Sécurité intérieure, drogue, terrorisme, scandales financiers… à mi-chemin entre la police “normale” et les services secrets, la Brigade nationale de la police judiciaire enquête sur toutes les grandes affaires qui secouent le royaume.
Boulevard Roudani, quartier du Maârif, à Casablanca. Derrière les murs blanchis à la chaux qui longent cette artère, se cache, tapi dans l’ombre, un commissariat collé au service des accidents de la circulation d’Anfa. Situé dans une des zones les plus fréquentées de la métropole, cet endroit improbable, assez anodin, est le siège d’une police peu connue du grand public : la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). Détail : il n’y a aucun panneau signalant l’entrée du lieu ni même son existence.
BNPJ ? Connais pas…
Les temps sont peut-être en train de changer. Enfin, quelque peu. En mieux. Désormais, l’accès au lieu est clairement indiqué et il arrive même au patron des lieux, Abdelhak Khayyam, de prendre part à des conférences de presse, à visage découvert. Mais il est peu prolixe et se contente de “débiter” les généralités d’usage.
L’unité, dans son ensemble, reste plus que discrète. Illustration : lorsqu’on appelle le service de renseignements de Maroc Telecom, l’opératrice répond qu’il existe bien un numéro pour la Direction générale de la sécurité nationale (DGSN), un autre pour la Police judiciaire (PJ). Mais absolument rien pour la BNPJ. Comme si cette police n’existait pas !
Alors, à quoi sert la BNPJ ? Sur quel genre d’affaires travaille cette brigade mystérieuse ? De qui dépend-elle ? Quelles sont ses connexions avec les autres corps sécuritaires ? Comment sont recrutés ses hommes et qui sont-ils ?
Le fait est que, aujourd’hui, dans les médias, il n’y en a que pour cette super-police. Elle est en charge de plusieurs grandes affaires. Par exemple, c’est elle qui s’est occupée d’interroger Abdelhanine Benallou, ancien patron de l’ONDA (Office national des aéroports). Ou encore Khalid Alioua, ex-PDG du CIH (Crédit immobilier et hôtelier). Les deux hommes et leur gestion ont fait l’objet de rapports accablants de la part des magistrats de la Cour des comptes.
De même, c’est la BNPJ qui a enquêté, il y a quelques semaines, à Taourirt, dans l’Oriental, Boumediene Khaouar, un étrange personnage qui se présentait comme le Mahdi Mountadar (le messie), ainsi que ses disciples dans plusieurs autres villes du royaume.
Dans un autre genre, la Brigade a aussi mis fin aux activités d’un présumé trafiquant de drogue qui fournissait toute la région de Rabat. En plus de Ould Haïbouliya, surnom du supposé dealer, cette brigade a auditionné 20 policiers, de divers grades, en poste à Témara et Skhirat.
On le voit bien, les missions de la BNPJ sont très diverses. Elles vont des crimes financiers aux enlèvements, en passant par les trafics de stupéfiants en tout genre. Mais cette structure se charge aussi de certains crimes sordides qu’une police “conventionnelle” n’a pas toujours les moyens de résoudre. Surtout, ses activités de prédilection demeurent les affaires de terrorisme, en particulier depuis les attentats du 16 mai 2003. Des milliers de présumés terroristes sont en effet passés par les locaux de la BNPJ à Casablanca. Et la majorité en gardent un bien mauvais souvenir…
Les hommes de l’ombre
Dans les faits, la BNPJ a été créée en même temps que la DGSN (Direction générale de la sûreté nationale) par le dahir du 16 mai 1956. Pourtant, ce texte de loi de quelques lignes ne mentionne nullement la BNPJ. Dans la pratique, celle-ci dépend organiquement de la DGSN, qui lui assigne une partie de ses missions, et peut également recevoir ses ordres du Parquet. Mais bien que mandatée dans la plupart des cas par le ministère de la Justice ou par la DGSN, la brigade casablancaise a aussi la possibilité de prendre les devants en réclamant à sa hiérarchie l’autorisation d’enquêter sur un dossier.
