Enquête. Royal sporting club

Quand Sa Majesté coache le sport national, les hauts commis de l’Etat mouillent le maillot et les investissements, comme les budgets des fédérations, battent des records. Genèse et enjeux d’une nouvelle ère sportive “made in Mohammed VI”.

Eric Gerets. Le nom est sur toutes les lèvres, du café populaire de Bernoussi au salon huppé de Souissi. Mais bien plus que les compétences techniques ou le palmarès du nouveau sélectionneur (belge) de l’équipe nationale marocaine, c’est son salaire à plusieurs zéros qui fait jaser. 33 millions de dirhams par an, sans compter les avantages en nature : résidence principale et secondaire, voiture de service, billets d’avion… Cela fait de lui le deuxième sélectionneur le mieux payé au monde, après Fabio Capello de l’équipe d’Angleterre. C’est quasiment 6 fois plus que les émoluments de son prédécesseur Roger Lemerre. Pourtant, ce salaire mirobolant n’est pas encore confirmé, car la présentation officielle du nouvel entraîneur, promise par la fédération de football pour fin juin, n’a toujours pas eu lieu.
L’épisode Gerets illustre à lui seul la nouvelle approche de la politique sportive du royaume. Une politique qui fait débat. Démesurée pour les plus austères, qui convertissent le moindre centime en bancs d’écoles ou en lits d’hôpitaux ; prometteuse pour des cols blancs, prêts à parier leurs chemises sur l’avenir du sport-business au Maroc. Et enfin, pour les entraîneurs du dimanche, sceptiques quant au potentiel du sport marocain, l’approche est perçue comme inefficace. Reste que la redynamisation du sport procède d’une volonté royale. Donc rien n’est trop cher, et les résultats ont intérêt à être au rendez-vous. Le chantier, en tout cas, est déjà lancé : lancement d’investissements à coups de centaines de millions de dirhams dans les infrastructures sportives et la formation, arrivée en masse de nouveaux managers à la tête des fédérations sportives, élaboration d’un arsenal juridique pour moderniser le secteur… Le ministère des Sports comme les fédérations suent sang et eau pour mettre en pratique la nouvelle vision royale. Vision dont le premier flash remonte à quelques années déjà…

Remember 2004
Nous sommes le 8 février 2004, il est 18h40. De Tanger à Lagouira, les rues sont quasi désertes. Soudain un cri s’élève, un rugissement à faire trembler la plaque tectonique maghrébine : dans les dernières minutes du 1/4 de finale de la Coupe d’Afrique des nations, organisée en Tunisie, le Maroc vient d’égaliser (1-1) avec l’Algérie. On se souvient de la suite : victoire du Maroc 3 – 1, et une liesse populaire qui va se prolonger durant une semaine, même après la défaite du Maroc en finale face au pays organisateur. L’événement est historique, au point que le reste de l’actualité est totalement hors jeu. Dans les hautes sphères du Pouvoir, on prend toute la mesure du phénomène. Pour la première fois, la “nouvelle ère” vient de goûter aux dividendes politiques du sport : une incroyable capacité à fédérer le peuple autour d’un même objectif. Cela se confirmera quelques semaines plus tard, quand tous les Marocains croiront (même un bref moment) dans les chances du royaume à organiser la Coupe du monde 2010. La désillusion du vote du 15 mai 2004 (favorable à l’Afrique du Sud) est compensée par une annonce royale : “Les stades et infrastructures promis dans le dossier de candidature marocain sont maintenus et doivent être menés à terme”. Car dans le premier cercle du Pouvoir, la leçon est retenue : il faut suivre le sport de près. De très près.

