Les raisons de la nouvelle crise entre le Maroc et l'Union européenne

Rien ne va plus entre le Maroc et les 28. Le gouvernement de Benkirane vient d'annoncer la suspension officielle des contacts avec l'Union européenne. Explications.

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Un véritable coup de tonnerre. A l’occasion du Conseil du gouvernement de ce 25 février,  le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a annoncé la suspension officielle des contacts avec l’Union européenne.

Selon le porte-parole du gouvernement,  Mustapha El Khalfi, le gouvernement a fait un «  bilan politique » à l’issue duquel la suspension de ces relations a été décidée.  Cette décision a été annoncée dans la matinée du 25 février par Abdelilah Benkirane et Nacer Bourita à l’ambassadeur européen à Rabat, Rupert Joy.

Or cette annonce intervient six jours après que le service juridique du Conseil européen a déposé un appel auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) contestant le jugement qu’elle a prononcé le 10 décembre 2015. La décision, qui faisait suite à une plainte de représentants du Polisario, annule provisoirement les accords agricoles entre le Maroc et l’Union Européenne (UE). L’appel déposé par le Conseil européen n’a fait l’objet d’aucune communication officielle côté marocain, jusqu’à cette annonce à l’issue du conseil du gouvernement.

Une situation «exceptionnelle », un dossier « sensible »

Plus étonnant encore, aucun détail concernant cet appel n’a été évoqué par les instances européennes. Il est du coup difficile de savoir si le service juridique du Conseil européen a contesté l’ensemble de la décision de la CEJ ou une partie spécifique de ce jugement. Contacté par Telquel.ma, le service presse du service juridique du Conseil européen affirme n’avoir « aucun détail à ce sujet » à cause du « peu d’informations reçues ». Une situation « exceptionnelle » qui, selon ce service, s’explique par le « caractère sensible du dossier ». La même source affirme également que ce manque d’information a pour but de ne pas « dévoiler la stratégie de défense ».

Malgré le mystère qui plane autour de l’appel, la diplomatie marocaine se voulait confiante. Contacté par TelQuel, l’ambassadeur du Maroc auprès de l’UE, Menouar Alem, affirmait que la Commission européenne a, lors de ses rencontres avec la diplomatie marocaine, témoigné de son « engagement total » dans la défense du Maroc sur ce dossier. Finalement, l’appel déposé ne correspond pas aux attentes du Maroc.

Retombées néfastes

« Une décision de la Cour de justice qui ne serait pas favorable au Maroc pourrait entraîner l’annulation pure et simple de l’ensemble des accords liant le royaume et les 28 », affirme une source diplomatique. L’éventuelle mise en place d’un mécanisme de surveillance des retombées socio-économiques de l’exploitation des ressources dans les provinces du Sud,  implémentée dans le cadre des accords de pêche, n’est pas envisageable. Et le gouvernement marocain, via cette décision manifeste son ras-le-bol. « Le gouvernement a réitéré son rejet total de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 décembre 2015. Le gouvernement a dénoncé le caractère hautement politique de cette décision, ses arguments infondés, sa logique biaisée et ses conclusions contraires au droit international et en désaccord avec les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU » s’insurge le royaume par voie de communiqué du ministère de la Communication.

Lire aussi : Accords agricoles: Que cache le silence autour de l’appel du Conseil européen?

Le verdict de la CJUE est d’autant plus important que le Maroc doit se préparer à faire face à une autre affaire devant l’institution judiciaire européenne. En effet, une plainte dénonçant les accords de pêche ratifiés en 2014, déposée par une association proche du Polisario auprès de la Cour de justice, a été placée en sursis suite à une demande de la Commission européenne.

Le Maroc annonce par ailleurs la création d’ « un Comité interministériel, composé des Ministères des Affaires étrangères et de la Coopération, de l’Intérieur et de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, […] pour suivre de près le développement de ce dossier et proposer, le cas échéant, les mesures appropriées qu’il y aurait lieu de prendre pour préserver les intérêts nationaux légitimes », précise le communiqué du ministère de la Communication.

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