Autre cas de figure : quand les services préfectoraux de la police judiciaire (SPPJ) estiment qu’une affaire dépasse leur champ de compétence, ils demandent alors à en être dessaisis, et c’est la BNPJ qui prend le relais. “Cette brigade est une sorte de police judiciaire évoluée”, résume un cadre de la DGSN. Mais pas seulement. La BNPJ est souvent en charge des dossiers considérés comme des affaires d’Etat. Cela va du terrorisme aux scandales économico-financiers (blanchiment d’argent, détournements de deniers publics, délits d’initiés, etc.), en passant par les questions qui touchent à la sécurité intérieure du pays (drogue, grand banditisme et éventuellement émigration clandestine). Parfois, cette structure se penche sur des enquêtes liées à des contenus publiés sur Internet, jugés attentatoires aux sacralités ou contraires aux lois. Début novembre 2011, par exemple, les responsables de trois sites électroniques ont ainsi été convoqués pour s’exprimer sur leurs “motivations” suite à la diffusion de sondages donnant vainqueur le PJD de Abdelilah Benkirane. “Les enquêteurs de la BNPJ sont restés courtois, mais on sentait clairement chez eux une volonté de nous intimider. Sans doute pour marquer les esprits et faire en sorte que nous servions d’exemple à ne pas suivre pour les autres sites”, se souvient le directeur de la rédaction d’un site d’information. L’affaire est restée sans suite.
La police des polices
Ces dernières années, la BNPJ a traité des dossiers “chauds” à la pelle. L’affaire Mounir Erramach, par exemple, survenue (en 2003) lorsque l’Etat avait décidé de démanteler un énorme réseau de trafic de drogue dans le nord du pays, a fait tomber plus de 50 responsables, parmi lesquels des magistrats, des gradés de la gendarmerie, de la police, des douanes, et une flopée d’hommes d’affaires.
Dans l’affaire Abderrahim Ariri directeur du journal Al Watan, en juillet 2007, les policiers de la brigade ont fait une descente dans les locaux de l’hebdomadaire arabophone, suite à la publication de documents sur l’armée, classés secret défense. Et récemment, la BNPJ a planché sur le scandale qui a secoué l’ONDA, suite au rapport de la Cour des comptes sur la (mauvaise) gestion de l’Office. En fait, dès qu’il s’agit de dossiers financiers, la BNPJ est souvent appelée en renfort, comme cela a été le cas avec le Crédit agricole, la CNSS ou encore le CIH…
Mais la sortie de l’anonymat de la BNPJ a définitivement été consacrée avec les évènements terroristes. Ce sont ses enquêteurs qui se sont chargés, en 2001, d’interroger les membres de la fameuse “cellule dormante d’Al Qaïda”, dirigée par le Saoudien Mohamed Zouheir Thabiti. Ce sont ses hommes aussi qui ont cuisiné une trentaine de membres d’Al Hijra wa Takfir, responsables d’une série d’assassinats à travers le pays.
Tous ces exemples semblent correspondre aux prérogatives réelles de la BNPJ. Bien plus, en tout cas, que certaines affaires comme celle dite des “satanistes”, ou 3abadate chaïtane (adorateurs de Satan), où l’intervention de cette structure semble inadéquate. C’est effectivement la BNPJ qui a été missionnée, en 2003, lorsque 14 jeunes musiciens et fans de hard rock ont été injustement poursuivis par la justice pour satanisme. Triste souvenir…
Une autre anecdote, cocasse cette fois, sur le large spectre de compétence de la BNPJ : à l’occasion du tournage du film Kingdom of Heaven du Britannique Ridley Scott, en 2004, les agents de police d’Essaouira ont été mobilisés et la DGSN a déboursé pour ce travail un budget colossal (on parle de 500 000 dirhams !). Sauf que cette somme s’est volatilisée et la BNPJ a dû intervenir pour enquêter, endossant, en quelque sorte, l’uniforme de police des polices. Dans la foulée, le chef de la brigade de sécurité urbaine d’Essaouira a été relevé de ses fonctions.
Les pieds à Casa, les yeux et les oreilles de Rabat
Petit rappel historique pour signaler que la BNPJ a commencé par s’installer à Rabat, durant quelques mois seulement, avant de déménager rapidement à Casablanca, d’abord au tristement célèbre Derb Moulay Chrif, ensuite au Maârif. Question : pourquoi Casablanca et pas Rabat, à l’instar de tous les grands services sécuritaires ? Probablement parce que la ville blanche est la plus grande métropole du pays et constitue donc le centre névralgique et économique du royaume. “Cela pourrait aussi s’expliquer par le souci de donner plus de marge de manœuvre et d’indépendance à cette entité dans l’exercice de ses missions”, renchérit une source à la DGSN.
