Confronté aux défis imposés par une conjoncture inflationniste aujourd’hui à deux chiffres, l’écosystème de la finance participative au Maroc continue quand même de rester sur son trend haussier. L’arrivée de l’assurance Takaful, elle, a permis de redonner vie à ce secteur considéré de nos jours comme étant un outil d’inclusion financière. Dans cet entretien, Mouna Lebnioury, directrice générale de Bank Al Yousr, nous livre sa propre analyse des enjeux et des tendances actuelles du marché.
TelQuel : Peut-on savoir dans un premier lieu, comment se distingue Bank Al Yousr par rapport aux autres banques participatives de la place ?
Mouna Lebnioury : Notre spécificité réside dans notre positionnement très tôt sur le segment de l’entreprise et d’avoir mené notre construction avec cohérence dans le respect de ce choix stratégique. Nos atouts aujourd’hui sont basés sur l’innovation d’abord. Sur ce registre, nous menons un travail d’ingénierie basé sur les contrats validés par le CSO, ce qui nous permet de délivrer une proposition de valeur répondant aux besoins particuliers de nos clients.
Nos atouts résident dans un deuxième lieu dans la qualité de notre conseil et notre accompagnement de bout en bout. En enfin, l’engagement ferme de livrer des prestations autour du volet “charia tique” puisque telle est la promesse centrale de notre business modèle. Pour mener à bien cette tâche, nous sommes accompagnés par notre conseiller Charia externe, le Dr Mohammed Karrat, expert en finance islamique, qui exerce les missions de conseil déclinées sous plusieurs formes et cela depuis la création de la Bank Al Yousr
Concrètement, qu’a-t-il permis le démarrage de l’assurance Takaful ? Quelle place occupe-t-elle parmi les assurances Takaful dans votre propre écosystème ?
L’assurance Takaful disponible aujourd’hui est celle du décès invalidité. Elle est aujourd’hui adossée à l’ensemble de nos nouveaux financements, toutes cibles confondues. Le Takaful nous a en fait libéré d’un poids qui était lourd à supporter tant par nos banques que par nos clients contraints pendant un moment de recourir à des financements sans pouvoir les couvrir.
Aujourd’hui, c’est derrière nous et tout ce que nous souhaitons, c’est que nous puissions compléter rapidement la palette de notre offre par les produits dont les contrats ont déjà reçu l’avis favorable du CSO, mais qui sont toujours en phase projet auprès des compagnies.
Six ans après son lancement, quel bilan dressez-vous de la finance participative au Maroc ?
Comme tout bilan, il y’a des points positifs et d’autres qui présentent encore des marges de progrès. Sur le segment des particuliers, le secteur se porte bien et il a pu s’imposer sur cette catégorie. Pour ce qui est du segment des entreprises et des professionnels, le secteur est sur la bonne voie grâce à l’élargissement de la palette de l’offre dédiée à cette catégorie.
Pouvez-vous nous fournir des chiffres ?
Le marché de la finance participative a enregistré des taux de croissance satisfaisants, soit +14 % sur les ouvertures de compte (173 000), +15 % financements (production 22 milliards DH), +16 % dépôts (8 milliards DH).
Le secteur a gagné en notoriété, il dépasse les 40 % en notoriété spontanée avec une perception d’image de la banque participative en nette évolution autour de l’attribut “banque complète et de banque universelle, bien qu’encore en construction”.
Malgré cette avancée notable, nous sommes aujourd’hui très attendus sur la capillarité de notre réseau ou pour davantage de proximité avec nos clients. Nous sommes également attendus au niveau de l’élargissement de la palette de notre offre pour augmenter notre attractivité sur le volet collecte et placement surtout. C’est dire si les relais de croissance sont bien identifiés, mais il reste à les explorer et à les exploiter. Globalement, le bilan est satisfaisant, mais perfectible.
Selon vous, quels sont les défis encore à surmonter pour cet écosystème relativement nouveau au Maroc ?
Il y a des défis communs avec le secteur bancaire conventionnel liés à la relance de l’économie et à son accompagnement, ainsi qu’à l’expérience client et comment s’adresser à ce dernier à l’ère du digital. Maintenant, pour la banque participative, les défis peuvent se résumer en un exercice didactique de notre part pour aider à la bonne compréhension par nos prospects qu’une banque participative ne commercialise pas forcément des équivalents aux produits conventionnels, mais qu’elle relève d’un modèle différent qui présente des produits et services différents néanmoins couvrant les mêmes besoins en étant conformes à la Charia et validés comme tels par le CSO.
