Exclusif. Laâyoune à feu et à sang

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Onze morts dont dix éléments des forces de l’ordre, plus de 100 véhicules brûlés, des édifices publics, des commerces et des banques saccagés, des sabres et des explosifs saisis… Laâyoune a vécu des heures noires, lundi 8 novembre. Récit.

Laâyoune, c’est généralement à l’aéroport que l’on prend la température de la ville. Et de toute évidence, le chef-lieu du Sahara bouillonne en ce mardi 9 novembre. Sur le tarmac, plusieurs dizaines de treillis kaki s’activent énergiquement autour de deux gros porteurs militaires, tandis qu’un hélicoptère de la Gendarmerie royale s’apprête à décoller. A l’extérieur, sept véhicules des FAR gardent l’entrée du parking, étonnamment vide ce jour-là. Les militaires, postés aux barrages de contrôle, ont sorti l’armada des grands jours : gilets pare-balles, casques avec visière, masques anti-gaz et boucliers anti-émeutes. Au centre-ville, le défilé des camions militaires et des estafettes de police est incessant. Les policiers postés autour des édifices publics ou sur les grands carrefours arborent d’impressionnants fusils à pompe. L’ambiance est lourde, oppressante.
Pour ne rien arranger, Laâyoune reste désespérément déserte en ce milieu d’après-midi, pourtant ensoleillé. Les commerces sont fermés, tout comme les banques, les administrations, les écoles ou les cafés. La ville ne s’est décidément pas encore remise de son “lundi noir”. Pendant plus de cinq heures, peu après le démantèlement du camp Agdim Izik, plusieurs centaines de manifestants ont mis le feu dans plusieurs quartiers de la ville, brûlé des dizaines de voitures et saccagé plusieurs commerces, cafés et édifices publics. “C’est du jamais vu, rapporte un témoin sur place. Nous n’avons jamais atteint un tel niveau de violence au Sahara. La situation était totalement incontrôlée. Il a fallu attendre l’arrivée de l’armée pour que l’ordre soit enfin rétabli”. Les dégâts sont bien visibles. Des véhicules, totalement calcinés, bloquent encore le passage dans certaines ruelles de la ville. Des immeubles entiers ont été évacués. Des guichets bancaires sont éventrés, des débris de verre et des pierres (beaucoup de pierres) jonchent l’asphalte. Les confrontations ont été particulièrement violentes et le bilan est très lourd. Onze personnes (dont dix éléments des forces de l’ordre) ont perdu la vie pendant les dernières 48 heures. L’apocalypse était pourtant prévisible. Chronologie.

Jeudi 4 novembre : les signes annonciateurs
Tout commence donc le jeudi 4 novembre. Trois semaines après l’installation du camp d’Agdim Izik à l’est de Laâyoune, les officiels marocains n’ont plus qu’une idée en tête : obtenir l’évacuation du campement sauvage avant le samedi 6 novembre, date anniversaire de la Marche Verte. Au siège de la wilaya, les réunions s’enchaînent. Le ministre de l’Intérieur y assiste en personne et fait preuve, selon nos sources, d’un “grand sens de l’écoute et de beaucoup de sang-froid”. En fin de journée, un accord est enfin trouvé. Un PV officiel est même conjointement signé par le wali de la région et les représentants des habitants du camp. C’est le dénouement… ou presque. “Lors de cette réunion, rapporte notre source, les négociateurs d’Agdim Izik ont refusé la présence d’officiels sahraouis dans la salle et ont effectivement obtenu le départ de Khelli Henna Ould Errachid et quelques autres walis de l’administration centrale. Cela ne présageait rien de bon”. Vers 22h30, les représentants du camp reviennent au siège de la wilaya. Ils affichent une mine des mauvais jours. Les habitants du camp ont, semble-t-il, refusé les termes de l’accord. Ils exigent que le PV soit signé par le ministre de l’Intérieur en personne. “Impossible, cela reviendrait à fragiliser davantage l’autorité locale”, répondent les directeurs centraux à l’Intérieur. Au terme de nouvelles réunions marathoniennes, la wilaya de Laâyoune s’engage enfin à installer un bureau dans le camp, afin de faciliter les opérations d’enregistrement des habitants souhaitant bénéficier de terrains et de pensions de l’Entraide nationale. Les deux parties se quittent très tard dans la soirée.

