Amazighs. l’union, source de dissensions

Deux structures fédératrices ont fait leur apparition au sein du mouvement amazigh. L’une est axée sur les problématiques culturelles, tandis que l’autre porte des revendications plus politiques.

Un ancien du mouvement amazigh ironise : « Au moment où les Imazighen se sentent dispersés, ils se fédèrent… en deux groupes distincts ! » Il fait allusion au lancement simultané de la Fédération nationale des associations amazighes (FNAA) et de la Coordination nationale amazighe (CNA), au mois de novembre. A Rabat, 98 associations se sont réunies pour créer la FNAA. A Meknès, elles étaient 58 pour la CNA. « Je peux vous assurer qu’il n’y a aucune concurrence entre les deux évènements », déclare Ahmed Arehmouche, élu à la tête de la FNAA. Pourquoi deux structures alors ? De prime abord, leur but est simple et semblable. Il s’agit de mieux unifier le mouvement amazigh.

Mais les similitudes s’arrêtent là. « S’il y a eu deux rencontres, c’est aussi que les manières de percevoir la lutte ne sont pas complètement les mêmes », concède un militant de la CNA.

« La FNAA a pour but de mettre la pression pour l’adoption des lois organiques relatives à la langue amazighe et la création d’un conseil national des langues et cultures marocaines, prévues par la Constitution », explique Ahmed Arehmouche.

« C’est vrai que lors de la rencontre de Meknès, un discours plus offensif et contestataire a été tenu », concède Khalid Zirari, proche de la CNA. En effet, lorsque la question de la Constitution a été abordée à Meknès, personne ne s’est limité aux questions linguistiques et culturelles. « Nous pensons que le droit coutumier berbère et les traditions amazighes peuvent servir pour légiférer au Maroc et devenir des sources de droit », argue Zirari. Le communiqué émis par la CNA précise que la lutte sera engagée pour « un Etat fédéral et laïc ». « Même dans le mode de fonctionnement, il y a quelques différences entre les deux structures », explique un chercheur spécialiste du mouvement amazigh. Selon ce dernier, « la FNAA compte adopter un fonctionnement très formel et une politique de dialogue avec les autorités et les institutions, alors que la CNA se veut informelle, plus diffuse en interne et plus autonome ».

« L’égalité entre les régions est par exemple l’une des batailles actuelles les plus importantes du mouvement amazigh », tonne Rachid Elhali, qui porte la casquette provisoire de coordinateur du CNA. Du coup, le « groupe de Meknès » a exprimé tout son soutien aux mouvements de contestation de Targuist et d’Imiter. « En termes de calendrier, l’intégration de l’amazigh reste la priorité », déclare Arehmouche. « On ne peut plus réduire le mouvement amazigh aux questions culturelles, identitaires », lui répond Rachid Elhali.

La scission entre lutte démocratique et combat culturel n’est pas nouvelle au sein du mouvement amazigh. « Mais fallait-il vraiment lui consacrer deux chapelles distinctes ? », s’interroge un militant. Si cette nouvelle structuration peut être perçue comme une preuve de la vivacité du mouvement amazigh, certains y voient une division qui pourrait lui être préjudiciable.  

Les porte-drapeaux

Rachid Elhali

Coordinateur de la CNA, il est chercheur et inspecteur l’éducation nationale. Il a signé plusieurs ouvrages sur l’amazighité aux éditions de l’IRCAM et Wijhat Nadar. Se disant lui-même « activiste », il est, entre autres, le président de l’association Azmza.

Ahmed Arehmouche

élu à la tête de la FNAA, cet avocat milite depuis des années au sein du mouvement amazigh. Il a participé à la création du Réseau amazigh pour la citoyenneté, qu’il a dirigé. L’unité du mouvement amazigh lui est chère et il réfléchit à la création d’un parti berbériste.

 

 

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