Drapeau en berne
Mis à part cette CAN 2004 et la double médaille de Hicham El Guerrouj aux Jeux Olympiques d’Athènes, la même année, le sport marocain n’a pas connu de moments de gloire durant la dernière décennie. Depuis 2004, le drapeau rouge et vert reste en berne dans la plupart des compétitions internationales. L’actualité des sportifs marocains se résume à des affaires de hrig, de dopage et de douloureux changements de nationalité (cas du Marocain Adil Ramzi, champion du monde du 1500 mètres sous les couleurs de… Bahreïn). Dans les vestiaires comme dans les gradins, des voix commencent à s’élever pour rappeler la triste réalité du sport national, quelques rares individualités brillantes mises à part : un secteur sans moyens, en déficit d’infrastructures et d’encadrement, et surtout une gestion opaque et inefficiente. Même les disciplines phares, qui sauvaient la face du sport national, collectionnent les contre-performances. Pour le sport-roi, le football, la non-qualification aux phases finales des Coupes du monde 2006 et 2010 est un drame national. Reste un lot de consolation : la participation à la Coupe d’Afrique, qui donnera lieu à une guerre marketing entre annonceurs et agents de joueurs. “L’épisode de la bataille entre Maroc Telecom et Méditel au sujet de l’image de l’équipe nationale constitue quelque part une prise de conscience de l’importance économique du football. Mais elle a aussi mis en évidence les failles de la législation sportive, explique un journaliste spécialisé. Comme si on avait pris conscience, enfin, que le sport est surtout une histoire d’argent et d’influence”. Naguère fierté du Maroc, l’athlétisme aussi ne tourne plus. L’or est désormais hors d’atteinte pour les athlètes marocains. La graine de champions, censée produire la relève, a donné tout au plus un bourgeon, et surtout, l’instance fédérale est en pleine déconfiture. C’est d’ailleurs par là que le vent du changement a commencé à souffler.

Un monde nouveau vous appelle !
Le 4 décembre 2006, des élections particulières sont organisées au siège de la Fédération royale marocaine d’athlétisme (FRMA). Les initiés savent que les jeux sont faits depuis quelques jours déjà. Deux des trois concurrents postulant pour la présidence sont priés de se retirer pour laisser la voie grande ouverte devant Abdeslam Ahizoune, patron de Maroc Telecom. La société qu’il dirige est le premier sponsor de l’athlétisme, contribuant à l’époque à hauteur de 9 sur les 20 MDH du budget de la fédération. Sa nomination semble donc logique. “L’ambiance était malsaine depuis quelque temps déjà. M’hamed Aouzal, son prédécesseur, ne demandait qu’à partir pour se consacrer à la fédération de football. Il fallait alors un homme fort et influent pour prendre la relève”, nous explique Aziz Daouda, ancien directeur technique de la fédération d’athlétisme. Et d’ajouter : “Ahizoune connaît l’athlétisme depuis longtemps, il avait donc le profil idéal. En plus, les membres fédéraux cherchent depuis toujours un homme de réseaux, quelqu’un d’influent. En 1993 déjà, une pétition des athlètes avait porté Mohamed Mediouri à la tête de la fédération”. Ça tombe bien : la candidature unique de Abdeslam Ahizoune, qui aurait joui d’une bénédiction en haut lieu, est perçue comme un message politique. Fini le temps des comités provisoires hérités de l’ancienne ère, place aux managers modernes capables d’assainir les structures et de renflouer la trésorerie.
L’intérêt du sérail pour la question sportive devient encore plus palpable dans le casting gouvernemental de Abbas El Fassi : dans son équipe constituée en octobre 2007, on impose au Premier ministre Nawal El Moutawakil, ancienne gloire de l’athlétisme marocain et personnalité en vue du Comité international olympique, pour prendre en charge le ministère des Sports. Dans la foulée, des proches du roi arrivent en force sur le terrain. Mounir Majidi succède à un autre homme du Palais, Abdelkrim Bennani, à la tête du Fath Union Sports (FUS). Le secrétaire particulier du roi amène dans ses bagages une brochette de personnalités qui ne vont pas tarder à devenir les “galactiques” du sport national. En parallèle, les messages royaux se multiplient. Les inaugurations s’enchaînent et les investissements en infrastructures battent tous les records. Après la pose de la première pierre de l’Académie internationale Mohammed VI pour l’athlétisme (88 MDH) et le lancement d’un programme de construction de 21 pistes (242 MDH), on décide de créer l’Académie Mohammed VI de football. Et pour ses 140 MDH de budget, tous les grands groupes économiques du royaume sont invités à passer à la caisse. Une demande royale ne se décline pas. 