Vendredi 5 novembre : les négociations ne mènent nulle part
En début de matinée, une délégation officielle menée par le wali de la région débarque au camp d’Agdim Izik. “Elle était censée, conformément aux accords passés la veille, préparer le terrain pour l’installation du bureau d’enregistrement et s’assurer que tout se passe bien”, explique un cadre à la wilaya de Laâyoune. Une formalité, en somme. Mais l’accueil que lui réservent les responsables du camp est loin d’être amical. Des dizaines de jeunes, à pied ou à bord de véhicules tout-terrain, forment une chaîne humaine tout autour des tentes dressées en plein désert. Les slogans sont particulièrement virulents, voire menaçants. Les officiels ne sont visiblement pas les bienvenus. Qu’est-ce qui explique ce changement d’attitude ? “Les négociateurs du camp auraient ainsi voulu protester contre la présence de chioukh parmi la délégation officielle. Mais ce n’est qu’un prétexte, affirme une source associative à Laâyoune. La vérité est que le démantèlement du camp va à l’encontre des intérêts personnels ou politiques de certains responsables d’Agdim Izik”. Après quelques heures d’attente, le wali et ses accompagnateurs rebroussent chemin. Ils sont particulièrement remontés contre les meneurs du camp. Une réunion de crise est improvisée à Laâyoune. “Ces gens ne cherchent pas vraiment une solution. Ils veulent, au contraire, faire durer la crise”, conclut un haut responsable au ministère de l’Intérieur. Samedi, la célébration du 35ème anniversaire de la Marche Verte se passe donc dans une ambiance assez tendue dans les principales villes du Sahara. Dans son discours, le roi ne fait aucune référence à la situation à Agdim Izik. Il s’adresse plutôt aux Sahraouis de Tindouf et les assure de sa protection et de sa bienveillance. “C’est une manière, explique cet observateur local, de ne pas donner une dimension nationale aux évènements de Laâyoune”. Mais, sur place, le changement de ton n’échappe à personne. La ville retient son souffle. L’intervention militaire est imminente. Reste à trouver le prétexte.

Dimanche 7 novembre : la riposte se prépare
Au courant de la journée, le procureur général de Laâyoune déclare que “des vieillards, des femmes et des enfants sont à présent considérés comme séquestrés dans le camp d’Agdim Izik”. La ficelle n’est-elle pas trop grosse ? Pas vraiment, répond cet avocat à Laâyoune. “Des personnes qui avaient de réelles revendications sociales ont tenté de démonter leurs tentes après avoir reçu des terrains et des pensions mensuelles, mais elles en ont été empêchées. Leur nombre n’était pas très important, mais l’Etat avait là une justification légale pour démonter le camp par la force”, explique notre avocat.
En milieu de matinée, la route vers le camp est désormais coupée et des centaines de voitures sont redirigées vers Laâyoune. A 17 heures, quelques véhicules tentent de forcer un barrage de la Gendarmerie royale. Les forces de l’ordre ripostent par des tirs de bombes lacrymogènes. La tension est à son comble. Dans la soirée, quelques dizaines de personnes finissent quand même par accéder au campement. Mais personne ne fermera l’œil cette nuit-là. “Nous essayions encore de calmer les esprits à l’intérieur du camp, quand des officiels nous ont demandé de quitter les lieux en début de soirée. Les négociations étaient terminées, disaient-ils”, raconte une source associative.

