Mohammed VI séjourne régulièrement dans son château de Betz, un petit bourg de la grande banlieue parisienne. En multipliant les dons et en créant des emplois, le monarque y a assuré sa popularité. C’est à se demander si les habitants du village ne sont pas devenus des “sujets” de Sa Majesté. TelQuel s’est invité au château, un voyage plus que mouvementé…
Vous en pensez quoi, vous, du roi du Maroc ? “Oh ben, je vais pas en dire du mal : il me fait bosser !”, répond le garagiste du village. “Après, sa politique… c’est sa politique”. A 2000 kilomètres de Rabat, le mécanicien ne semble guère avoir d’opinion sur la question. De toute façon, conclut-il, “comme on dit : l’argent n’a pas d’odeur !” Bienvenue à Betz, commune d’un millier d’habitants, située à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Paris. Un petit bourg entouré de bois, de champs de betteraves et de céréales, doté d’une pluviométrie à rendre jaloux n’importe quel fellah sahraoui. Un village-dortoir aux rues désertes, avec quelques vieilles maisons de caractère et de nouveaux lotissements de pavillons sans charme.
Un village calme, d’une banalité affligeante, qui n’intéresserait personne s’il n’accueillait, de temps à autre, un hôte beaucoup moins ordinaire. Ce visiteur exceptionnel n’est autre que Mohammed VI, qui possède à Betz un château hérité de son père, Hassan II. En France, le lieu lui sert de résidence principale. Le roi y séjourne “deux à trois fois par an”, indique Colette Thellier, maire du village. Pour une durée variable : “ça peut être un passage-éclair comme une visite de plusieurs semaines”, assure un gendarme local.
Ainsi, c’est depuis Betz que le monarque a suivi les élections législatives marocaines de l’automne dernier, qui ont vu les islamistes du PJD l’emporter. C’est également là qu’il se trouvait au lendemain de la présidentielle française du mois de mai. Ce qui lui a permis, au passage, d’être le premier chef d’Etat reçu à l’Elysée par le nouveau président, François Hollande.
Luxe, calme et volupté
C’est en 1972 que Hassan II a acheté sa propriété de Betz, à une Norvégienne fortunée qui avait fait du château, construit en 1913, un hôtel de luxe. Bien auparavant, à la fin du XVIIIème siècle, le site avait appartenu à une princesse de Monaco, qui dût le fuir à cause de la Révolution française, avant de se réfugier en Angleterre. Comme tous les biens du clergé et de la noblesse, son château avait alors été saisi et vendu aux enchères. Aujourd’hui, Mohammed VI est propriétaire de ce vaste domaine boisé de plus de 71 hectares, traversé par une rivière, avec deux châteaux (le plus petit, le “pavillon du prince”, a été construit sous Hassan II) et des écuries qui accueillent les chevaux de race de Sa Majesté. Le parc, qui abrite des édifices artistiques vieux de plusieurs siècles, est inscrit au patrimoine historique. Mais les villageois ne s’y sont jamais promenés, sauf en 1999, quand Hassan II les a conviés à un méchoui, ou en 2005, lorsqu’une association humanitaire y a organisé un repas à visée caritative. Le mur de la résidence royale, qui longe toute la rue principale du bourg, est doublé d’un rideau d’arbres, qui interdit aux curieux tout regard indiscret. A Betz, certains habitants n’ont même jamais vu le château qui a rendu leur village célèbre.
Bakchich royal
Mais les Bessins n’en tiennent pas rigueur au roi. Au contraire, ils rivalisent d’adjectifs élogieux pour décrire le souverain : “Simple”, “agréable”, “avenant”, “humble”, “discret”, “honnête”, “très plaisant”, etc. Sa présence “est un honneur pour la commune”, renchérit Madame le maire. Il faut dire que les Alaouites, père et fils, ont su se montrer très généreux avec la municipalité. “Chaque fois que Hassan II venait, il adressait un chèque à la commune”, certifie Philippe Boulland, l’ancien maire. La salle polyvalente du village ? Hassan II a donné au moins 300 000 francs pour sa construction. La cloche de l’église ? Hassan II a participé à son achat. La construction du centre social ? C’est Mohammed VI qui y est allé de son obole. Sans compter que “tous les ans, il donne un chèque directement au centre social”, ajoute Philippe Boulland.
