#Les50quiferontleMaroc. Partie 3/6: Agir

Élus, acteurs économiques, membres de la société civile, artistes… ils ont moins de 40 ans et seront les décideurs et influenceurs de demain.

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Dresser une liste de ceux qui feront le Maroc de demain est un exercice toujours difficile. Toute sélection est forcément subjective et donc critiquable, c’est la règle d’un trombinoscope où, par principe, on ne peut jamais être exhaustif. Ceux que nous avons choisi de présenter incarnent, selon nous, le futur politique, économique, sociétal et culturel du pays. Nous avons mélangé des figures déjà connues, et à la carrière presque toute tracée, et de nouvelles têtes peu médiatisées mais qui font des choses intéressantes pour l’avenir du Maroc. Tous ont été choisis selon un principe : ils représentent une relève dans leurs domaines respectifs, ont de l’ambition pour eux-mêmes et pour leur pays. Nous avons voulu bien évidemment mettre en avant un maximum de femmes, mais nous avons buté sur une réalité bien locale : elles sont hélas toujours aussi peu présentes à des postes de décision, en politique et en économie. Une réalité qui doit changer. Nous y croyons et espérons qu’elles seront de plus en plus nombreuses à militer, à exceller, à oser, à créer et à entreprendre.

Le dossier est divisé en six parties, que nous publieront successivement sur Telquel.ma. Voici une troisième sélection de profils.

Agir

Zakaria Garti

Zakaria Garti, président de TIZI

L’engagement a de l’avenir

Bon teint, Zakaria Garti est le très actif président de Tizi – pour Tariq Ibn Ziyad Initiative, qu’il a rejoint en 2012. Ce jeune financier est rentré au Maroc en 2011, en plein Printemps arabe. “Passionné de la chose publique”, comme il se définit, il se cherche une famille politique. En vain. Il intègre donc Tizi, qui se donne pour but de former les jeunes à la politique. Une association “apolitique” dont le but reste clair : “Un jour, le vote des jeunes vaincra celui des notables et le Maroc deviendra une vraie démocratie”, prédit-il. Dans le cadre des rencontres de Tizi, Garti invite des poids lourds de la politique comme Benkirane ou El Omari à débattre avec le public. Dans 10 ans, Garti se voit membre d’un parti et mener carrière au service de l’État. Dans quel bord ? “Disons que mon côté libéral ne m’empêche pas de penser à la justice sociale”, s’amuse-t-il.

Marwane Naji

Marwane Naji, activiste culturel

Livre(aisons) à domicile

Ce futur enseignant de français lance en 2015 une campagne originale, “Dekhla B Ktab” (un livre pour entrer), visant à collecter des ouvrages pour créer des bibliothèques dans le Maroc profond. Pour y arriver, le jeune de 19 ans et son équipe organisent une série de rencontres rassemblant poètes et musiciens. Le principe de payer son entrée avec un livre séduit. Bilan de l’opération : 4700 livres collectés et six bibliothèques créées dans les régions de Guelmim, Al Hoceïma, Chaouen et Outat Elhaj. “Nous faisons en quelque sorte le boulot de l’État !”, commente Marwane Naji. Le succès de son initiative le pousse à voir plus grand. Il a constitué une association et compte organiser une tournée nationale avec de grands noms de la musique. Objectif : tripler le nombre de livres collectés.

Othman El Ferdaous

Othman El Ferdaous, directeur à Mena Media Consulting

Europhile

Ses revues de presse, suivies par plus de 5000 personnes, lui ont valu d’être repéré par Karim Bouzida, chargé de mission au cabinet royal. Ce dernier l’a engagé pour structurer le département de veille stratégique de la boîte de communication, Mena Media Consulting, fondée par Fouad Ali El Himma et dont il était directeur général. L’entreprise financera ses études à l’ENA où il est, à l’heure actuelle, auditeur du cycle des hautes études européennes. Une formation qui correspond à l’europhilie de Othman El Ferdaous, qui suit de près le dossier du Maroc auprès de l’Union européenne. “Je rêve d’une liaison fixe qui relierait le vieux continent au Maroc à travers le détroit de Gibraltar. Je pense aussi que nous devrions intégrer l’OTAN”, confie-t-il.