Bien que la BNPJ soit dotée d’une certaine autonomie du fait de son éloignement géographique par rapport à la capitale, elle reste tout de même les yeux et les oreilles de Rabat. Ainsi, au milieu des années 1990, la brigade choc est un élément-clef de la campagne d’assainissement orchestrée par Driss Basri, alors ministre de l’Intérieur. Des dizaines d’hommes d’affaires se succèdent dans les locaux de la brigade, et les enquêteurs compilent des milliers de documents, entre arrestations et perquisitions. Les limiers de la BNPJ multiplient alors les va-et-vient entre Casablanca et Rabat. Régulièrement, ils rendent compte de l’avancée de leurs enquêtes au ministre de l’Intérieur et au ministère de la Justice, plus précisément à la Direction des affaires pénales et des grâces, que dirigeait un certain Taïeb Cherkaoui.
Ironie de l’histoire, c’est cette même BNPJ qui, au début des années 2000, a mené une enquête poussée sur le clan Basri. Au moment où la cote de popularité de l’ancien haut commis de l’Etat, en exil en France, a fondu comme neige au soleil, c’est cette brigade, qu’il chapeautait en partie, qui a effectué un coup de filet dans son entourage. Les auditions et les interpellations se comptent par dizaines et, parmi les prévenus, on retrouve le fameux tandem Abdelmoughit Slimani-Abdelaziz Laâfoura, deux proches de Basri. Les personnes arrêtées passent alors des mains de la BNPJ à celles de la Cour spéciale de justice, comme le veut l’usage.
Des bras qui s’étendent…de Tanger à Lagouira
Comme son nom l’indique, la BNPJ a une compétence territoriale nationale. Elle intervient dans toutes les localités du Maroc, de Tanger à Lagouira pour reprendre l’expression officielle, afin d’enquêter sur les affaires dites à caractère spécial. Quel que soit l’endroit de la mission confiée à la BNPJ, ses officiers travaillent en étroite collaboration avec les parquets locaux. Au besoin, les brigadiers se font délivrer les autorisations nécessaires pour procéder à de nouvelles arrestations et autres perquisitions de dernière minute. Une fois les “clients” embarqués, ils sont acheminés vers les locaux du Maârif pour des interrogatoires qui peuvent durer de quelques heures à plusieurs jours.
Il arrive aussi que la BNPJ se dessaisisse d’une affaire pour la confier à une police judiciaire “normale”. Cela survient dans le cas où le dossier est jugé de moindre importance. Précision de taille, la BNPJ ne peut pas être saisie par les citoyens…
Cela dit, pour enquêter sur une histoire de terrorisme dont les protagonistes sont disséminés sur le territoire national, la BNPJ travaille sous les ordres de Hassan Laoufi, procureur général près de la Cour d’appel de Rabat. Car c’est cette juridiction (nationale) qui est habilitée à traiter les affaires de terrorisme. La BNPJ peut aussi agir sur ordre de Abdellah Alaoui Belghiti, procureur général de Casablanca, rendu célèbre par les dossiers qui ont éclaté dans la cité blanche. C’était, par exemple, le cas, en 2008, de l’affaire Fouad Mourtada, cet ingénieur de 26 ans qui avait été appréhendé par les policiers de la BNPJ pour avoir créé un profil au nom du prince Moulay Rachid sur Facebook.
Communication zéro “Stop looking for your son” (Arrêtez de rechercher votre fils, ndlr), tel est le titre de l’un des derniers rapports de Human Rights Watch (HRW), datant d’octobre 2010, consacré à la détention arbitraire au Maroc. L’ONG y cite des exemples de citoyens arrêtés dans le cadre de la loi antiterroriste et recense une série d’abus : détentions secrètes, non respect des délais de détention provisoire (92 heures renouvelables deux fois, en principe), aveux arrachés sous la torture… La BNPJ figure, aux côtés de la DST (Direction de la surveillance du territoire), sur la liste des mauvais élèves en matière de respect des droits des prévenus. Concrètement, que reproche-t-on aux éléments de la BNPJ ? Beaucoup de choses, comme de débarquer chez des suspects tard dans la nuit ou très tôt le matin, contrairement aux dispositions de la loi, de ne présenter aucun document du Parquet les autorisant à mener des arrestations et/ou des perquisitions, de souvent omettre de se présenter…
Une fois dans les locaux de la BNPJ au Maârif, on arrête d’exister. Et ce n’est que quelques jours plus tard qu’un communiqué expéditif de l’Intérieur annonce le démantèlement de telle bande ou tel réseau. En fait, les arrestations ne sont annoncées que plusieurs jours, voire des semaines après leur date effective, pour permettre aux enquêteurs de prolonger les délais de garde à vue. “La BNPJ essaie d’optimiser au maximum la durée légale de la garde à vue pour boucler à temps ses procès-verbaux”, explique un avocat casablancais. On l’aura compris, qu’on soit ancien haut commis de l’Etat, tueur en série, takfiriste, issu des rangs des services de sécurité ou simple commun des mortels, on conserve rarement un bon souvenir d’un passage par le QG de la BNPJ.