La fête gâchée d’El Moutawakil
24 octobre 2008. Tout le gotha du Maroc est convié à assister aux Assises nationales du sport à Skhirat. Organisé sous l’égide du ministère de tutelle et frappé du sceau du haut patronage royal, l’événement annoncé dès le début de l’année… tombe mal. Quelques mois auparavant, le sport marocain avait fait pâle figure aux Jeux Olympiques de Pékin. On attend alors que ces Assises – censées présenter une “vision 2020” concoctée par le département de Nawal El Moutawakil – connaissent des débats enflammés. Mais la salve la plus violente vient de là où personne ne l’attend. Dès les premières lignes de la lettre royale envoyée aux participants, lue par son conseiller Mohamed Moâtassim, les visages se décomposent, les officiels s’enfoncent dans leurs sièges. Le souverain distribue les cartons rouges, et critique le secteur plus violemment que personne auparavant. Le diagnostic est pertinent, les formules sont directes, les orientations claires… un ton dur qui rompt avec les marques de confiance et de bénédiction usuelles dans ce genre de lettres. Morceaux choisis : “On observe que le sport est en train de s’enliser dans l’improvisation et le pourrissement, et qu’il est soumis par des intrus à une exploitation honteuse pour des raisons bassement mercantilistes ou égoïstes” ; “La situation inquiétante que connaît notre sport national est imputable à des carences majeures qui exigent une révision du mode de gouvernance en vigueur actuellement, dans la gestion des fédérations et des clubs”. La fête d’El Moutawakil tourne au cauchemar, comme le rappelle ce participant : “Abbas El Fassi a même dû annuler son allocution et la séance a été aussitôt levée”. Dans les couloirs du centre, des clans se constituent pour interpréter le message royal. Qui l’a inspiré ? Qui était visé, au juste, par le patron ? “Une semaine après la tenue de ces Assises, personne ne voulait se sentir concerné. Chaque clan du sport pensait que la lettre royale visait les autres”, raconte une source au ministère. Mais tout le monde est convaincu que des têtes vont tomber…

Fédérations royales, vraiment royales
La défaite de la sélection marocaine contre le Gabon en mars 2009 (prélude d’une éviction de la Coupe du monde et de la CAN 2010) sera l’occasion de donner un grand coup de pied dans la fourmilière. Le tout-puissant général Housni Benslimane, patron de la fédération de football depuis 1994, est prié d’annoncer qu’il ne va pas briguer un nouveau mandat. Pour son remplacement, il suffit de piocher dans le banc de touche assemblé par Majidi. Ali Fassi Fihri, président de la section football du FUS – et patron de l’ONE et l’ONEP – est le nouveau président de la fédé. Au lendemain de son élection, l’homme rassemble autour de lui de nombreux hauts cadres dirigeants pour gérer les compartiments de cette fédération à grands enjeux. Et aussitôt, le Palais va donner au nouveau président les moyens de ses ambitions : la CDG, Bank Al-Maghrib, l’OCP et le Fonds Hassan II vont débourser pas moins de 250 millions de dirhams au profit de la fédération de football, triplant d’une année à l’autre son budget.
Ce signe de bénédiction royale va accélérer la vague de remplacements dans les instances fédérales. Lors des assemblées générales, il n’y a plus qu’un seul candidat pour la présidence. Les élections ressemblent plus à des nominations, et les fédérations vont plus que jamais mériter leur épithète royale. Dans les coulisses, le slogan de campagne pour la présidence tient en une phrase : “C’est le candidat du palais”. C’est ainsi qu’on a vu l’arrivée de visages connus dans le monde des affaires comme Fayçal Laraïchi, Taoufiq Ibrahimi ou encore Mohamed El Mandjra (voir encadré). “Il faut encourager ce genre de profils pour diriger les fédérations. Leur expertise sportive et leurs capacités managériales sont de véritables atouts pour avoir des fédérations fortes”, explique Moncef Belkhayat, actuel ministre de la Jeunesse et des Sports, qui orne son bureau d’un grand cadre où trône la lettre royale. Au gouvernement depuis le remaniement de juillet 2009 (exit El Moutawakil), Belkhayat fait lui aussi partie de cette nouvelle génération de managers sportifs. Et c’est lui qui fixe le plan de jeu, censé mener la réforme du secteur dans toutes ses composantes.

