Attachée aux valeurs morales et républicaines, cette féministe inflexible a été la première femme à être ministre d’Etat en France, ainsi que présidente du premier Parlement européen. Parfois surnommée « Momone », chignon noué et tailleur Chanel, elle apparaissait rassurante et maternelle de prime abord. Mais son regard vert acéré était parfois traversé d’éclairs. Ils en disaient long sur son caractère, exigeant, passionné, autoritaire, voire « épouvantable » selon certains, sur son esprit prompt à la rébellion et à la colère.
Elle naît le 13 juillet 1927 à Nice (sud-est), au sein d’une famille juive et laïque. Son père, homme rigoureux et architecte de profession, pousse ses quatre enfants à lire les classiques: Montaigne, Racine ou Pascal. Toute la famille est déportée en 1944. Le père et le frère, Jean, en Lituanie, sa soeur aînée Denise (résistante) à Ravensbruck, sa mère, sa soeur Milou et elle-même à Auschwitz. Seules les trois soeurs reviendront. « Je crois être une optimiste, mais, depuis 1945, je suis dénuée d’illusions« , dira cette ennemie de la langue de bois qui n’oubliera jamais de reprocher à certains « amis » politiques leurs « dérives extrêmes droitières« .
Elle rencontre en 1946 à Sciences-Po Antoine Veil, futur directeur général de la compagnie aérienne française UTA. Le couple a trois fils, dont le célèbre avocat Jean Veil. Un des enfants est disparu en 2002. Antoine est mort en avril 2013. Magistrate, Simone Veil rejoint en 1956 l’administration pénitentiaire puis s’occupe des problèmes d’adoption. Sa maison est déjà un salon politique, où se côtoient gaullistes et centristes. Elle entre en politique en 1974 comme ministre de la Santé dans le gouvernement Chirac. Son combat pour faire adopter la loi – contre une partie de la droite – sur l’interruption volontaire de grossesse, fait d’elle pour longtemps la personnalité politique la plus populaire de France.
Les attaques qu’elle subit sont violentes. « On avait inscrit sur la porte de mon domicile: Veil = Hitler « , se rappellera-t-elle. Il restera, dans la mémoire collective, l’image d’une femme touchée, fin 1974, en pleine Assemblée nationale mais ne cédant pas. En juin 1979, Simone Veil est élue présidente du Parlement de Strasbourg, jusqu’en 1982. De 1984 à 1989, elle est à la tête du groupe libéral, démocratique et réformateur. « Le fait d’avoir fait l’Europe m’a réconciliée avec le XXe siècle« , assurait cette pionnière.
En 1993, elle devient ministre d’Etat, chargée des Affaires sociales, Santé et Ville. En 1997, elle préside le Haut conseil à l’intégration et en 1998 siège au Conseil constitutionnel, jusqu’en 2007. Elle a incarné, comme ministre, la fibre sociale et a parfois pris des positions proches de la gauche sur des sujets sociétaux. Son soutien – parfois critique – à Nicolas Sarkozy en 2007 illustre sa singularité dans le paysage politique qui explique en partie sa popularité.
Avec un tel parcours, pourquoi n’a-t-elle jamais brigué l’Elysée ? « Je ne me suis jamais sentie la capacité d’exercer un tel pouvoir. « Je suis trop indépendante pour cela« , a-t-elle expliqué de sa voix claire, au débit rapide, inflexible. Personnalité féminine préférée des Français, selon un sondage de 2014, elle a été élue en 2008 à l’Académie française, devenant alors la sixième femme à rejoindre les Immortels. Mon père, « disparu dans les pays baltes, révérait la langue française », a-t-elle souligné dans son discours de réception. Profondément marquée par sa déportation à Auschwitz, dont elle avait fait un récit émouvant dans son autobiographie, « Une vie » (2007), elle était devenue présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah dont elle était restée présidente d’honneur.
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