El Othmani veut s'attaquer aux lobbys du foncier

Vétusté du cadre législatif, prédation des lobbys fonciers, enlisement des litiges sur les terres collectives, et décentralisation de la prise de décisions étaient au programme de ce discours devant la Chambre des conseillers.

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Crédit : Tniouni

Mardi dernier, Saad Eddine El Othmani effectuait son premier grand oral au parlement depuis le début de la nouvelle législature le 13 octobre. À la Chambre des conseillers, le chef du gouvernement a mis l’accent sur la politique gouvernementale pour mobiliser le foncier public dans l’investissement.

À défaut de proposer des mesures précises, Saad Eddine El Othmani a d’abord promis de « revitaliser le travail de la Commission ministérielle permanente de la politique foncière » habilitée, d’après lui, à « stopper l’hémorragie dont souffre l’actif foncier de l’État ».

Pour le chef du gouvernement, la « chronicité » du problème s’explique par deux raisons. « La première nous renvoie à la vétusté du cadre législatif régissant ce domaine, tandis que la deuxième est la conséquence directe de la prolifération de lobbys spécialisés dans la spoliation du foncier étatique« , a-t-il expliqué.

Dans une relation de cause à effet, El Othmani s’est dit « étonné » de constater que ces dysfonctionnements datant du lendemain de l’indépendance n’ont fait l’objet d’un symposium national qu’en 2015.

« L’action gouvernementale consistera à préparer le lancement d’un dialogue national sur le secteur et sur la stratégie foncière à planifier par la suite. Le but n’est autre que d’augmenter le rapport efficacité-coût et l’efficience de la propriété de l’État, à travers un diagnostic complet de la réalité du foncier. De ce débat découleront les principales orientations d’une politique immobilière nationale intégrée et efficace », déclarait-il en substance

Le point sur les « Soulaliyate »

Lors de son discours devant les députés, le chef du gouvernement a évoqué le problème des terres collectives, dites « Soulaliyate« , qui concerne près de 15 millions d’hectares sur l’ensemble du territoire. Elles se caractérisent par leur caractère indivisible, et sont le fruit d’accords collectifs, tacites ou écrits entre les membres des tribus.

« C’est un travail en cours d’exécution, afin de résoudre la situation légale de ce type de propriétés. Il faut augmenter la cadence de la conservation foncière. Nous ambitionnons de conserver, avant 2020, 5 millions d’hectares« , a déclaré El Othmani.

Le chef du gouvernement s’est montré particulièrement agacé quant aux « saisies de ces terres, qui nécessitent l’arbitrage des tribunaux avec des années de procès, à cause de la vétusté des lois remontant au protectorat« .

« Le problème ne sera jamais résolu si l’on ne change pas ces Dahirs par le biais d’une révision radicale des lois en vigueur. J’espère que 2018 sera l’année de ces grands changements, ce qui nécessitera un effort considérable », a-t-il souligné au passage.

El Othmani a également révélé que le gouvernement travaillait à mettre en œuvre les directives du roi concernant la propriété des terres collectives situées dans les zones d’irrigation. Il a rappelé à ce propos la gratuité de la procédure de conservation foncière pour les ayants droit. « Ces opérations sont exonérées d’impôt et de taxes pour valoriser le foncier, l’inclure dans le circuit économique et augmenter sa rentabilité« , a-t-il fait savoir.

Déconcentration en vue

Le deuxième dossier débattu au cours de ce grand oral est celui de la Charte de déconcentration administrative. « Elle sera fin prête en fin de cette année« , annonce El Othmani qui voit dans ce projet « une véritable rupture avec le système centralisateur, grâce à la limitation de la prise de décisions au niveau des services centraux« .

À noter que cette vision est tracée dans le cadre du programme gouvernemental relatif à la mise en oeuvre de la régionalisation avancée et à la consécration de la gouvernance territoriale. Suivant ce schéma, « l’administration centrale ne s’occupera que des fonctions stratégiques du développement et de l’élaboration des politiques publiques, tout en déléguant son exécution au niveau régional aux services décentralisés », esquisse El Othmani au sujet de cette Charte qui a fait l’objet de plus de 13 discours royaux depuis 2002.

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