Culture de la performance
L’arrivée de cette nouvelle garde a ramené une certaine fraîcheur sur le terrain bureaucratique. Pour les cadres habitués à rendre des comptes, le principe de contrat–objectif, qui stipule les engagements du ministère et des fédérations, est passé comme une lettre à la poste. Il a suffi que la fédération de tennis ouvre le bal en décembre dernier pour qu’une quarantaine d’autres fédés signent ces conventions avec le ministère. “L’idée est d’inculquer une culture de la performance et des résultats auprès de toutes les fédérations et améliorer au passage leur gouvernance avec la mise en place de moyens efficaces de contrôle. C’est la première fois que les 45 fédérations sportives sont auditées par des cabinets de renommée”, explique Moncef Belkhayat. En contrepartie, le ministère ouvre les vannes des subventions publiques (qui passent de 200 à 340 MDH entre 2009 et 2010), pour les fédérations qui s’engagent à réaliser des objectifs. Une approche qui trouve du répondant chez la nouvelle génération de présidents de fédés. “C’est une formule qui ne peut être que constructive. Surtout que ce sont les fédérations elles-mêmes qui fixent leurs propres objectifs”, explique Fayçal Laraïchi, président de la fédération de tennis, qui a vu sa subvention étatique passer de 2 à 6 MDH.
Outre les subventions de fonctionnement, le paquet est également mis sur l’investissement et la formation. Le ministère et les fédérations distribuent les équipements à tour de bras. “Les pelouses synthétiques sont actuellement en cours d’installation dans plusieurs terrains du royaume. 16 pelouses, qui coûtent chacune 8 millions de dirhams, seront ainsi déployées”, annonce une source à la fédération de football. Des clubs socio-sportifs de proximité intégrés sont également en train d’ouvrir leurs portes aux quatre coins du pays : 150 complexes sont prévus, à terme, en partenariat avec les collectivités locales. Les grands chantiers sont également relancés. Un sacré coup d’accélérateur a été donné aux travaux de construction des grands stades de Marrakech, Tanger et Agadir, dont l’ouverture est prévue d’ici la fin de l’année. Des stades ultramodernes qui ont coûté un milliard de dirhams chacun. “Nous avons retravaillé l’aménagement de ces nouveaux stades de manière à ce qu’ils deviennent de véritables lieux de vie. Il y aura des salles de conférence, des galeries marchandes, des restaurants, des loges et des parkings VIP”, nous explique le responsable de communication de la Société nationale de réalisation et de gestion des stades (SONAREGES), une société publique créée il y a un an et qui nourrit l’ambition de prendre en gestion l’ensemble des stades du royaume.
Autre axe important de cette nouvelle approche : la loi sur le sport. Votée il y a quelques jours à peine à la première chambre, son entrée en vigueur est attendue avant la fin de l’année. “Cette législation réglemente tout ce qui a trait aux droits d’image des joueurs et des clubs. Elle donne à ces derniers la possibilité de créer des sociétés conventionnées pour gérer leurs recettes et patrimoine. Autant de nouveautés qui nous permettront enfin de pouvoir mettre en place une ligue professionnelle de football. C’est un projet qu’on essaie de mener à terme depuis 26 ans”, explique Moncef Belkhayat. Cette ligue professionnelle passe par une véritable mise à niveau des clubs. La fédération de footballl a d’ailleurs déjà transmis un cahier des charges aux clubs du royaume pour se conformer à de nouvelles règles préparant le passage au professionnalisme, attendu en 2012. Parallèlement, la fédé est aussi en cours de renégociation de contrats de transmission télé et de sponsoring (voir encadré) qui ne manqueront pas de doper ses recettes. Le sport-business se développe dans tous les domaines avec, entre autres, la création de centres de formation privés et l’apparition de nouvelles niches de gestion sportive. “L’objectif est de sortir le secteur de l’informel et développer une économie du sport qui représente 1% du PIB national”, indique-t-on au ministère.
La mobilisation de moyens, la modernisation des structures et instruments, l’identification des priorités… tout cela permet déjà à la “royal team” de marquer des points. Mais ses membres restent sereins et demandent plus de temps. “Il faut viser 2016 en travaillant aujourd’hui sur la génération des 14 ans”, nous explique ce haut responsable. Il n’empêche, les échéances sportives de 2012 seront un premier temps de passage pour évaluer cette nouvelle stratégie sportive. L’empressement, chez nous, est un sport national.