Et la liste des bienfaits royaux ne s’arrête pas là. Comme Hassan II l’avait fait en son temps, Mohammed VI offre chaque été un séjour au Maroc, tous frais payés, à une quinzaine d’adolescents de la région. “Ils reviennent émerveillés de leur voyage”, assure le principal du collège. On veut bien le croire… Au programme l’été dernier : un départ par “vol spécial” de Paris à Malaga. Sur leurs photos de vacances, les enfants semblent être les seuls occupants de l’avion. Accueillis par le consul du Maroc à Algésiras, les jeunes ont ensuite rejoint le Maroc en ferry, où ils ont été hébergés pendant trois semaines dans les meilleurs hôtels. A Tanger, ils séjournent à El Minzah, à Rabat et Agadir, au Sofitel, à Casablanca, au Hyatt Regency…
Employeur n°1
Autre bénéficiaire de la magnanimité royale : le personnel de la propriété, recruté parmi les habitants de Betz et des villages alentour. Selon Madame le maire, le souverain alaouite est le “plus gros employeur” du village, avec “une vingtaine d’employés à l’année” : jardiniers, femmes de ménage, palefreniers… qui s’occupent au quotidien de l’entretien des bâtiments, du parc et des chevaux royaux. Quand le roi est là, le nombre d’employés augmente, avec les extras embauchés pour la plonge ou la cuisine.
Pour les commerçants du village, les visites royales sont également de véritables aubaines. La boulangerie livre au château jusqu’à “300 baguettes par jour”, puisque le roi ne vient pas seul, mais avec une foule de serviteurs. “200 personnes”, comme l’affirme la presse régionale. “Parfois plus, précise l’ancien maire, Philippe Boulland. Mais c’est beaucoup moins que du temps de son père. Hassan II, c’était quatre ou cinq fois plus”. Logé en partie dans des maisons du village acquises par le roi, ce personnel prend son café au bar, achète des médicaments à la pharmacie et de la nourriture à la supérette. Question chiffre d’affaires, c’est “un petit plus non négligeable”, témoigne la gérante Angélique Vétu, qui se rappelle, avec un grand sourire, encore émoustillée, la fois où le roi est venu en personne, “très discrètement”, faire ses courses dans son CocciMarket.
Pour les artisans du coin également, la présence du roi représente une belle occasion de travailler. “Après avoir fait beaucoup de travaux dans le parc”, il a décidé de rénover le château. D’après Philippe Boulland, ces importants travaux, étalés “sur deux ans” sont destinés à “aménager le bâtiment” de manière à ce qu’il soit “à son goût tant en décoration qu’en fonctionnalité”.
Petits arrangements entre amis
Mohammed VI n’est par contre jamais entré dans le bistrot du village, “Le 24”. Mais il est intervenu personnellement en faveur du gérant, afin de l’aider à obtenir la licence tabac nécessaire pour vendre des cigarettes. Ainsi, le personnel royal pourrait s’approvisionner sur place, au lieu de faire plusieurs kilomètres en voiture. “C’est moi qui ai écrit au roi”, confie Philippe Boulland, l’ancien maire, qui est aussi actuel député européen (UMP), membre du groupe d’amitié Maroc-Union Européenne au parlement européen et farouche partisan de l’accord de pêche Maroc-UE. “Mohammed VI m’a promis qu’il allait écrire à Nicolas Sarkozy. Ce qu’il a fait”. Mais sans succès : aujourd’hui, le bar n’a toujours pas décroché la licence tabac, et Nicolas Sarkozy n’est plus président. Et si le monarque ne peut pas tout, il fait beaucoup.
On comprendra donc sans mal que les habitants de Betz apprécient la présence de cet hôte très généreux. En parcourant le village, en interrogeant des dizaines d’habitants, nous n’avons rencontré qu’une seule personne à avoir une dent contre le roi. Il s’agit… d’un Algérien, livreur de colis, qui en veut surtout aux employés de Mohammed VI. “Quand ils sont là, rien ne va. Le mec à l’entrée, il te prend ton colis, il rentre à l’intérieur, et il ne revient pas te signer le bon !” Quant au roi en personne, qu’il n’a fait qu’apercevoir, c’est surtout son opulence qui lui pose problème : “T’imagines les gens là-bas (au Maroc), ils n’arrivent même pas à se soigner, et lui, il a un château là. Et il n’a pas que celui-là !”
à Betz, le Front national a obtenu 24% de voix au premier tour de la dernière élection présidentielle, soit 7 points de plus que la moyenne nationale. Au café, il se dit que certains habitants sont gênés par les visites royales, synonymes de l’arrivée des “bougnoules”. Mais, globalement, à Betz, Mohammed VI ne semble déranger personne, à part quelques contribuables agacés par le fait que les gendarmes affectés à la sécurité du monarque soient payés avec leurs impôts. “En tant qu’amatrice d’histoire locale, je regrette beaucoup que le parc ne soit pas ouvert au public, ajoute Dominique Vasseur, auteure d’une brochure fleuve sur l’histoire du château. Pour le reste, que ce soit le roi du Maroc ou n’importe qui d’autre, ça ne nous change pas la vie. Du moins, depuis l’avènement de Mohammed VI”.
