572 millions d’euros sur cinq ans. Environ 2,7 milliards d’euros depuis 2001. Ce sont les sommes économisées par Veolia sur sa facture fiscale, grâce à une « planification fiscale agressive« , estiment des eurodéputés du groupe Les Verts-Alliance libre européenne (ALE) dans un rapport divulgué le 27 octobre, dont Telquel.ma a obtenu une copie.
« Il est inacceptable qu’une entreprise ait pu réduire ainsi sa facture fiscale de plus d’un demi-milliard d’euros au cours des cinq dernières années, et cela sans enfreindre aucune loi« , s’indigne Eva Joly, eurodéputée Verts-ALE, qui critique la législation européenne.
Elle insinue donc que la multinationale française qui a plus de 2.700 filiales à travers le monde, dont Amendis et Rédal au Maroc, a minimisé sa contribution fiscale en jouant avec les failles législatives.
Le groupe parlementaire européen explique comment la multinationale française a réussi à faire en sorte que seulement une « partie de plus en plus petite de ses profits soient taxés en France« . Selon lui, Veolia « a consolidé les pertes de diverses filiales françaises sous un même groupe fiscal afin de réduire fortement ses dettes fiscales« .
Explications. Les filiales calculent de façon autonome leurs impôts à la maison-mère qui est Veolia. C’est ensuite la multinationale qui va payer ces impôts à l’État. Là où cela devient « intéressant » pour Veolia, c’est « quand certaines sociétés dans le groupe ont des pertes fiscales, qui peuvent être compensées contre les bénéfices fiscaux d’autres entreprises« .
La différence entre les impôts payés par le groupe et les sommes payées par les filiales à la maison-mère est un profit, ou une perte, pour Veolia. « Un an après que le groupe fiscal a été créé en 2001, il a commencé à faire des pertes fiscales« , qui ont atteint un montant de 3,6 milliards d’euros à la fin 2016, rapportent les eurodéputés. Ils estiment alors que « tout profit réalisé par Veolia ou ses filiales en France ne sont pas tenues de payer des impôts les dix prochaines années« .
Schéma de capitalisation « thick »
Selon eux, Veolia a donc opté pour un schéma de capitalisation dit « thick »: « les filiales, surtout celles installées dans des pays où les taux d’imposition effectifs sont bas comme les États-Unis, ont été attribuées d’un capital important, et donc avec des résultats importants et les moyens de payer des dividendes. Ces dividendes seraient (…) imposés au sein de la société mère à hauteur de seulement 5% de leur montant actuel. D’autre part, la plus grande partie de la dette serait concentrée dans la société mère – dans un pays où les impôts sont élevés, où il serait permis de déduire les intérêts de sa base d’imposition« , détaille le rapport.
« Ce qui est frappant, c’est que la part de l’impôt courant attribuable aux opérations françaises (22%) est, en moyenne, en dessous de la part de la France dans l’activité globale, et chute rapidement« , expliquent encore les eurodéputés dans le rapport. Ainsi, les députés ont remarqué que le taux d’imposition effectif moyen appliqué à l’assiette fiscale de Veolia est de 10 à 12 points sous le taux d’imposition nominal des sociétés en France.
Paradis fiscal aux États-Unis ?
En 2015, les activités américaines du groupe ont généré des profits qui ont permis de distribuer 48,5 millions d’euros de dividende à la holding française. Un bénéfice ensuite redistribué à Veolia Environnement. « La combinaison des effets du régime fiscal américain, de la convention fiscale franco-américaine et du groupe fiscal français veille à ce que ce montant de bénéfice n’ait été soumis à aucun impôt sur les sociétés, ni aux États-Unis ni en France« , accuse le groupe parlementaire européen.
Aux États-Unis, Veola a accumulé jusqu’à 4 milliards d’euros de pertes, qui « sont utilisés pour compenser les bénéfices réalisés par le groupe aux États-Unis ». Ce qui pousse les eurodéputés à conclure que tout comme en France, les États-Unis « sont devenus une sorte de paradis fiscal pour le groupe« .
Quid de l’éthique?
Si le mécanisme dénoncé par le groupe parlementaire européen est légal, « il est moralement inacceptable d’utiliser des instruments légaux de cette façon« , explique le groupe parlementaire qui plaide pour une meilleure législation, un meilleur contrôle et plus de transparence.
L’eurodéputée française Eva Joly explique que ce n’est pas seulement une question d’équité « vis-à-vis des entreprises qui paient leurs impôts« . Pour elle, c’est surtout une « perte d’argent considérable pour les fonds publics et des infrastructures qui auraient pu être investis dans la création d’emplois« . Contacté par Telquel.ma, le service de presse de Veolia n’a pas encore répondu à nos questions.
Veolia en chiffres :25 milliards d’euros de chiffre d’affaires (CA) en 2016 600 millions d’euros de résultat net d’exploitation 613 000 employés à travers le monde 8% de son CA réalisé en Afrique et au Moyen-Orient 11 milliards d’euros de capitalisation boursière actuelle[/encadre] |
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