Ancien membre du bloc de l’Est, la Pologne est aujourd’hui une démocratie alors que l’Ukraine fait dans la dérive autoritaire. Zoom sur les deux pays organisateurs de la compétition européenne footballistique la plus suivie.
Quand, le 18 avril 2007, la Pologne et l’Ukraine sont désignées organisatrices du Championnat d’Europe 2012, la nouvelle y est accueillie avec euphorie. Depuis les Jeux Olympiques d’hiver de Sarajevo, en 1984, aucune grande compétition internationale ne s’était déroulée dans l’ancien bloc communiste d’Europe de l’Est. Politiquement, le symbole est de taille : il consacre l’ancrage occidental de la Pologne (membre de l’Otan depuis 1999, et de l’Union Européenne depuis 2004) et encourage l’Ukraine à poursuivre ses efforts vers l’Etat de droit. Cinq ans plus tard, alors que la compétition vient de commencer – malgré moult retards dans la construction des stades et des infrastructures – le pari semble gagné pour la Pologne. En revanche, il est largement perdu pour l’Ukraine. La gabegie et la corruption à grande échelle n’ont jamais cessé et, depuis l’élection de Victor Ianoukovitch à la présidence de la république en 2010, les libertés publiques ont connu de graves reculs. Aujourd’hui, en termes de droits humains et de développement économique, l’Ukraine est battue à plate couture par son voisin polonais.
“Cas de torture”
Qu’on en juge. Au classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, la Pologne est 24ème, quand l’Ukraine arrive à une lointaine 116ème position. En ce qui concerne le niveau de corruption estimé par Transparency international, la Pologne est le 41ème pays le plus vertueux, alors que l’Ukraine décroche une abyssale 152ème place. Sur le plan économique, le PIB (Produit intérieur brut) par habitant atteignait en 2010 les 12 294 dollars en Pologne, quand il culminait à 3007 $ en Ukraine (le Maroc était à 2796 $). Quant à l’Indice de développement humain (calculé par les Nations Unies, qui mixe la richesse avec d’autres indicateurs comme l’espérance de vie ou le taux de scolarisation), il offre encore une victoire à la Pologne, classée 39ème quand son voisin ukrainien n’est que 76ème.
Le rapport 2011 d’Amnesty International est également édifiant. En Pologne, l’organisation de défense des droits de l’homme critique principalement la timidité d’une nouvelle loi anti-discriminations, la restriction du droit à l’avortement et le “recours excessif à la force par les agents de la force publique”. En Ukraine, Amnesty parle carrément de “cas de torture et d’autres mauvais traitements”, de “morts en détention” faute de soins, ou encore d’entraves à la liberté de réunion. Par ailleurs, les geôles ukrainiennes accueillent des prisonniers politiques, dont plusieurs dirigeants de l’opposition.
Abus de pouvoir
Le cas le plus emblématique est celui de l’ancienne Première ministre, Ioulia Timochenko, condamnée l’an passé à sept ans de prison pour “abus de pouvoir”. Il lui est reproché d’avoir conclu, lorsqu’elle était au pouvoir, des accords sur le gaz avec la Russie, considérés comme défavorables à son pays. Visée par une série d’autres enquêtes judiciaires, l’opposante accuse le président Ianoukovitch de chercher à se débarrasser de son principal adversaire politique. Elle se dit par ailleurs victime de mauvais traitements.
Sa situation a forcé les dirigeants européens à envisager de boycotter l’Euro, afin de faire pression sur le gouvernement ukrainien. Au risque, peut-être, de les fâcher et de voir l’Ukraine abandonner l’idée d’adhérer à l’Union Européenne pour se jeter dans les bras de la Russie, qui réfléchit à un projet d’Union eurasienne, laquelle réunirait une bonne part des anciennes républiques de l’URSS. Quoi qu’il en soit, la France a décidé de n’envoyer “aucun membre du gouvernement” assister aux matchs en Ukraine, tout comme la Grande-Bretagne (du moins pour les matchs de poule). La chancelière allemande, Angela Merkel, qui a qualifié l’Ukraine de “dictature”, n’a pas non plus prévu de s’y rendre. En 2014, les Jeux Olympiques d’hiver se tiendront en Russie, où la situation des droits de l’homme est encore plus critique. Face à la puissance économique russe, sera-t-il alors question de boycott ?
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