Mohamed Ali, une légende aux poings et aux convictions d'acier

Des poings en acier, des convictions inflexibles au service de la cause des noirs... L'icône de la boxe Mohamed Ali “The Greatest” a succombé à la maladie de Parkinson vendredi à 74 ans, mais sa légende va continuer de raconter l'histoire d'un homme, d'un sport, d'un pays.

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Crédit: AFP

Personnalité marquante de l’histoire du XXIe siècle, sur et hors des rings, il s’est éteint dans un hôpital de Phoenix, dans l’Arizona: «Dieu est venu chercher son champion», déplore Mike Tyson, l’un de ses successeurs sur les rings.

«Après un combat de 32 ans contre la maladie de Parkinson, Mohamed Ali est décédé à l’âge de 74 ans. Le triple champion du monde des lourds est mort dans la soirée», a indiqué le porte-parole de sa famille, Bob Gunnell.

Une conférence de presse est prévue samedi à 12h00 locales (19h00 GMT) à Phoenix pour détailler le déroulement des obsèques dans sa ville natale de Louisville, dans le Kentucky, a ajouté M. Gunnell, sans en préciser la date.

Mohamed Ali était hospitalisé depuis jeudi pour soigner un problème respiratoire dans une clinique de Phoenix, où il s’était établi avec sa quatrième épouse Lonnie. Il souffrait depuis les années 1980 de la maladie de Parkinson et avait déjà été hospitalisé à deux reprises fin 2014 et début 2015 pour une pneumonie et une infection urinaire.

L’annonce de son décès a aussitôt déclenché une vague d’émotion dans le monde, en particulier à Louisville, où les drapeaux seront en berne sur tous les bâtiments publics samedi. Le monde de la boxe a rendu hommage au sportif qui, pour beaucoup, a marqué l’histoire des États-Unis.

Une légende

«C’est à n’en pas douter la personne qui a le plus transformé notre époque, c’était un grand sportif, quelqu’un qui savait se faire comprendre, se faire entendre, qui disait haut et fort ce qu’il croyait être juste», a estimé Bob Arum, le célèbre promoteur de boxe.

«Nous avons perdu un géant, la boxe a beaucoup profité des talents de Mohamed Ali, mais pas autant que les hommes de son humanité», a de son côté déclaré le Philippin Manny Pacquiao, multiple champion du monde, tout juste retraité des rings.

L’histoire veut que Cassius Clay, petit-fils d’esclave, se soit mis à la boxe, enfant, pour se venger d’un gamin qui lui avait volé son vélo. Et très vite, à la force impressionnante de ses poings, il collectionne les victoires et les titres, celui de champion olympique à Rome en 1960, puis de champion du monde WBA en 1964 en battant Sonny Liston par KO au 7e round.

Le lendemain, il décide de changer de nom et se fait appeler Cassius X en l’honneur du leader des «Black Muslims», Malcolm X. Un mois plus tard, il se convertit à l’islam et prend le nom de Mohamed Ali. Grâce à son style unique, les bras souvent ballants le long du corps, il conservera son titre mondial jusqu’en 1967, date à laquelle il refuse d’aller faire la guerre au Vietnam.

«Je n’ai pas de problème avec les Vietcongs», avait-il proclamé le 17 février 1966. Il échappe à la prison mais est interdit de ring, vilipendé par une majorité de l’opinion publique américaine mais tenu par d’autres comme un pilier de la contre-culture et un champion de la cause des noirs qui se battent alors pour l’égalité des droits.

«Je mesure peut-être 2,18 m, mais je ne me suis jamais senti aussi grand que lorsque j’étais dans son ombre», a déclaré la légende du basket Kareem Abdul-Jabbar, rappelant que «Mohamed avait volontairement sacrifié les meilleures années de sa carrière et s’était battu pour ce qu’il croyait juste».

Déchu de ses titres, interdit de boxer pendant trois ans et demi, il redevient champion du monde en 1974, réunifiant les titres WBA et WBC lors de sa victoire par KO (8e round) sur George Foreman lors du mythique «Rumble in the jungle [combat dans la jungle, NDLR]» à Kinshasa, au Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo). «Une partie de moi s’en est allée, la plus grande partie», a commenté Foreman.

Ce combat, aussi médiatique que spectaculaire dans son organisation et son déroulement, marque le sommet de sa carrière. C’est lors de la préparation de ce duel qu’il avait lâché l’une de ses plus mémorables tirades : «Je vole comme le papillon, pique comme l’abeille, ses poings (de Foreman) ne peuvent pas toucher ce que ses yeux ne voient pas (…) Je me suis déjà battu contre un alligator, j’ai déjà lutté avec une baleine. La semaine dernière, j’ai tué un rocher, blessé une pierre, et envoyé une brique à l’hôpital. Je suis tellement méchant, je rends la médecine malade !»

Il a ensuite perdu son titre aux points face à Leon Spinks le 15 février 1978 et l’a récupéré en prenant sa revanche le 15 septembre de la même année. Retraité en 1979, il est contraint de remettre les gants deux ans plus tard, à 39 ans, faute d’avoir su gérer sa fortune.

C’est le combat de trop. En octobre 1981, il est tristement humilié par son compatriote Larry Holmes, trop fort pour lui (abandon, 11e reprise). Ali n’est plus « le plus grand » mais il s’entête. En décembre de la même année, une défaite face à Trevor Berbick sera son dernier combat.

Après 56 victoires en 61 combats, dont 22 en championnats du monde et 37 avant la limite, Ali raccroche les gants, cette fois définitivement. En 1996, il apparaît, malade et affaibli par la maladie de Parkinson, lors de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques d’Atlanta où, tremblant, il avait difficilement embrasé la vasque olympique.

En 2005, il avait reçu la médaille présidentielle de la liberté, la plus haute décoration civile aux États-Unis. Ses apparitions en public étaient de plus en plus rares, la dernière remontait à avril dernier à Phoenix, lors d’un dîner de charité pour lever des fonds pour la recherche contre la maladie de Parkinson.

« Il (Dieu) m’a donné la maladie de Parkinson pour me montrer que je n’étais qu’un homme comme les autres, que j’avais des faiblesses, comme tout le monde. C’est tout ce que je suis: un homme », avait déclaré en 1987 celui qui est considéré comme l’un des plus grands sportifs de tous les temps.

«Mohamed Ali ne mourra jamais, il est comme Martin Luther King. Son esprit vivra à jamais», a assuré Don King, le promoteur du «Rumble in the jungle».

Ses visites au Maroc

Mohamed Ali s’est rendu à deux reprises au Maroc. En 1972, sur invitation de Hassan II où il avait disputé un match a guichet fermé et une deuxième fois lors du mois de Ramadan 1996, toujours sur invitation du roi, qui va le décorer cette fois d’un wissam.

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