Michel Rocard, un des soutiens de la cause palestinienne, n'est plus

Michel Rocard, le 7 janvier 2010 à Paris. (AFP)

S’il a toujours entretenu une relation complexe avec François Mitterrand au sein du Parti socialiste, l’engagement de Michel Rocard pour la cause palestinienne constitue l’un des aspects les moins connus de son parcours politique.

Premier ministre de 1988 à 1991 sous la présidence de François Mitterrand, Michel Rocard, décédé le 2 juillet, était un grand partisan de la cause palestinienne. « Il a toujours affiché avec constance son soutien aux droits nationaux du peuple palestinien », c’est ce que confie Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po (Paris), dans son blog « Un si proche Orient », hébergé par «Le Monde». Sa «sensibilité pro-arabe» pousse d’ailleurs Michel Rocard à quitter la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO) en 1958 en raison de son opposition à la politique algérienne de Guy Mollet, secrétaire général de la SFIO. Michel Rocard deviendra alors patron du Parti socialiste unifié français (PSU) qu’il dirigera jusqu’à 1973, véritable laboratoire d’idées pour la gauche.

Une rivalité PSU/PS sur le conflit israélo-palestinien

Alors que le PSU rencontre de façon régulière Yasser Arafat, dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ainsi que certains de ses représentants comme Mahmoud Hamchari à Paris au courant de l’année 1969 ; « le contraste ne saurait à cet égard être plus grand avec le Parti socialiste (PS) qui porte François Mitterrand à sa tête » explique Jean-Pierre Filiu. « Les rapports avec le parti frère israélien, au pouvoir depuis la déclaration d’indépendance de 1948, sont si étroits que Mitterrand répond dès mars 1972 à l’invitation du chef du gouvernement Golda Meir » ajoute-t-il. Durant cinq jours de visite officielle, Mitterrand se rendra dans les différents territoires occupés par Israël, dont le plateau du Golan, la bande de Gaza et la vieille ville de Jérusalem. « Mitterrand endosse sans réserve le plan Allon, soit une formule de règlement entre Israël et la Jordanie qui formaliserait l’annexion d’une partie de la Cisjordanie et exclut toute reconnaissance des droits palestiniens » rapporte l’historien arabisant dans son blog.

À la suite du « Septembre noir », la tuerie des Jeux olympiques de Munich en 1972 ou onze sportifs israéliens trouvent la mort, Golda Meir décide l’élimination d’un certain nombre de responsables de l’OLP dont Hamchari. « Rocard est au premier rang des personnalités françaises qui assistent à ses obsèques au cimetière du Père-Lachaise », selon le professeur des universités.

Un virage diplomatique du PS sous l’impulsion de Rocard

L’adhésion de Rocard au PS «et d’un tiers des adhérents du PSU » à partir d’octobre 1974 «va renforcer la sensibilité pro-palestinienne» explique Jean-Pierre Filiu. Accompagné de Rocard, Mitterrand effectuera un second déplacement en Israël et refusera de se rendre sur les territoires occupés. « Il rencontre également en Cisjordanie des notables qui revendiquent leur allégeance à l’OLP » précise Filiu dans son blog. Selon la même source, Mitterrand établira même une équivalence entre le droit israélien et palestinien : « Deux réalités nationales qui sont différentes, mais qui reposent sur le même principe : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

En juillet 1980, Rocard accuse le gouvernement israélien de constituer le « vrai blocage » à la paix par « les implantations de colonies juives dans les territoires occupés » et s’oppose à la paix israélo-égyptienne en 1979. « Huit ans plus tard, Rocard est devenu le Premier ministre du président Mitterrand lorsque celui-ci prend l’initiative audacieuse d’inviter Arafat à Paris », écrit Filiu. Participant à un colloque organisé par la Bibliothèque d’Alexandrie sur les relations euro-américaines au Proche-Orient en 2004, Rocard affirmera que « la promesse Balfour accordant le droit aux juifs de créer leur État en Palestine était une erreur historique ». Il s’expliquera plus tard et affirmera que « l’erreur historique des Britanniques, après la Déclaration Balfour, a été de ne pas comprendre toutes les conséquences qu’elle aurait, et donc d’avoir mal géré ces conséquences avec les autorités musulmanes. Ceci explique qu’Israël soit né dans des conditions conflictuelles, et les raisons fondamentales pour lesquelles le conflit perdure ».

 

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