Business: les bonnes ondes de Hakim Chegraoui

Il lance au mois de mars la webradio NRJ Maroc après avoir décroché la licence de la célèbre radio française. S’appuyant sur la force de frappe du groupe, il duplique aussi leur modèle économique. Une petite révolution dans le monde des médias au Maroc.

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Crédit; David Rodrigues
Crédit; David Rodrigues

 Une odeur de peinture fraîche flotte dans les locaux de NRJ Maroc à Casablanca. Le studio de la webradio n’est pas encore achevé, mais une petite équipe s’agite déjà dans les locaux pour préparer le lancement. À leur tête, Hakim Chegraoui, 35 ans à peine. Le patron de NRJ Maroc a déjà eu plusieurs vies avant de devenir patron de NRJ Maroc. Il a été DJ et promoteur de concerts et de spectacles. C’est lui qui est derrière le match Raja – Barcelone qui a eu lieu à Tanger en 2014. Il était aussi l’organisateur du spectacle de Dieudonné qui devait se produire à Casablanca en 2015, évènement au final annulé pour des raisons politiques. Moncef Belkhayat et RedOne ont essayé avant Hakim Chegraoui de décrocher la licence NRJ. Mais pas du tout impressionnés par le CV de l’ex-ministre de la Jeunesse et patron de holding, ni par celui du producteur à succès, les dirigeants du groupe médias l’ont choisi lui. Joli coup quand on sait que NRJ — la radio la plus écoutée en France — est une matrice à partir de laquelle s’est développé un pôle brassant un chiffre d’affaires de 377 millions d’euros, et opérant dans la télévision, la téléphonie et la production de spectacles.

Une machine de guerre

Il lui aura fallu 18 mois de négociations pour convaincre les patrons du groupe NRJ. Le Maroc est le premier pays africain où s’implante la radio et le deuxième pays dans le monde arabe après le Liban. “C’est beaucoup d’allers-retours entre le Maroc et la France, un business-plan solide, un vrai projet qu’il a fallu défendre devant la direction du groupe. L’entreprise fonctionnera comme une franchise, nous reverserons des royalties à la maison-mère”, explique Hakim Chegraoui, qui ne souhaite pas divulguer le montant de cette commission, “par obligation contractuelle”. Son business-plan prévoit un investissement de 30 millions de dirhams sur cinq ans. Et s’il préfère ne pas se prononcer sur le chiffre d’affaires prévisionnel de sa webradio, il assure qu’elle sera rentable dès la quatrième année d’activité.

Hakim Chegraoui sait qu’il ne part pas de zéro. NRJ a déjà 150 000 auditeurs marocains sur Internet, le royaume se classant deuxième juste après la France. La radio sera disponible uniquement sur Internet, via une application dédiée, qui permettra de recevoir le flux en ultra HD. “Une première au Maroc”, souligne Hakim Chegraoui. NRJ Maroc diffusera de la musique dès mars prochain, tandis que les programmes seront lancés en septembre, portés par une rédaction en cours de recrutement. “NRJ est une marque forte, qui n’a pas besoin d’être présentée”, nous explique le jeune directeur de la webradio. Il se réjouit de disposer de la force du groupe présent dans 21 pays et signataire d’accords avec les principales majors de l’industrie musicale.

C’est là que la “machine NRJ”, comme la décrit Hakim Chegraoui, entre dans la danse. Elle fournira “l’expertise, l’expérience, le réseau” sur lequel s’appuiera NRJ Maroc, qui diffusera les hits “en premier, en même temps qu’ailleurs dans le monde”, précise-t-il. Mais le “contenu sera marocanisé, tant musicalement qu’au niveau des émissions et de l’accompagnement”, nuance Hakim Chegraoui, qui explique qu’une grosse partie du temps d’antenne sera consacrée à des artistes marocains. “Nous voulons que NRJ devienne leur plateforme, nous les accompagnerons, les ferons grandir et les aiderons à percer”.

Et le contenu ?

Une radio de divertissement, axée sur les hits pop et dance, cela fait forcément penser au pionnier du domaine au Maroc, Hit Radio. Mais Hakim Chegraoui se défend de vouloir faire dans la redite, ou même de vouloir marcher sur leurs platebandes. “Je ne suis pas leur concurrent, nous venons en complément, assure-t-il, nous sommes exclusivement présents sur Internet. Nous visons une cible qui écoute NRJ France à partir du Web et qui regarde les derniers clips sur YouTube”. Difficile pourtant de ne pas y voir de similitudes, comme l’ont souligné les internautes sur la page Facebook de NRJ Maroc, où se multiplient les références goguenardes à Hit Radio et ses animateurs.

Quant aux artistes qui seront programmés, il assume le positionnement de NRJ : “Diffuser, conformément au modèle du groupe à l’international, de la musique commerciale, des hits”. Et d’ajouter : “Nous sommes dans la ‘positive attitude’”, reprenant le slogan de la maison-mère, corporate jusqu’au bout des ongles. Pour se différencier, NRJ Maroc profitera du catalogue de sa maison-mère et de ses exclusivités “au même moment qu’aux États-Unis, en France, etc.” En d’autres termes, l’auditeur découvrira les derniers hits en direct. “Nous disposons du contenu de NRJ à l’international, des interviews, des titres, que nous serons les premiers à diffuser au Maroc”. Mais au-delà de la radio, c’est avec une présence accrue sur le terrain, par des concerts, des festivals, des partenariats que la marque veut se différencier, tant par son offre que par son modèle économique.

Plus près du public

Car au-delà du contenu, c’est un modèle économique différent que cherche à implanter Hakim Chegraoui avec sa radio. Une dépendance moins forte aux annonceurs, une relation plus directe avec l’auditeur, le public, les artistes et les partenaires. Certes, la publicité constitue une partie des revenus du média, “mais le modèle économique se base sur les partenariats et l’événementiel”, nuance-t-il.De l’organisation de concerts, de la curation, de l’ingénierie culturelle, plutôt que de rester dans le schéma classique média-auditeurs-annonceurs, NRJ Maroc veut créer une offre différente, où sa rémunération sera justement basée sur le partenariat avec des entreprises de la place autour d’événements organisés par la radio. Avec déjà 15 concerts programmés pour 2017, “dont 80% seront gratuits”, NRJ fera du chiffre d’affaires grâce à ses partenaires, qui feront partie d’un club NRJ, notamment “des banques et des opérateurs télécoms”, qui financeront ces évènements musicaux. Quelles offres pourraient bien lier une radio à des banques ou des opérateurs télécoms ? “On peut imaginer des formules qui donneraient accès à une offre culturelle diversifiée, du cinéma, du théâtre, avoir des places VIP pour des concerts, des forfaits mobiles taillés sur mesure et ‘brandés’ NRJ, c’est là que nous voulons être présents”.

En misant sur le tout digital, pour l’instant, et si les auditeurs suivent, on peut estimer que NRJ est assise sur une mine d’or de données personnelles qui permettront, à la différence des radios diffusées en FM, de connaître en quasi-instantané le profil de leur public. C’est d’ailleurs là que la publicité fait son apparition, puisque ces données permettront, “dans le cadre de la législation marocaine  sur la protection des données, précise Hakim Chergraoui avec un sourire, d’offrir des publicités spécifiques et taillées sur mesure pour l’auditeur, selon ses centres d’intérêt”. Un discours de chef d’entreprise qui voit loin, puisqu’il compte lancer dans les mois à venir d’autres webradios thématiques.

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