Lundi 8 novembre : le jour le plus long
L’assaut est donné à 6 heures 30. Le dispositif sécuritaire mobilisé est impressionnant. Des camions militaires, des centaines de gendarmes, de policiers et d’éléments des Forces auxiliaires sont à présent stationnés aux abords du camp. Des haut-parleurs demandent aux habitants de quitter leurs tentes et de se diriger vers les bus mis à leur disposition sur la route de Smara. C’est le cafouillage. Le mouvement de la foule est désordonné. Des véhicules tout-terrain filent à toute vitesse vers différentes directions. “Au moment où les premières personnes ont commencé à quitter le camp, d’autres ont attaqué les forces de l’ordre avec des cocktails Molotov et des jets de pierre”, raconte un témoin qui a assisté aux opérations d’évacuation. Deux camions-citerne militaires ripostent par des jets d’eau chaude. Sans véritable résultat. Le camp s’étale sur plusieurs hectares, il est donc difficilement maîtrisable. Les tentes sont progressivement démontées, mais les militaires avancent en terrain miné. Certains tombent dans de véritables embuscades. “Ils se sont rendu compte qu’en face ils avaient affaire à de véritables milices rodées au combat”, analyse un observateur sur place. 
A 8 heures, deux heures à peine après le début de l’opération, 80 membres des forces de sécurité sont admis en urgence à l’hôpital militaire de Laâyoune. Ils souffrent de traumatismes crâniens et de blessures à l’arme blanche. Sur le terrain, certains sont même froidement (et atrocement) tués. “A un certain moment, raconte ce policier, un gendarme s’est retrouvé seul au milieu des tentes. Il a alors été encerclé par une vingtaine de personnes. Après l’avoir roué de coups, l’un des assaillants l’a éventré à l’aide d’une arme blanche et a uriné sur son cadavre”. Un autre militaire, appartenant aux Forces auxiliaires cette fois, a été pris à partie par des jeunes à bord d’une Jeep. “Ces derniers l’ont d’abord mis par terre avant de lui briser le crâne à l’aide d’une grosse pierre. Et comme si cela n’était pas suffisant, ils l’ont défiguré en lui assénant plusieurs coups au visage. Il était donc déjà mort quand ils l’ont, enfin, intentionnellement écrasé sous les roues de leurs véhicules”, raconte le père de Yassine Bouguettaya, inhumé à Laâyoune, le mercredi 10 novembre. 
Finalement, 10 éléments (au moins) des forces de l’ordre perdront la vie au cours de ces confrontations. Comment expliquer un bilan aussi lourd ? “Les militaires avaient reçu l’ordre strict de ne pas utiliser leurs armes à feu. Le démantèlement du camp se voulait pacifique, sans aucune victime civile”, explique, sous couvert d’anonymat, cet officier. Soit, mais comment ne pas tirer lorsque sa propre vie est menacée ? “La discipline des militaires engagés dans cette opération est étonnante, limite surhumaine, affirme un responsable de l’administration territoriale à Laâyoune. S’ils avaient eu recours à leurs armes à feu, on aurait assisté à une véritable tuerie, au vu de la densité de la population dans le camp et de la complexité du terrain d’intervention”.

Horreur sur la ville
Peu avant 9 heures, la situation se détériore dangereusement. Les insurgés forcent les barrages de sécurité et foncent en direction de la ville. Ils y accèdent par la route de Smara. Des dizaines de Land-Rover, transportant chacun une dizaine de jeunes cagoulés, armés de sabres ou de gourdins, sèment la terreur à Laâyoune. “Tous ne sont pas venus du camp, rapporte ce journaliste local. Certains se sont joints au mouvement à partir de leurs maisons au centre-ville”. En milieu de matinée, l’avenue Smara (l’une des plus importantes à Laâyoune) tombe entre les mains des insurgés. Ils installent des barrages de fortune et saccagent, tour à tour, le CRI, la Cour d’Appel, le siège de l’Anapec, le siège de la Région ainsi que plusieurs arrondissements et annexes administratives. Ils mettent le feu à des dizaines de voitures et détruisent plusieurs commerces, appartenant pour la plupart à des habitants originaires du nord du pays. A quelques centaines de mètres de la place Dchira, les manifestants mettent le feu à un dépôt de peinture au rez-de-chaussée d’un immeuble de quatre étages. La déflagration est assourdissante. L’immeuble est immédiatement enveloppé d’une épaisse couche noire. Il est évacué en catastrophe.
Les insurgés marchent à présent sur la ville. Ils installent des drapeaux du Polisario sur les devantures de certains immeubles, en criant frénétiquement Allah Akbar. Les banques sont également prises pour cibles. Les coffres-forts de deux guichets automatiques, pourtant solidement encastrés dans le mur, sont littéralement arrachés par les manifestants. Laâyoune vit ses pires heures depuis les émeutes de 1999.
Dans le chaos, un membre des Forces auxiliaires est froidement égorgé par l’un des insurgés, au beau milieu de la foule. Les manifestants forment un cercle de pierres autour de la dépouille et l’exhibent comme un trophée de guerre. Un autre fonctionnaire de la ville est également écrasé par un Land-Rover, qui tentait de prendre la fuite, après avoir mis le feu dans une administration publique. “La rapidité d’exécution et l’organisation de ces groupes est effrayante, rapporte cette source qui a assisté à ces actes de vandalisme. Chaque groupe d’insurgés était composé d’une trentaine de personnes à pied, suivies de quatre véhicules remplis de sabres, de cocktails Molotov et de pierres. Devant chaque groupe, un guide indiquait les sites à attaquer et ceux à épargner”. Que faisait la police pendant ce temps ? “L’essentiel des forces de sécurité était encore bloqué au niveau du camp. Au centre-ville, les rares policiers présents se contentaient de pourchasser quelques groupes puis battaient en retraite en attendant des renforts”, raconte un témoin. En fin de matinée, les insurgés contrôlaient plusieurs quartiers de la ville. D’épais nuages de fumée noire flottent dans le ciel de Laâyoune. 

