“Je ne suis ni star, ni walou”

Smyet bak ?
Mohamed Bastaoui

Smyet mok?
Zahra Chachi

Nimirou d’la carte?
On va dire EZ 324009786

C’est un code-barres ça !
Je ne vous le donnerai pas. Je suis recherché pour un tas de motifs, notamment des chèques sans provisions (Rires).

Vous ne pourrez pas vous cacher, maintenant que vous êtes une star…
Je ne suis ni star ni walou. J’ai vieilli pour ce genre de choses.

Vous faites le blasé alors que vous avez pleuré lors de l’hommage qui vous a été rendu à Marrakech ?
En fait, c’était un mélange de peur et d’émotion. Quand on m’a parlé de cet hommage un mois avant le Festival, j’ai mis beaucoup de temps pour réaliser ce qui m’arrivait. Heureusement que des amis m’ont appelé pour me rassurer et me faire reprendre confiance.

On vous a vu danser lors de cette cérémonie, c’était pour évacuer le stress ?
La musique gnaouie m’a permis de faire diversion et d’évacuer le stress. J’ai adoré le concept de la fête, le côté authentique de tamaghrabit me met à l’aise. Mais il ne faut pas croire, j’ai toujours le trac avant de monter sur scène.

Pensez-vous que cet hommage est venu trop tard, ou trop tôt, par rapport au nombre de films dans lesquels vous avez joué ?
Ni l’un, ni l’autre. J’ai déjà été primé plusieurs fois et je n’oublie pas, non plus, ma nomination lors de la biennale du cinéma arabe, avec le grand Ahmed Zaki, qui avait 100 films à son actif. Mais ça ne m’a pas autant ému que lors du Festival de Marrakech, c’est sûr.

C’est une nouvelle vie qui commence pour vous ?
Pourquoi ? Je vis toujours dans le même quartier populaire de Salé que j’adore. On y mange du poisson et des légumes en tapant la causette sur le dernier match du Raja ou de Khouribga. Si vous voulez, on peut tout de suite nous faire une chouwaya dial sardine. Le star system, c’est quand j’étais jeune et que je vivais chez mon frère à Rabat. Quand je voyais Tayeb Seddiki, Habiba Madkouri ou Larbi Doghmi dans la rue, je rêvais de me prendre en photo avec eux. Eux, c’était vraiment des stars.

Vous avez fait du théâtre par hasard ?
Non, j’ai commencé à l’école et dans les maisons de jeunesse à Khouribga. J’étais déjà un peu connu dans la ville. Après un petit passage à Rabat, je suis parti en Europe avec l’intention d’y étudier le théâtre. J’ai bourlingué en Europe et, finalement, j’ai décidé de m’installer dans le sud de l’Italie.

Vous étiez clandestin, harrag ?
A l’époque, le visa n’existait pas, donc les clandestins non plus. J’ai exercé un tas de métiers et je gagnais bien ma vie et puis, un jour, j’ai décidé de rentrer. J’avais le mal du pays et je ne comprenais plus à quoi rimait ma vie en Europe. J’en ai quand même profité pour visiter les mythiques studios Cinecitta à Rome.

Vous êtes rentré pour l’amour du théâtre ?
Non, pas du tout. Je n’étais plus très connecté au théâtre, sans oublier qu’en 1986 beaucoup de troupes de théâtre ont commencé à disparaître. Et puis, le théâtre était trop intellectuel pour moi…

Vous avez quelque chose contre les intellectuels ?
Non, mais les textes de l’époque berçaient trop dans l’abstrait et n’étaient pas grand public. En un mot, ça ne passait pas. Donc, ça ne m’intéressait pas.

Comme votre père, vous avez failli devenir fqih ?
Absolument. Mais, en plus d’être fqih, mon père était un homme très débrouillard. Il avait une petite échoppe et il se tuait au travail pour que nous puissions vivre dignement. Dans une autre vie, j’aurais été fqih, mais j’ai attrapé le virus du théâtre.

Après un passage à la télévision, vous avez rejoint la troupe Masrah Al Yawm, et vous y avez connu la galère…
Non, pas du tout. En fait, la troupe était composée d’acteurs de gros calibre, et il fallait se lever tôt pour s’accrocher. Mais je l’ai fait, et je n’en suis pas peu fier.

Vous avez beaucoup joué pour la télévision, mais toujours le même personnage, celui de campagnard. Pourquoi ?
Parce que tous les campagnards ne se ressemblent pas. La composition et l’interprétation ne sont pas les mêmes. Disons, si vous préférez, que je réinvente chaque fois un nouveau campagnard.

Toujours à propos de la télé, vos fans ont été déçus par votre apparition dans des sitcoms de ramadan. Que leur répondez-vous ?
Laissez-moi vous dire que, d’abord, ce sont des sitcoms qui ont eu l’adhésion du public, les chiffres de l’audimat le prouvent. Ensuite, la sitcom est un genre nouveau au Maroc, et il existe encore des carences au niveau de l’écriture.

Qu’est-ce qu’ils ont nos scénaristes ?
C’est un secret de polichinelle ! Les scénarios sont le maillon faible de la créativité marocaine parce que, malheureusement, les bons scénaristes se comptent sur les doigts de la main.

Vous avez rencontré le prince Moulay Rachid à Marrakech. Vous lui avez glissé un petit mot ?
J’ai rencontré le prince trois fois, dans un cadre strictement cinématographique. Je ne vais pas lui demander une grima, j’ai un métier et j’ai bien l’intention d’en vivre, hamdoullah.

La victoire des islamistes aux élections fait jaser dans le milieu artistique, avez-vous des craintes à ce sujet ?
La mission du PJD n’est pas de s’occuper de qui embrasse qui dans un film, mais bien de trouver des solutions concrètes aux problèmes qui rongent ce pays et que tout le monde connaît. Et puis, les jeunes ignorent que l’on revient de loin.

Pardon ?
C’est-à-dire que, dans le Maroc des années 70, je lisais le journal Al Mouharrir en cachette. Le gardien de voitures du quartier me disait : “Mon fils, ce n’est pas bien ce que tu fais”. A l’époque, tout le monde surveillait tout le monde. Il faut que les jeunes générations sachent que notre pays a quand même évolué dans le bon sens.

Merci pour le rappel, dernière question : M. Bastaoui, seriez-vous le même sans la moustache ?
J’ai déjà joué sans moustache, vous savez. Et puis, quand on me demande de jouer un personnage avec barbe ou moustache, autant qu’elles soient vraies, donc les miennes !

 

Antécédents

 

1954. Voit le jour près de Khouribga.
1980. Emigre en Italie.
1987. Rejoint la compagnie de théâtre Masrah Al Yaoum.
1996. Crée la troupe Masrah Chems avec Mohamed Khouyi
 
2006. Joue dans le feuilleton télé Woujaâ Trab, de Chafik Sehimi
2007. Prend part à En attendant Pasolini de Daoud Aoulad Syad.
2011. Reçoit un hommage au Festival du cinéma de Marrakech

 

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