Maintenant, il faut de notre côté travailler sur l’accélération du processus de construction de l’offre des produits de financement, sur le développement d’une offre de produits Takaful pour la couverture des risques de l’entreprise et sur l’intégration des banques participatives dans la plupart des programmes étatiques d’encouragement de la PME moyennant de légers ajustements réglementaires. Il faut aussi travailler sur l’élargissement de l’horizon des placements participatifs.
Bank Al Yousr a été élue meilleure banque participative au Maroc en 2022 par World Finance au Mena Investment & Development Award. Que dit cette distinction sur l’offre de votre banque participative ?
Cette distinction, avec les prix décernés à Bank Al Yousr de “La Meilleure Banque Participative au Maroc” et “La meilleure banque participative au Maroc pour sa qualité de service”, est gratifiante. Elle vient conforter Bank Al Yousr dans sa position en tant que banque participative de référence de l’entreprise au Maroc et confirmer ce que nous révélaient déjà nos chiffres en constante croissance et nos clients chefs d’entreprises, dont 95 % se déclarent satisfaits de notre offre bancaire au quotidien, de notre offre de financement et de notre qualité de service.
Ces prix sont également pour nous un encouragement. Nous sommes conscients qu’il y a encore du chemin à faire, mais ils nous indiquent que nous sommes sur la bonne voie. Ils nous incitent à poursuivre nos efforts dans la délivrance d’une proposition de valeur complémentaire sur le marché bancaire marocain et à satisfaire nos clients qui recherchent aussi bien une réponse complète à leurs besoins qu’une solution respectueuse de leurs convictions.
Maintenant, nous sommes une banque en construction et sommes conscients des défis et des enjeux qui nous incombent encore, tant en général au regard du rythme d’évolution du secteur qui nous impacte, qu’en particulier, au regard de nos propres ambitions, nos ressources mobilisées et la stratégie déployée pour les atteindre.
Cela étant, ces prix représentent un vrai signal positif que nous percevons comme une confiance accordée et une reconnaissance de la qualité que nous délivrons, qui convient aujourd’hui aux attentes fondamentales de la clientèle marocaine, particuliers, professionnels et entreprises.
Vous vous targuez d’être une banque tournée vers le client. Qu’apporte cette proximité ?
De par notre choix stratégique qui fait de Bank Al Yousr la première banque participative à s’adresser au segment de l’entreprise, nous côtoyons des clients avec des exigences fortes et des attentes qui nous challengent au quotidien et nous imposent une certaine qualité de service, un travail régulier d’ingénierie sur la base des contrats disponibles et des réajustements permanents en conséquence pour être toujours au rendez-vous.
Nos clients sont certes en quête d’une banque en phase avec leurs principes, mais ils ne sont néanmoins pas prêts à concéder en qualité de services et notre proximité. Être à l’écoute en permanence nous permet de vraiment les accompagner dans leurs projets et de construire nos prestations en fonction de leurs attentes.
Il faut croire que ça marche, Dieu merci, et au risque de me répéter, 95 % de nos clients-entreprises déclarent être satisfaits de notre banque. (Source étude quantitative LMS). Nous devrions aussi pouvoir rapidement développer notre capacité à mobiliser des ressources soit dans le cadre des dépôts d’investissement des contrats wakalabilistitmar ou encore des émissions sukuk.
L’écosystème participatif gagnerait à compléter la couverture des composantes non encore traitées, à savoir le marché de capitaux, que ce soit en matière : OPCVM : par l’agrément/la création de fonds dédiés à la finance participative.
Actions : m’AMMC travaille actuellement sur la mise en place d’un indice boursier dédié, qui sera validé par le CSO, et permettra de créer un univers d’investissement Charia Compliance pour le compte des compagnies TAKAFUL, les banques participatives et les asset managers de nos clients actuels ou potentiels.
Pour conclure, quelles sont les perspectives de développement de la banque participative au Maroc ?
Je pense que le modèle participatif a clairement dévoilé son potentiel. Maintenant, les attentes sont fortes, mais heureusement et comme je l’ai mentionné auparavant, il reste encore des relais de croissance à explorer et à exploiter. La banque participative gagnerait à rapidement enrichir son offre produits pour répondre aux besoins spécifiques de certains segments.
L’écosystème participatif, quoique toujours en construction, livre déjà des indicateurs plus qu’honorables. Nous sommes donc plus que confiants pour la suite. Une fois cette construction achevée, nous pourrons explorer pleinement tous les gisements de cette industrie.