NABIL-MOULINE

Nabil Mouline, historien

Le futur à l’aune du passé

Spécialiste des systèmes monarchiques, il a publié récemment Le califat : histoire politique de l’islam, un livre qui remonte aux origines d’une institution aujourd’hui revendiquée par Daech. Cet ouvrage, qui permet de comprendre la rhétorique des mouvements terroristes, est aussi une lucarne sur le passé du Maroc. Une histoire qu’il a revisitée pour en éliminer les mythes. Dans un travail sur Ahmad Al Mansour, le chercheur de 36 ans a sondé le rôle des symboles du Makhzen, comme la cérémonie d’allégeance… Un savoir précieux, à l’heure où l’histoire redevient un enjeu hautement politique. “Il ne faut pas étudier l’histoire uniquement pour l’histoire, mais pour participer au renouvellement du système sociopolitique, en tirant les leçons du passé”, précise-t-il. Il réinvestit aujourd’hui son savoir dans la société civile, aux côtés de Tafra, récent think tank qui se veut un pont entre la recherche et le plaidoyer pour la démocratisation et la citoyenneté.

abdelmalek-alaoui

Abdelmalek Alaoui, consultant en intelligence économique

Influenceur

Le virage africain qu’emprunte le Maroc sera aussi médiatique. Abdelmalek Alaoui le sait et s’apprête à lancer une version ouest-africaine du journal économique français La Tribune. Les médias, ce consultant les connaît bien. Non seulement il est chroniqueur, mais il est aussi propriétaire du site Huffington Post Maroc. Ce fils d’un serviteur du trône, Moulay Ahmed Alaoui, conseille des puissants, de Mostafa Terrab à Moulay Hafid Elalamy en passant par Abdeslam Ahizoune, via sa boîte de conseil en communication d’influence, Guepard Group. Le point commun de ses clients est aussi de s’intéresser de près au marché africain. À sa manière, Alaoui, gaga d’intelligence économique et de lobbying, accompagne l’offensive marocaine sur le continent.

Mounir Bensalah

Mounir Bensalah, président d’Anfass

Militant 2.0

Le président d’Anfass n’aime pas trop parler de lui. Il préfère présenter l’association, créée en 2013, campée à gauche. Ou s’attarder sur un de ses dadas, la question de l’usage démocratique et de militer sur Internet, en bon précurseur du mouvement de blogging au Maroc. Avec un pied dans des traditions politiques délaissées par les jeunes (social-démocrate, il est issu des rangs de l’USFP qu’il a quitté) et un autre dans les nouvelles technologies, il a tout pour incarner un renouveau de l’action politique. L’horizon de cet esprit pragmatique et patient – il est ingénieur – est clair : “Faire entrer Anfass dans l’arène politique d’ici dix ans”. Il semble même avoir une idée sur ceux qui soutiendront le travail de son mouvement : “Dans une décennie, la classe moyenne représentera l’écrasante majorité de la population”.

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Ilham Ratbi, généticienne

L’ADN dans les gènes

Ils sont à peine une trentaine au Maroc, dont une majorité de femmes, à mener des recherches dans le domaine très pointu de la recherche génétique. Depuis une dizaine d’années, Ilham Ratbi, 37 ans, décortique le génome humain. Ses recherches l’ont menée à une première mondiale, la découverte du gène responsable du “syndrome de Heimler”, une maladie très rare responsable de graves malformations. Elle a publié le résultat de ses travaux en septembre 2015 dans le prestigieux American journal of human genetics. Ilham Ratbi planche actuellement sur une thèse consacrée à cette maladie. Si aujourd’hui nombre de jeunes médecins s’intéressent à la génétique, au début peu misaient sur un secteur balbutiant au Maroc. “Les gens sages ont choisi des spécialités classiques, moi j’avais le goût de l’aventure”, nous raconte-t-elle. Cardiogénétique, oncogénétique… les applications de la génétique sont pourtant infinies, et dans un pays sujet aux problèmes de consanguinité, ces recherches révèlent des maladies jusque-là inconnues.

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Adnane Addioui, directeur d’Enactus Maroc

Monsieur Entreprenariat social

Si vous cherchez Adnane Addioui, vous le trouverez sûrement entouré d’étudiants dans un café ou une classe de cours. Il sera en train de leur expliquer les bienfaits de l’entreprenariat social. Une forme d’entreprenariat qui a une finalité sociale ou environnementale et où il faut réinvestir la majorité des bénéfices au profit de cette mission. Prêcher cette bonne parole, c’est le sacerdoce de Adnane Addioui. A 32 ans, il dirige la représentation marocaine d’Enactus, une organisation internationale promouvant ce concept et qui aide chaque année 200 étudiants à réaliser leurs projets d’entreprenariat social. Adnane Addioui a reproduit la recette au Maroc où il supervise le programme Impact, lancé en 2014 avec le soutien de la fondation OCP Entrepreneurship Network. Il s’agit de financer et d’accompagner pendant 3 ans 60 start-up créées par des étudiants entrepreneurs.