Recrutement. Pour officiers seulement La BNPJ compte actuellement une centaine d’éléments, tous grades confondus. Contrairement aux autres corps de sécurité, cela va seulement du grade d’officier à celui de contrôleur général (le grade précédant celui de préfet de police). Question : pourquoi n’y retrouve-t-on pas les échelons inférieurs, qui existent dans les autres corps de police (inspecteur, brigadier etc.) ? “C’est tout simplement une exigence voulue en haut lieu. Pour intégrer la BNPJ, il faut avoir au minimum le grade d’officier”, assène, laconique, une source à la DGSN. Mais alors, comment devient-on membre de cette brigade ? Les “bleus” sont recrutés parmi les éléments les plus brillants de l’Institut de formation de la police de Kénitra. Quant aux anciens, “comme pour tous les corps de sécurité nécessitant des profils pointus, la BNPJ procède à une sélection très sévère au sein des officiers de la PJ en exercice. Et généralement, ces éléments y font carrière”, explique notre source. Régulièrement, les officiers de la BNPJ vont perfectionner leur savoir-faire par des stages aux Etats-Unis ou en Europe. Dans les faits, cette structure embauche en fonction de ses besoins, qui varient selon les menaces qui semblent peser sur la sécurité du pays. Le choix des hommes, nous explique-t-on, se fait d’un commun accord entre le patron de la BNPJ et celui de la DGSN. |
Enigme. La brigade fantôme Bien que rattachée aussi bien à la DGSN qu’au ministère de la Justice, on ne trouve aucune trace de la BNPJ dans les organigrammes des deux départements. Pas nommément en tout cas. A la DGSN, qui a été dotée d’une nouvelle organisation le 7 avril 2010, il existe bien une DPJ (Direction de la police judiciaire), dont la mission est de “superviser, contrôler et encadrer l’action des divers services de la police judiciaire décentralisés”. Cependant, même à ce niveau, il n’y a pas un mot sur la BNPJ. A moins que cette brigade ne fasse partie de ces mêmes “services décentralisés”. Mais on en doute, vu l’importance des missions qui lui sont confiées “Pourquoi autant de mystère autour de cette brigade ? Les médias officiels annoncent bien les changements opérés par le roi à la tête de la DST, voire de la DGED, mais personne ou presque ne sait rien du patron de la BNPJ”, affirme un avocat du barreau de Rabat, Maître Abderrahmane Benameur. Ce ténor du barreau de la capitale pousse l’analyse plus loin en expliquant que“les seules polices judiciaires que nous reconnaissons sont celles qui ont des adresses et qui sont localisables”. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les avocats de la défense contestent presque systématiquement les procès-verbaux de la BNPJ, arguant d’un vice de forme. Pour une source à la DGSN, “la BNPJ n’est pas une brigade fantôme. Ses rapports et procès-verbaux portent un en-tête et sont signés par un enquêteur et son adjoint qui ont tous deux la qualité d’officier de la police judiciaire”. Une affirmation qui est loin de faire l’unanimité… |
Récap’ Des affaires et des hommes • 2001-2002. Affaire de la cellule dormante d’Al Qaïda, enquête sur la Banque populaire. • 2003. Dossier du trafiquant de drogue Mounir Erramach ; affaire des 14 “satanistes” ; attentats du 16 mai à Casablanca. • 2005. Enquête sur les vols dans les résidences royales. • 2006. Démantèlement du groupe terroriste Hassan Khattab ; affaire du trafiquant de drogue Chérif Bin El Ouidane, qui a coûté son poste à Abdelaziz Izzou, ancien patron de la sécurité royale. • 2007. Enquête sur les “smayriya”, ces personnes qui guettent le roi pour monnayer agréments et dons. • 2008. Affaire Belliraj ; dossier Fouad Mourtada, pour la fausse page Facebook de Moulay Rachid. • 2009. Auditions de Chakib Khyari, président de l’Association Rif des droits de l’Homme. • 2010. Affaire des sept membres de Al Adl Wal Ihsane de Fès, accusés d’enlèvement, séquestration et torture. • 2011. Enquête sur le meurtre d’un garde du corps de Mohammed VI, Abdellah Saïdi ; affaire Rachid Niny ; découverte d’une cache d’armes à Amgala, dans le Sud. • 2012. Enquête sur l’ONDA et, de nouveau, sur le CIH, affaire Mahdi Mountadar (le messie) à Taourirt. |