Circulez, y a rien à voir !
Car à l’époque de Hassan II, les choses se passaient bien différemment, et les villageois n’en gardent pas que de bons souvenirs. Pour cause de sécurité, le village passait alors en mode “couvre-feu”. “Il y avait un gendarme tous les trois mètres. Quand vous rentriez ou que vous sortiez de Betz, il fallait montrer sa carte d’identité”, se souvient la gérante de la supérette. “Une fois, un médecin est arrivé pour une urgence. Ils ne l’ont pas laissé passer”, relate un retraité. “C’était oppressant”, résume un jeune du village. à en croire l’ancien maire, Philippe Boulland, “la mairie était envahie” par les services de sécurité. “Moi, je n’avais plus de bureau. On ne pouvait plus faire de réunions dans la salle du conseil. Le garde du corps de Hassan II, Raymond Sassia, venait et me disait : ‘Monsieur le Maire, quittez votre bureau que je le prenne’”.
Aujourd’hui, le dispositif de sécurité est bien plus modeste. “Devant la mairie, il y a une voiture de gendarmes en permanence, et c’est presque tout”, poursuit l’ancien maire, qui rappelle qu’à l’époque de Hassan II, “il y avait plus de risques d’attentats”. ça, le village en sait quelque chose. Lors du coup d’Etat manqué du 16 août 1972, lorsque le Boeing de Hassan II fut attaqué en plein vol, le roi revenait précisément de Betz. La veille, à 18h30, il avait été fait citoyen d’honneur de la commune par le maire de l’époque, Marcel Grosbois.
Le discret
Est-ce pour conjurer le mauvais sort que Hassan II a encouragé le jumelage des localités de Betz et de Skhirat ? Difficile à dire. Ce qui est certain, c’est qu’à l’instar de son père, Mohammed VI “est très attaché à la commune”, comme l’assurait l’an passé Philippe Boulland au Courrier Picard. “Il m’a même dit un jour qu’il ne s’était jamais aussi bien reposé qu’ici”. En tout cas, le roi se fait discret. Les Bessins ne remarquent ses visites que par le biais du drapeau marocain, accroché au mât à l’entrée de la propriété, et par la présence des “chauffeurs en costard dans des voitures noires” qui attendent dans la rue à longueur de journée. Mohammed VI ne se serait promené qu’une seule fois dans le village, visitant notamment la supérette et la pharmacie. “Il faut dire qu’il n’y a rien à voir ici”, plaisante “Monsieur Hassan”, le pizzaïolo du village, originaire de Ain Sebaâ. Finalement, les villageois ne savent pas grand-chose des activités de Mohammed VI lors de ses séjours à Betz. Le Parisien et l’AFP ont seulement révélé que le roi y monte ses chevaux (il en aurait huit), notamment Quintus et Rivulus, deux percherons (chevaux de trait) qu’il a exhibés au Salon de l’agriculture de Paris. Canasson hors pair, désigné “champion international de sa race”, Rivulus aurait été acheté 15 000 euros.
La loi du silence
Pour le reste, il est extrêmement difficile de savoir ce qui se trame derrière les murs d’enceinte, ni même à quoi ressemble l’aménagement intérieur du château. Plusieurs ouvriers qui y ont travaillé nous assurent que “ce n’est pas très luxueux”. Un artisan juge même que “c’est un peu vieillot” et que “ça aurait besoin d’être sérieusement rénové”.
Impossible d’en savoir plus : dès qu’on évoque le roi du Maroc, un climat de peur et de méfiance s’installe. L’immense majorité des employés refusent de parler à la presse. Un autre ouvrier, à qui nous demandions simplement combien de pièces comporte le château, a répondu qu’il ne pouvait “rien divulguer”, avant d’avaler son café d’un trait et de s’éclipser à toute vitesse. Dominique Vasseur, qui s’est intéressée de près à l’histoire du château, confirme qu’il est “très dur de recueillir des témoignages”, les employés trop bavards craignant “d’être licenciés”.
