Qatar: "Cette crise s'inscrit dans une dynamique qui est beaucoup plus ancienne"

Stéphane Lacroix, professeur à Sciences Po et spécialiste de l'islam politique, a été invité sur le plateau de France 24 pour apporter son éclairage sur la crise qatarie.

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« Cette crise s’inscrit dans une dynamique qui est beaucoup plus ancienne » affirme d’emblée le chercheur français. En 2002, l’Arabie Saoudite avait rappelé son ambassadeur du Qatar à cause de la chaîne Al Jazeera.  Aujourd’hui, un nouvel ordre moyen oriental est en train de voir le jour.  Avec cette crise, Stéphane Lacroix distingue un triangle où trois capitales Riyad, Abou Dhabi et Le Caire se trouvent à chaque sommet. Ce triangle tente de « restaurer la région dans un ordre stable mais avant tout autoritaire et qui veut  faire taire toutes les voix dissidentes« .

« Le Qatar reste le dernier endroit aujourd’hui  où les opposants peuvent s’exprimer librement tant qu’ils  ne parlent pas du Qatar » poursuit le chercheur.

L’Iran, le faux problème

« La question de l’Iran est très exagérée, ce n’est pas le nœud du problème » précise Stéphane Lacroix. Il rappelle au cours de cette intervention que d’autres pays, à l’image du Koweït  ou du Sultanat d’Oman, entretiennent des relations avec l’Iran et ne sont pourtant pas condamnés.  

L’argument du pays pro-iranien est utilisé pour convaincre les habitants du Moyen Orient qui sont majoritairement sunnites. La plupart sont « habités par ce sentiment d’expansionnisme iranien qu’il faudra à tout prix contrer« . C’est par cet argument que l’Arabie Saoudite et les pays voisins au Qatar qui ont rompu leurs relations diplomatiques avec ce dernier, cherchent à « mettre dans leur camp » les peuples.

Le financement des islamistes

« Le Qatar a misé sur les islamistes après le printemps arabe surtout les Frères Musulmans ». En Syrie,  ils les ont soutenus mais Stéphane Lacroix précise toutefois qu’ils sont qualifiés de « salafistes nationalistes », c’est pas tout à fait des djihadistes. En tout cas ils ne se présentent pas comme étant des soutiens  de jihad global de type Al Qaïda. »
En ce qui concerne le financement de certains groupes comme le front Al Nosra, les qataris, tout comme d’autres pays du Golfe sont accusés de les financer « les Saoudiens sont aussi accusés par ailleurs «  soutient l’invité.

Trump à l’origine du mal

Trump a ravivé les tensions envers le Qatar lors de sa visite à Riyad en mai dernier. Le  chercheur français évoque également le duo comprenant l’émirati Mohamed Ben Zayad et prince saoudien Mohamed  Ibn Salmane. Ce duo passe à l’action après avoir eu des garanties américaines pendant le sommet de Riyad.

Le Prince saoudien, l’homme fort de la région

Depuis 2015, la stratégie saoudienne a changé constate Stéphane Lacroix. Ce changement est notamment  dû à la présence de plus en plus prononcée par son fils Mohamed Ibn Salmane. « Ils ont décidé de prendre le pouvoir sur tous les autres. Soit en forçant les autres à se soumettre, soit en les excluant du pacte politique ».  Le prince saoudien ainsi que le prince émirati se voient » comme la nouvelle génération du Golfe« .

 

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