 

ROYAL TEAM
Moncef Belkhayat En première ligne
Sa première apparition sportive, il l’a faite aux côtés de Mounir Majidi pour gérer le comité directeur du Fath Union Sports (FUS). 18 mois plus tard, un heureux concours de circonstances lui permet de gagner sa place de titulaire dans la “royal team”. Rappelée au sein du prestigieux Comité international olympique, Nawal El Moutawakil laisse à Belkhayat son fauteuil de ministre de la Jeunesse et des Sports. L’homme qui a fait toute sa carrière dans le domaine du marketing doit désormais sortir le grand jeu pour faire du sport “une activité génératrice de profits à même d’intéresser les investisseurs privés”. Premiers défis : mener à bien la mise à niveau juridique du secteur et rattraper le retard accumulé depuis des décennies en matière d’infrastructures sportives. 
Ministre de la Jeunesse et des Sports
Mandat : 2009–2012 – Budget : 4 Mrd de DH (2010–2012) – Subventions distribuées : 340 MDH


Abdeslam Ahizoune Le coureur de fonds
Président de Maroc Telecom, première entreprise privée du royaume – qui de plus est le premier sponsor privé du sport au Maroc –, il est sollicité en décembre 2006 pour prendre les rênes de la Fédération royale marocaine d’athlétisme (FRMA). Pour ce natif de Khémisset, haut lieu de l’athlétisme au Maroc, une telle mission est un véritable sacre. Il a commencé par faire le “grand nettoyage” au sein de la fédération en se séparant des cadres historiques. Mais le président a eu du mal à stabiliser son équipe. “Il a refait appel aux cadres dont il s’était débarrassé quelques mois plus tôt. Ils sont aujourd’hui de moins en moins motivés”, regrette une source proche de la fédération. Le premier mandat d’Ahizoune a été surtout marqué par des luttes intestines entre athlètes et dirigeants. Mais il en faudra plus pour le dissuader de repartir pour un nouveau tour de piste.
Président de la Fédération d’athlétisme
Mandat : 2006–2010 – Budget : 40 MDH – Subvention du ministère : 27 MDH

Ali Fassi Fihri Electrochoc pour le foot
Membre du bureau du Fath Union Sports, le double président des Offices de l’eau et de l’électricité a été choisi en 2009 pour succéder au puissant général Housni Benslimane à la tête de la Fédération royale marocaine de football (FRMF). Dans ses bagages, il a ramené une kyrielle de cols blancs pour transformer le football en véritable machine à cash. Les nouveaux managers du foot misent sur la renégociation des contrats de sponsoring et sur la cession des droits télévisés pour doper les recettes de la fédé. Mais jusqu’à présent, Fassi Fihri a surtout dû gérer la constitution du staff technique de l’équipe nationale. Un épisode où le déficit de communication a beaucoup pesé, reléguant au second plan tout le travail accompli pour la préparation d’une ligue professionnelle. Dommage. 
Président de la Fédération de football
Mandat : 2009–2013 – Budget : 500 MDH – Subvention du ministère : 8 MDH