A l’assaut de Laâyoune TV
A 11 heures 30, des groupes d’insurgés forcent la barrière de sécurité de la télévision régionale de Laâyoune. Plus de vingt personnes s’introduisent dans les locaux de la chaîne. “Ils voulaient brûler le studio et cherchaient à mettre la main sur le directeur de la station. A leurs yeux, Laâyoune TV était un outil de propagande marocaine qu’il fallait à tout prix détruire”, confie un journaliste présent lors de l’attaque. Le préfet de police débarque en catastrophe, en même temps qu’un bataillon militaire. Les insurgés prennent la fuite mais brûlent deux véhicules et embarquent un agent de sécurité de la chaîne. Ce dernier sera relâché quelques heures plus tard. “Cette insurrection n’est pas improvisée, explique un responsable sécuritaire. Les émeutiers avaient des messages à faire passer. Ils se sont attaqués aux biens des gens du Dakhil pour les terroriser et les pousser à quitter le territoire. En brûlant des édifices et des véhicules publics, ils entendaient ainsi contester la souveraineté marocaine au Sahara. En tuant des militaires tout en épargnant les civils, ils empruntent des méthodes de milices et déclarent une guerre ouverte aux autorités”. Un nouveau cap est décidément franchi.
Peu avant midi, la riposte des habitants originaires du nord du pays s’organise. Des groupes de jeunes et de moins jeunes investissent les rues, décidés à défendre leurs commerces et leurs biens. Eux aussi s’attaquent presque exclusivement aux intérêts d’habitants sahraouis et participent à plusieurs actes de vandalisme. “Certains ont même improvisé des barrages où il fallait scander ‘Vive le Roi’ pour passer sans être inquiété”, raconte ce témoin.
A 13 heures, l’armée investit la ville. Les militaires sont accueillis en véritables sauveurs (ou libérateurs ?), au son de youyous et de slogans nationalistes. Certains “habitants unionistes” montent carrément sur les véhicules militaires et brandissent nerveusement les drapeaux marocains. L’opération de démantèlement du camp prend fin presque au même moment. 65 personnes sont interpellées. On dénombre des centaines de blessés, essentiellement parmi les forces de l’ordre (en plus des décès). En début d’après-midi, la ville est totalement méconnaissable. Les troupes prennent position aux principaux carrefours. Les militaires investissent violemment certaines maisons à la recherche de fugitifs. En soirée, des voitures équipées de haut-parleurs “recommandent” aux gens de rentrer chez eux. Laâyoune panse silencieusement ses plaies.

Mardi 9 novembre : ce n’est plus Laâyoune…
Aux premières lueurs de la journée, la ville offre un spectacle désolant. “En traversant l’avenue Smara, je me suis senti à Bagdad ou à Gaza sous les bombes. Jamais nous ne croyions vivre cela”, affirme un militant associatif à Laâyoune. Les écoles restent fermées, tout comme les commerces de la ville, les cafés, les banques et les administrations. A midi, une file interminable se forme devant l’une des rares boulangeries en service de la ville. Dans les maisons, plusieurs questions reviennent sans cesse : qui sont les auteurs de ces troubles ? Que souhaitaient-ils obtenir ? Comment expliquer une telle violence ? “Laâyoune a d’abord vécu un dérapage sécuritaire dangereux, tonne cet observateur. L’Etat a peut-être eu raison de démanteler le camp, de ne pas recourir aux armes, mais pourquoi n’a-t-il pas sécurisé la ville ? Les officiels savaient pourtant que des milliers de personnes, mécontentes pour la plupart, allaient se déverser sur Laâyoune, qu’elles risquaient de causer des troubles. L’attitude des autorités est inexplicable”. 
Malgré nos tentatives répétées, aucun officiel sur place ni aucun représentant du ministère de l’Intérieur n’a souhaité répondre à nos questions dans ce sens. L’identité des fauteurs de troubles reste une grande énigme également. “Les militants indépendantistes n’ont jamais tué personne. Des habitants mécontents ne peuvent pas spontanément mettre la ville à feu et à sang. En fait, tente d’analyser cet observateur, nous nous sommes retrouvés en face de véritables milices entraînées à ce genre d’opérations. Une sorte de cellules dormantes qui ont profité de la conjoncture pour passer à l’action”. Une autre source, proche des milieux judiciaires, explique que “plusieurs franges de la population se sont en fait liguées pour mener cette insurrection”. Il y a bien sûr les activistes indépendantistes extrémistes, habitués aux cocktails Molotov et aux confrontations avec les forces de l’ordre. Ces derniers ont certainement été rejoints par des habitants et des responsables du camp Agdim Izik, enragés suite au démantèlement de leur “petit royaume”, sans oublier les quelques désœuvrés, exaltés par le chaos généralisé. 
Mais dans le lot, prévient notre source, “il existe également des gens avec un agenda bien précis et des méthodes criminelles importées, comme celle consistant à égorger les militaires”. La référence à l’Algérie est à peine voilée. “Plusieurs fauteurs de troubles font partie de ces jeunes qui ont massivement rallié le Maroc l’été dernier depuis les camps de Tindouf, sans aucun contrôle d’identité, rapporte notre source sécuritaire. Ils ont été épaulés par des mafias de la contrebande, en cessation d’activité depuis que le Maroc a verrouillé ses frontières au sud”. Aux dernières nouvelles, des Algériens auraient également été arrêtés cette semaine à Laâyoune. Qu’y faisaient-ils ? Sont-ils impliqués dans les actes de violence qui ont secoué la ville ? Mystère. “On sait par contre que plusieurs personnes interpellées pourraient être poursuivies pour des actes de terrorisme, devant les tribunaux compétents, à Rabat et à Salé”, confie une source judiciaire. Une première.

