Evènement. Le Cheikh est mort !

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Abdessalam Yassine, fondateur et guide spirituel d’Al Adl Wal Ihssane, est décédé à Rabat jeudi 13 décembre 2012, à l’âge de 87 ans. Quel avenir pour l’organisation islamiste ? Qui succèdera à Yassine ? Le point.

 

Abdessalam Yassine n’est plus. Le guide spirituel d’Al Adl Wal Ihssane a rendu l’âme tôt dans la matinée du jeudi 13 décembre 2012. On le croyait immortel ! Quelques semaines à peine avant son décès, des rumeurs (devenues routinières) faisaient état d’une dégradation brutale de son état de santé. Et comme d’habitude, les cadres de la Jamaâ s’empressaient de tout nier en bloc souhaitant longue vie à leur guide, cloîtré dans sa villa du quartier Souissi à Rabat.

Depuis près de deux ans en effet, le Cheikh ne fait quasiment plus aucune sortie publique, se contentant de quelques messages écrits ou audiovisuels.

 

Un départ sur la pointe des pieds

“Depuis cinq jours, raconte un proche du Cheikh, la santé de Sidi Abdessalam s’est sérieusement dégradée. Il a eu une grippe assez sévère. Il a préféré rester chez lui, assisté par son gendre médecin qui l’a accompagné jusqu’au dernier souffle vers le coup de 7 heures 30 du matin du jeudi”. En milieu de matinée, il y avait déjà foule devant la villa du Cheikh, située à quelques encablures de la mosquée Al Outaïba à Rabat. Des dizaines de voitures bloquaient les accès aux petites ruelles tout autour. Des membres de la famille Yassine distribuaient des exemplaires du Coran aux personnes venus présenter leurs condoléances, le tout dans une atmosphère lourde et silencieuse. “C’est un jour de grande tristesse. Nous voulons que tout se passe dans le calme et la sérénité”, assure Hassan Benajeh, directeur du bureau du porte-parole d’Al Adl Wal Ihssane.

Au même moment, le Conseil d’orientation d’Al Adl publie un communiqué où il annonce officiellement le décès du fondateur de la Jamaâ, qui sera inhumé au cimetière Achouhada à Rabat après la prière du vendredi à la mosquée Assounna au centre-ville de la capitale. Quelques dizaines de milliers de militants et de sympathisants y étaient notamment attendues. à l’écriture de ces lignes, aucune réaction officielle n’a encore été enregistrée. L’agence officielle MAP s’est par exemple contentée d’une dépêche de trois lignes annonçant froidement le décès de Yassine, décrit comme le dirigeant d’une “association non autorisée”. Les dirigeants du PJD en revanche, se sont déplacé à la demeure du Cheikh Yassine en début d’après-midi du jeudi 13 décembre. Il faut dire que le régime est aujourd’hui confronté à un grand dilemme. Comment gérer ces obsèques ? Le roi enverra-t-il un message de condoléances à la famille du défunt ? Qui parmi les membres du gouvernement ou parmi l’entourage royal participera aux obsèques, et en quelle qualité ?

 

Le testament d’un homme

L’autre question lancinante concerne le devenir de la Jamaâ, aujourd’hui privée de son fondateur et de son guide suprême. “Il est faux de croire que le décès de Yassine signe la fin de la Jamaâ. Toute la force d’Al Adl réside dans son organisation. La Jamaâ compte aujourd’hui une centaine de cadres, qui ont grandi dans l’ombre de Yassine et qui ont une vision assez claire de l’avenir”, analyse le professeur Mohamed Darif, auteur de plusieurs ouvrages de référence sur la Jamaâ. Toujours selon Darif, Yassine a toujours refusé de désigner un successeur. “Tout se décidera au sein du Conseil d’orientation qui compte une quinzaine de membres. Mohamed Abbadi, l’homme de la Jamaâ dans l’Oriental et décrit comme le numéro 2 de l’organisation, fait figure de favori. C’est une personnalité fédératrice et ce n’est pas un hasard qu’il soit toujours resté, tout comme Yassine, en dehors du Cercle politique”, rajoute Darif.

Les positions de l’association ne risquent donc pas de changer. “Nous ne sommes pas contre le régime, mais contre ses politiques”, nous confie un dirigeant qui n’est pas gêné pour évoquer la perspective pour l’organisation de se doter d’une aile politique constituée en parti en bonne et due forme. Serait-ce la feuille de route du successeur du Cheikh Yassine ?

 

BIO express

 

1928.   Naissance à Marrakech.

1963.   Devient professeur de français dans l’enseignement public.

1965.   Rejoint la tarîqa boutchichia.

1973.   Adresse une lettre ouverte baptisée

            “L’islam ou le déluge” à Hassan II. Cela lui vaut un internement de 42 mois dans un asile psychiatrique.

1981.   Crée l’association Ousrat Al Jamaâ.

1983.   Condamné à deux ans de prison pour “atteinte à la sûreté de l’Etat”.

1987.   Transforme Ousrat Al Jamaâ en Al Adl Wal Ihssane”.

1989.   Assigné à résidence à Salé.

2000.   Janvier : il adresse une lettre ouverte à Mohammed VI. Intitulée

            “A qui de droit”, il y demande au jeune roi de céder une partie de la fortune héritée de son père. Mai : Levée de l’assignation à résidence.

2011.   Al Adl participe aux manifestations du Mouvement du 20 février.

2012.   Décès du Cheikh Yassine.

 

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