Fayçal Laraïchi Retour gagnant
Sportif depuis toujours, patron d’un club d’athlétisme qui a produit plusieurs champions, l’homme s’est intéressé à la gestion des instances fédérales dès le début des années 1990. Découragé par les pratiques de gestion du sport en vigueur à l’époque, Laraïchi préfère rester en retrait. Il revient en force dans la vague des élections des hommes de pouvoir pour prendre en charge la Fédération royale marocaine de tennis (FRMT) en succession à Mohamed Mjid, qui a donné 45 ans de sa vie à la petite balle jaune. Après un an au service, Laraïchi marque des points en multipliant les tournois challengers et en améliorant le tableau final du Tournoi Hassan II. L’accent est aussi mis sur la formation, histoire de trouver une nouvelle génération de tennismen marocains. Il est temps : Younès El Aynaoui, le dernier des “mousquetaires”, vient de prendre sa retraite… 
Président de la Fédération de tennis
Mandat : 2009–2013 – Budget : 15 MDH – Subvention du ministère : 6 MDH

Taoufik Ibrahimi Le pro des bassins
Ancien champion de triathlon mais aussi vice-président de la section natation du Raja, le patron de la Comanav (société maritime privatisée) a le profil idéal pour tenir le gouvernail de la Fédération royale marocaine de natation (FRMN). En tant que grand patron, lui aussi est attendu pour remettre sur le bon cap ce sport à la dérive depuis plusieurs années déjà. Jusqu’ici, il a axé son programme sur la réorganisation des épreuves de cette discipline, l’augmentation du nombre de clubs et de bassins praticables. Ibrahimi se fixe aussi deux objectifs prioritaires : qualifier quatre nageurs marocains aux prochains Jeux Olympiques, porter le nombre de nageurs marocains licenciés de 2000 à 4500.
Président de la Fédération de natation
Mandat : 2009–2013 – Budget : 10 MDH – Subvention du ministère : 6 MDH


Mohamed El Manjra L’invité surprise
L’homme est ceinture noire de taekwondo (si !), mais n’a jamais touché de près ou de loin à la gestion d’un club au Maroc. Ce manque de légitimité a rendu son élection à la tête de la Fédération royale marocaine de taekwondo (FRMT) assez rocambolesque. Même terrassé par un vote à l’unanimité en faveur d’El Manjra, son concurrent malheureux a saisi la justice pour annuler les élections. Le ministère a même dû jouer aux arbitres en rappelant à tous les clubs et ligues régionales qu’il “n’existe, hormis la FRMT, aucune autre instance disposant de prérogatives juridiques lui permettant de représenter cette discipline au Maroc”. Une manière de couper court à toute velléité de scission. El Manjra devra donc rester sur ses gardes.
Président de la Fédération de taekwondo
Mandat : 2010–2014 – Budget : 6 MDH – Subvention du ministère : 3,5 MDH

 

Sport : objectif 2012
• 350 000 licenciés • 4300 clubs • 200 ligues régionales • Présence dans 9 disciplines aux Jeux Olympiques • 2 podiums olympiques • Qualification de l’équipe nationale de foot à la CAN 2013 et au Mondial 2014
• Présence de joueurs marocains au Top 100 (ATP) de Tennis • Présence au Top 10 des nations en athlétisme, boxe, judo et taekwondo
Source : ministère de la Jeunesse et des Sports

 

Comité olympique. Le dernier bastion

Débarqué de la fédération de football en avril 2009, Housni Benslimane, le patron de la Gendarmerie royale, reste malgré tout un homme influent du sport national. Il résiste toujours à la tête du Comité national olympique marocain (CNOM), malgré la contre-performance du royaume aux Olympiades de Pékin. Il reste aussi président du club des FAR (Forces armées royales), qu’il a créé aux côtés de Hassan II en 1959. Mais l’ancien gardien de but (et aussi champion de France juniors de saut en hauteur en 1953) ne devrait pas tarder à raccrocher ses gants. Sa succession se prépare dans les vestiaires alors que ses hommes sont progressivement mis hors jeu. “A la demande du ministère des Sports, le CNOM devrait bientôt tenir son assemblée générale”, nous confie une source proche du Comité. Une échéance importante qui va plier définitivement la page du passé. “N’étant plus président de fédération, le général préférera sans doute prendre sa retraite”, poursuit notre source. L’assemblée devrait se tenir dès le mois d’octobre, une fois inauguré le nouveau siège du Comité olympique (à 8 MDH). Une sortie honorable pour Benslimane, après 17 ans à la tête des instances olympiques marocaines. Avec tous les loups aux dents longues qui trustent désormais le sport national, la succession du général s’annonce passionnante.