Une employée occasionnelle du château, qui nous avait pourtant fait une description des plus flatteuses de Sa Majesté (“Un monsieur très très très bien !”), nous a demandé, les larmes aux yeux, de ne pas rendre public son témoignage. Plus étonnant, même des gens n’ayant rien à gagner ou à perdre de la présence du roi, et qui ne nous avaient confié que des anecdotes anodines, nous ont demandé de rendre leurs citations les plus anonymes possibles – “parce que si la mairesse sait que c’est moi qui vous ai raconté tout ça, elle va me tuer” !
Les républicains de Sa Majesté
Dans ce climat étrange, le groupe d’opposants marocains, qui désiraient manifester devant le château pour dénoncer “la dictature et la prédation économique royale”, n’ont guère trouvé de supporters locaux (voir encadré). “C’est n’importe quoi, s’emporte un client du café. Venir manifester à Betz, alors que le roi amène du monde dans le village et qu’il fait travailler les commerçants… Laissez-le tranquille ! Il est bien moins pire que son père”. “Ils n’ont rien à faire ici”, s’écrie une employée du château, promettant d’aller “engueuler” les manifestants. “Tout ce barouf, ça ne nous amuse pas du tout”, renchérit la fille d’un ancien maire (du temps de Hassan II), craignant que Mohammed VI ne décide de déserter le village, “comme Hassan II quand Mme Mitterrand s’était immiscée dans les affaires du royaume”.
Plus prosaïquement, de nombreux habitants s’accordent à penser que les problèmes du Maroc doivent rester au Maroc et qu’ils n’ont rien à faire à Betz, où la politique marocaine n’intéresse pas grand monde. Selon Dominique Vasseur, l’auteure de la brochure sur l’histoire du château, “il y a plein de gens qui ne s’intéressent pas à ce qui se passe en France. Alors, ce qui se passe au Maroc…” Le cafetier confirme : “Ma politique à moi, c’est mon pain, mes enfants, ma famille”. Sans oublier que les rares échos qu’il a eus de l’action royale au Maroc étaient positifs : “La plupart des Marocains que j’ai rencontrés m’ont dit que c’était le roi des pauvres, quelqu’un qui aide les plus démunis”.
Opposants offshore
Non autorisé, le sit-in n’a finalement pas lieu. à Betz, au cœur du “pays des droits de l’homme”, seuls quelques autochtones ont été choqués par cette interdiction, et parmi eux, seule une personne était franchement d’accord avec les contestataires. Au motif, a-t-elle justifié, que “le roi est riche à gogo, et qu’il taxe les pauvres”. Mais ce n’est pas Colette Thellier, la maire du village, qui tiendrait ce discours. Quand elle a pris connaissance du projet de sit-in, qui devait prendre la forme d’un bivouac installé jour et nuit, pendant une semaine, devant l’entrée du château, elle s’est empressée de publier un arrêté municipal interdisant le camping sauvage sur tout le territoire communal. Pour ne pas indisposer son royal administré ? “Non, c’est pour la tranquillité de son voyage, nous répond-elle. Le roi vient pour se reposer et il ne crée pas de problèmes. On tient à ce que le village reste calme”. Avant d’ajouter ces paroles énigmatiques : “C’est vrai que la France est le pays des droits de l’homme, mais je trouve qu’on en abuse”.
Lorsqu’il l’a rencontrée pour lui exposer son projet de manifestation, le principal organisateur du sit-in, Mustapha Adib, a offert à Mme la maire deux brûlots anti-Mohammed VI : Le Roi prédateur (d’Eric Laurent et Catherine Graciet, Ed. Seuil) et Le Grand malentendu (de Ali Amar, Ed. Calmann Lévy). L’édile a promis de les lire et de les déposer ensuite à la bibliothèque municipale. Lors de notre séjour à Betz, elle ne l’avait toujours pas fait…
Témoignages. Ils ont parlé au roi La plupart des habitants de Betz n’ont jamais vu le roi. Mais certains ont pu lui parler, comme l’ancien maire Philippe Boulland : “C’est quelqu’un qui sait mettre à l’aise son interlocuteur et qui vous parle comme on est en train de parler là. (…) Finalement, au bout d’un moment, on oublierait presque que c’est le roi du Maroc. Il y a un protocole, mais l’ensemble de l’entretien n’est pas entaché de trop de cérémonial”. Du côté de Fabrice Fagot, plombier qui travaille régulièrement au château, le son de cloche est à peu près le même : “Il est comme nous. C’est quelqu’un qui discute tranquillement. C’est le gars qui reste simple, qui ne se prend pas la tête, qui ne nous prend pas la tête. Il vient, nous salue, nous demande ce qu’on fait…” Et au fait, il parle comment le français, le roi du Maroc ? “Peut-être mieux que moi”, sourit l’artisan. |