Mehdi Megzari

Mehdi Megzari, avocat

Le Sahara, autrement

À tout juste 34 ans, Mehdi Megzari, associé dans le cabinet Sayarh & Menjra, veut apporter un nouveau souffle au discours entourant la question du Sahara, “bien loin de la propagande actuelle”. Son plan d’attaque : former une armée de juristes spécialisés sur la question nationale et prêts à défendre les intérêts marocains à l’international. Avec une approche novatrice qui se veut froide et offensive. “Nous avons des arguments juridiques rationnels à faire valoir”, justifie ce trentenaire formé à la Sorbonne et Sciences Po Paris. Il s’agit aussi de porter assistance aux entreprises étrangères qui souhaitent investir au Sahara en les rassurant sur la légalité de leur démarche. “On aide, par exemple, les sociétés norvégiennes qui perdent le soutien de leur gouvernement en raison de leurs engagements financiers dans les provinces du sud”, explique l’avocat inscrit au barreau de Casablanca.

Zineb Laraqui

Zineb Laraqui, avocate

L’esprit de la loi

“Où serais-je dans dix ans ? A la Cour des comptes”, lance Zineb Laraqui dans un éclat de rire. Cette réplique en dit long sur l’impératif de justice qui anime la jeune avocate de 34 ans. Pour elle, “le sort du Maroc dépend principalement des efforts qui seront entrepris pour améliorer la justice sociale”. Son engagement a pris la forme d’actions spontanées. Elle s’est portée volontaire pour clarifier les points de droit sur des affaires ayant secoué le pays : Amina Filali ou Daniel Galvan. Elle s’exprime également sur les dysfonctionnements judiciaires, “plus généralement toutes les causes que j’estime justes et utiles”, confie-t-elle. Elle a démarré sa carrière en lançant le portail jurisprudence.ma avec le cabinet Bassamat à Casablanca. Experte juridique pour Doing Business, elle a remis un rapport sur le climat des affaires à la primature où elle documente les dysfonctionnements rencontrés dans l’exercice de son métier.

Mehdi Alioua ┬® Yassine Toumi

Mehdi Alioua, président du Gadem

Combat antiraciste

Il travaille sur le Maroc comme pays d’émigration et d’immigration. “Pour moi, recherche et engagement vont de pair”, souligne celui qui militait en France en solidarité avec les sans-papiers. Revenu au Maroc en 2011, il est devenu président du Gadem, une association antiraciste. La question migratoire, entre-temps, est devenue une préoccupation majeure. Des réformes ont été lancées au sommet de l’État pour transformer la politique d’accueil. Les autorités ont, dans une certaine mesure, décidé de collaborer avec le Gadem, acteur crédible sur la question de l’immigration.

Brahim Fass Fihri

Brahim Fassi Fihri, président de l’Institut Amadeus

Lobbyiste

Il est à coup sûr bien briefé en haut lieu. Ses interventions publiques permettent à l’opinion de comprendre une action diplomatique parfois difficile à décrypter et menée par des responsables pour le moins discrets. Impossible de ne pas préciser que Brahim Fassi Fihri est un “fils de”, celui de Taïeb Fassi Fihri en l’occurrence, ex-ministre des Affaires étrangères et actuel conseiller royal. Son Institut Amadeus, créé en 2008, voit défiler des responsables africains, comme le président rwandais Paul Kagame en 2015. Brahim Fassi Fihri promeut le Maroc en Afrique. Sur un continent aussi important pour le royaume, cette diplomatie parallèle compte beaucoup.

Mamoun Ghallab

Mamoun Ghellab, initiateur de Zéro Zbel

Monsieur Propre

Il a commencé par un simple blog pour sensibiliser les gens à l’environnement. Puis il a créé une association devenue, depuis, un cabinet de conseil en développement durable. Si bien qu’aujourd’hui, à force de plancher sur le sujet, Mamoun Ghellab est devenu un expert en gestion de déchets. Ce trentenaire est à l’origine de l’initiative Zéro Zbel, une croisade qu’il mène pour que les gens réduisent leurs déchets à travers de petites actions quotidiennes. En marge de la COP22, Mamoun Ghellab organisera des ateliers pour sensibiliser les citoyens.

Lire aussi : #Les50quiferontleMaroc. Partie 1/4: S’engager

Lire aussi : #Les50quiferontleMaroc. Partie 2/6: Entreprendre

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