 

Téléfoot. Quand les droits flambent
Un casse-tête politique. C’est ce qu’est devenu l’appel d’offres international lancé pour vendre les droits de retransmission télévisuelle des matchs de l’équipe nationale de foot, et de la Botola (championnat). La chaîne Al Jazeera a déposé une offre mirobolante de 400 millions de dirhams, soit 5 fois le prix offert par la Société nationale de radio et télévision (SNRT). La fédération se retrouve ainsi entre le marteau et l’enclume. Refuser l’offre d’Al Jazeera signifierait renoncer à un pactole inespéré qui permettrait de multiplier par 5 les budgets des petits clubs. Ce serait aussi faire marche arrière dans le processus de transparence et de libre concurrence, alors qu’il reste plusieurs autres contrats de sponsoring à négocier. Mais vendre le football-spectacle marocain à une chaîne cryptée étrangère… c’est politiquement dur à assumer. “Il est hors de question que les Marocains paient pour regarder jouer leurs propres équipes”, annonce déjà un haut responsable du domaine sportif. Ce serait, de plus, un coup dur pour la SNRT qui, à travers sa chaîne spécialisée Arryadia, a accompagné toutes les fédérations en payant très cher des droits de retransmission pour d’autres sports : 7 MDH pour l’athlétisme, 2 MDH pour le tennis… “Priver Arryadia de football, ce serait signer son arrêt de mort”, nous explique une source à la SNRT.
Pour sortir de cette situation embarrassante, la fédération serait en passe de réviser la formule initialement proposée dans l’appel d’offres. D’un package global des 8 matchs de la Botola, les négociations sont menées pour vendre à la découpe et, pourquoi pas, impliquer de nouvelles chaînes comme Nessma ou Médi1Sat. Le verdict est attendu le 15 juillet.

 

Financement. Le match public – privé
Outre la SNRT et ses droits télé, les entreprises et organismes publics sont incontestablement les premiers bailleurs de fonds du sport national. Et ça ne date pas des 250 millions de dirhams accordés à la fédération de football l’année dernière par l’OCP, la CDG, Bank Al-Maghrib et le Fonds Hassan II. “Au milieu des années 1990 déjà, l’OCP était le premier bailleur de fonds de l’athlétisme, nous raconte Aziz Daouda, ancien directeur technique de la fédération. Et quand il a fallu augmenter nos moyens, des instructions royales ont été données à l’ancêtre de Maroc Telecom pour nous sponsoriser à hauteur de 6 MDH par an”. Revendu depuis par l’Etat, l’opérateur téléphonique est devenu le premier bailleur de fonds privé du sport national. Plusieurs fédérations sont en contrat avec lui, et certaines touchent des pactoles conséquents : 20 MDH pour le football, 10 MDH pour l’athlétisme. Maroc Telecom a été aussi parmi les plus gros contributeurs rassemblés par Mounir Majidi (en plus de l’ONA, Finance.com, Addoha et la CDG) pour financer l’Académie Mohammed VI de football. Mais l’implication du secteur privé dans le financement du sport se ressent surtout au niveau des clubs. Outre les annonceurs qui misent sur l’affichage ou le sponsoring maillot, les notables locaux sont les principaux sociétaires des clubs. Et pour cause, les associations sportives constituent un véritable gisement électoral.
“Quasiment tous les cadres des partis politiques sont affiliés à un club sportif. Et au moins 10% des députés sont liés d’une manière ou d’une autre à une fédération”, souligne un journaliste sportif. Ce n’est pas un scoop : sport, politique, argent et influence ont toujours marché main dans la main.

 

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