tabligh, un courant d’origine pakistanaise qui s’emploie à répandre l’islam par le prêche. A ce titre, Oumar fait le tour du monde. “J’ai prêché dans près de quarante pays dans le monde, en Europe, en Afrique et en Asie, dont la France”, précise-t-il. Oumar se convertit au jihadisme au milieu des années 2000. “Mon objectif est de voir le drapeau de l’islam flotter sur la terre entière. Ce qui n’était pas réalisable avec le prêche seul. C’est pour cela que j’ai opté pour le jihad, c’est le moyen le plus efficace pour répandre la parole d’Allah”, explique-t-il citant l’exemple du Prophète. “Au début de la Révélation, le Prophète s’était contenté de prêcher et il n’avait obtenu que peu de ralliements. C’est lorsqu’il a engagé la guerre sainte qu’ils sont entrés par milliers dans l’islam. C’est ce que nous voulons faire aujourd’hui. Nous allons porter l’islam par le sabre partout dans le monde”, jure-t-il.

Devenu jihadiste, Oumar intègre les rangs de l’ancien GSPC algérien, aujourd’hui Aqmi. Fin 2009, il apparaît d’ailleurs en train de s’entraîner avec d’autres jihadistes dont le célèbre Mokhar Belmokhtar, avec lequel Oumar est lié par une parenté matrimoniale, l’Algérien ayant épousé la nièce du Malien. Plus ancien noyau des jihadistes dans le Nord-Mali, la brigade de Belmokhtar serait aussi la plus riche de tous les groupes islamistes de la région. Longtemps décrit par les médias algériens comme très lié aux réseaux de trafiquants de cigarettes et de drogue, Belmokhtar est notamment connu pour avoir reçu plusieurs millions d’euros en échange de la libération d’otages européens. “Dire que nous sommes liés aux trafics, c’est de la propagande pure et simple. Certes, il y a parmi nos hommes d’anciens trafiquants, y compris de drogue, mais tous se sont repentis. Et en islam, seul Dieu peut fermer les portes du repentir”, explique Oumar. Il jure en revanche que “des dizaines de pays européens versent aujourd’hui plusieurs millions d’euros pour que les jihadistes laissent leurs ressortissants tranquilles”, insiste-t-il. S’il dit vrai, ils se sont trompés. Début décembre, un nouveau ressortissant français a été enlevé dans l’ouest du Mali, puis ramené par ses ravisseurs à Gao, le nouveau quartier général de Oumar.

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Reportage exclusif. Au cœur du Jihad malien http://bit.ly/S7PIvT

Profil. Mokhtar Belmokhtar, dit “l’insaisissable” : islamiste, contrebandier … il affirme vouloir participer à la consolidation du règne de la Charia au Nord-Mali, mais qui est-il vraiment ?  http://bit.ly/V9zDbG

 

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