Mercredi 10 novembre : le temps des rumeurs
La ville se réveille sur une rumeur inquiétante. Les insurgés, encore en liberté, se seraient lancés dans des rapts d’enfants. Fausse alerte. Certains militants et journalistes reçoivent des menaces de mort par téléphone. Beaucoup ont choisi de quitter momentanément leurs domiciles et de s’installer dans des hôtels, ou chez différents parents et amis. “C’est dire que ce n’est pas encore terminé, soupire notre militant associatif. L’ordre est peut-être rétabli, mais la panique gagne tous les habitants de la ville”. A partir de midi, la vie reprend doucement sur les principales avenues de Laâyoune. De temps à autre, des camions chargés de véhicules calcinés apparaissent ici et là. “Il faudra au moins deux semaines avant de tout nettoyer, et pas moins d’un an pour que les immeubles et les administrations saccagés redeviennent vraiment opérationnels”, affirme un élu local à Laâyoune. En début d’après-midi, le ministre de l’Intérieur et le directeur général de la DGSN arrivent sur place, mais s’enferment au siège de la wilaya.
Peu après la prière d’Al Asr, l’un des militaires tués lors des confrontations du lundi est inhumé au cimetière du quartier industriel de Laâyoune. Seul un gouverneur local a finalement fait le déplacement. Les obsèques officielles (peut-on les appeler ainsi d’ailleurs ?) sont expédiées en quelques minutes. Le père du défunt reçoit le drapeau dans lequel était enveloppée la dépouille de son fils. Il écrase une larme, en jetant un dernier regard sur la tombe encore fraîche, sans doute désappointé par le peu d’égards réservés à un soldat tombé pour la patrie. 

 

Communication. Service minimum
Les militaires tombés à Laâyoune sont discrètement inhumés, les uns après les autres, dans différentes villes du pays. Pourquoi n’ont-ils pas eu droit à des obsèques officielles, alors qu’ils sont morts durant l’exercice de leurs fonctions ?
Pourquoi le Maroc ne communique-t-il pas (ou alors très timidement) sur les pertes enregistrées parmi ses gendarmes, ses policiers et ses Forces auxiliaires ? “L’attitude des autorités est assez étrange. En communiquant sur ces décès, les officiels participeraient pourtant à remonter le moral des troupes, massivement stationnées dans le sud. Politiquement, cette communication permettrait également d’insister sur le caractère criminel et sauvage des fauteurs de troubles et de quelques indépendantistes”, estime une source médiatique à Laâyoune. En face, les responsables du ministère de l’Intérieur jouent la carte de la prudence. “Les accusations des personnes interpellées pourraient être très graves, de même que les connexions qui pourraient être établies avec des organisations étrangères. Tout cela sera communiqué en temps et en heure. Mais, pour l’instant, les responsables préfèrent respecter la procédure et ne pas faire de tapage qui pourrait décrédibiliser toute l’opération”, précise une source sécuritaire à Laâyoune.

 

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