Anecdotes. Contes et légendes du palais Le culte du secret qui règne au-delà des murs de la propriété royale génère naturellement un torrent d’histoires et de rumeurs peu vérifiables. En vrac : “Quand le roi est là, il donne 2500 euros de prime à ses employés” ; “à l’intérieur, il y a des robinets en or” ; “à l’époque de Hassan II, un ouvrier s’est permis d’utiliser les toilettes du roi , il a été licencié” ; “Quand Hassan II a offert le méchoui aux villageois, certains lui ont volé de la vaisselle”… L’ancien maire, Philippe Boulland, se souvient que des légendes complètement farfelues ont tourné autour du village : “J’étais obligé de dire qu’on ne votait pas notre budget en dirhams, mais en francs puis en euros”. Ou encore : “Des gens venaient nous voir à la mairie pour nous dire ‘J’aimerais bien habiter Betz parce qu’il paraît que grâce au roi du Maroc, vous ne payez pas d’impôts’”. Ce qui est faux, bien entendu. D’ailleurs, à Betz, assure l’ancien maire, “même le roi du Maroc paye des impôts (fonciers)”, puisqu’aujourd’hui, la propriété est une résidence privée. Elle n’a plus le statut d’ambassade qu’elle a eu par le passé. à ce titre, elle ne bénéficie donc plus de l’extraterritorialité. |
Zoom. Chronique d’une manif’ avortée Une manifestation d’opposants devant le château du roi du Maroc ? à Betz, on n’avait jamais vu ça. Et on ne risque pas de le voir de sitôt : le sit-in prévu du 27 octobre au 2 novembre a été interdit par les autorités françaises. Motif ? “Risques de troubles à l’ordre public”. La préfecture de l’Oise a expliqué qu’elle craignait des affrontements entre les manifestants et d’éventuels contre-manifestants. Le préfet a aussi déclaré, en substance, que sécuriser les abords des 71 hectares du parc, afin d’empêcher toute intrusion, nécessiterait des moyens policiers trop importants. L’appel à manifester avait été lancé par le Collectif pour la dénonciation de la dictature au Maroc, qui regroupe “une cinquantaine de Marocains et de binationaux”. Mené notamment par Mustapha Adib (ex-capitaine des FAR qui fut emprisonné pendant deux ans pour avoir dénoncé des faits de corruption), le collectif rassemble aussi Hicham Dlimi (neveu du célèbre général) et Mahjoub Tobji (ancien aide de camp du même général). Pour Mustapha Adib, l’interdiction du sit-in, “liberticide”, “a l’air d’être politique. Nous le constatons avec beaucoup de regret et d’amertume, surtout de la part d’un gouvernement de gauche”. Car si les membres du collectif souhaitaient manifester devant le château de Betz, qui est selon eux “un bien mal acquis”, c’était pour attirer l’attention sur “la prédation économique du roi”. Mais ils n’ont pas pu exprimer leur point de vue : le 27 octobre, premier jour du sit-in, le village de Betz était rempli de fourgonnettes de gendarmerie. Les manifestants, eux, sont restés introuvables. Ce jour-là, seuls quatre représentants du collectif ont fait le déplacement à Betz, en espérant que le juge des référés, saisi en urgence, annulerait l’interdiction à la dernière minute. Peine perdue : en arrivant au village, les organisateurs ont appris que leur recours avait été rejeté. Longuement interrogés par les forces de l’ordre, ils ont vite repris la route vers Paris, en promettant d’organiser des manifestations devant d’autres propriétés de la famille royale en France. Les gendarmes, eux, sont restés dans le village, y instaurant un climat des plus pesants. Dans les rues du bourg, des passants ont eu droit à des contrôles d’identité à répétition. En trois jours, l’auteur de ces lignes a dû se soumettre à quatre de ces contrôles. Quand il a voulu rencontrer le préposé à l’entretien du château, les forces de l’ordre l’ont empêché de sonner à la porte de la résidence royale, qui se trouve pourtant dans le domaine public. Enfin, par deux fois, les gendarmes, arguant d’un arrêté préfectoral vraisemblablement fictif, l’ont obligé à effacer des photos qu’il avait pu prendre du dispositif policier. En France, dès lors qu’il est question du roi du Maroc, la liberté de manifestation et la liberté de la presse semblent ne s’appliquer qu’avec parcimonie. Le Wissam alaouite décerné l’an passé à Manuel Valls, actuel ministre de l’Intérieur français, y serait-il pour quelque chose ? |
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