Moyens. Ils ont carte blanche Etre officier de la BNPJ ne signifie pas forcément avoir droit à un meilleur traitement que le reste des personnels de la DGSN. En effet, les salaires des éléments de cette brigade sont alignés sur ceux du reste des policiers : ils sont compris en moyenne entre 7500 DH pour un simple officier à un peu plus de 20 000 DH pour un contrôleur général. Quant aux moyens mis à la disposition de cette section d’élite, ils ne différent pas tellement de ceux de n’importe quelle police. Mais quand ils sont en mission, les agents de la BNPJ peuvent réclamer (et obtenir) tout ce qu’ils jugent nécessaire à l’accomplissement de leur travail. “La BNPJ peut même demander un hélicoptère pour se déplacer au fin fond du pays”, affirme un cadre de la DGSN. Une fois sur place, cette brigade peut faire appel aux forces de police locales, hommes et moyens logistiques compris. “Même la Gendarmerie royale et ses moyens peuvent être mis à contribution quand il le faut”. Et pour finir, la BNPJ peut recourir aux autres services de la DGSN pour faire aboutir ses enquêtes : laboratoire scientifique, cellule informatique… |
BNPJ-DST. L’union fait la peur à cheval entre le sécuritaire et le judiciaire, la BNPJ coopère avec tous les services de sécurité et de renseignements. Son partenaire de choix, depuis les attentats du 16 mai 2003, est sans conteste la DST. Les deux départements travaillent assez souvent main dans la main lors des arrestations de présumés terroristes. “Un détenu soupçonné de terrorisme n’a généralement aucune idée des lieux où il se trouve et à qui il a affaire”, déclare un avocat du barreau de Rabat. Entre les locaux de la BNPJ à Casablanca et le centre de la DST à Témara, un détenu soupçonné de terrorisme a généralement beaucoup de mal à se repérer : les transferts entre l’une et l’autre se font les yeux bandés et les enquêteurs ne déclinent jamais leur identité. “Les renseignements que recueillent les enquêteurs de la BNPJ sont utiles à l’action de la DST, et vice-versa, surtout dans la lutte contre le terrorisme”, explique un cadre de la DGSN. Certains détenus passent même plusieurs semaines à faire le va-et-vient entre les deux services. Cependant, c’est la BNPJ qui mène officiellement l’enquête pour contourner, là aussi, un problème de forme : la DST n’ayant pas le droit d’interpeller des personnes et encore moins de dresser des procès verbaux, les PV soumis à la justice portent systématiquement la signature des hommes de Abdelhak Khayyam. Ainsi, tout est établi de manière à montrer que les choses sont faites dans le respect des lois : interpellations, interrogatoires et délais de détention provisoire. En réalité, ce procédé sert de maquillage à la DST et lui permet de disposer de plus d’éléments pour continuer sa traque des réseaux. |
Direction. Le règne des chefs Contrairement aux autres corps sécuritaires, la BNPJ n’a connu que peu de patrons. Ceux qui ont été à sa tête sont, à chaque fois, restés longtemps. C’est le cas notamment de Younès Jamali, qui y a passé plus de dix ans, jusqu’en 2004, date à laquelle il a été promu directeur de la police judiciaire au niveau central (DGSN). Puis il s’est vu confier la préfecture de police de Tanger, poste qu’il a finalement dû quitter pour raisons de santé. Quant à son remplaçant, Abdelhak Khayyam, c’est un pur produit maison. Il a gravi chacun des échelons de la BNPJ avant de devenir le bras droit de Younès Jamali. Aujourd’hui, à 54 ans, il a le grade de contrôleur général. Mais on n’en sait pas plus. Le big boss de la BNPJ reste très discret et se montre très rarement dans les cérémonies officielles. Respecté de ses hommes, qu’il mène d’une main de fer, il prend parfois part aux interrogatoires, quand il s’agit de “gros morceaux” ou d’une affaire que l’Etat juge “sensible”. Avant Jamali et Khayyam, la BNPJ a été dirigée tour à tour par Abdemalek Hamiani et Yousfi Kaddour. Deux noms connus surtout pour avoir été au centre des violations des droits de l’homme durant les années de plomb. |
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