L’émergence de l’expression “smart city”, à la fin des années 2000, a connu un succès mondial, de Singapour à New York, en passant par Sydney, Dubaï ou encore Casablanca (E-Madina) !
Derrière ce concept se cache la volonté de rendre les territoires urbains plus intelligents, plus durables, plus résilients et plus inclusifs à l’aide des nouvelles technologies, mais pas que…
Concept à la mode pour certains, solution ultime pour rendre la ville plus durable pour d’autres, la smart city trace son chemin et s’impose peu à peu comme un nouveau modèle de développement urbain. Difficile toutefois d’en donner une définition précise ; la smart city est protéiforme. Chaque ville s’approprie le concept et l’adapte à son propre contexte. On voit donc se côtoyer et coexister différentes “générations” de villes intelligentes.
Le Maroc a entamé une première réflexion dans le domaine des Smart Cities, et ce depuis 2015. La ville de Casablanca a été la première ville africaine à faire partie du réseau de 25 villes intelligentes lui permettant de réfléchir à un schéma directeur pour le déploiement de la Smart City dans la capitale économique.
D’autre part, nous avons vu l’établissement en 2015 du cluster E-Madina comme groupe de réflexion autour de cette transformation nécessaire pour la capitale économique du Maroc.
E-Madina, initiative lancée par des d’entrepreneurs, des universitaires et des services de la ville, a permis de faire entrer la ville de Casablanca dans la IEEE Smart City Initiative, de structurer avec un événement annuel, Smart City Casablanca, ainsi que de lancer certaines initiatives pilotes. E-Madina a aussi permis de développer quelques premiers concepts sur ce que pourrait être la ville smart e-Casablanca.
Les villes ou territoires urbains de demain se construisent aujourd’hui
Mais que veut-on vraiment dire par ville intelligente ? Comment pouvons-nous réussir ce défi d’envergure pour les villes de notre nation ?
Les villes et les communes marocaines doivent faire face à trois défis majeurs dans les années à venir :
• Le développement rapide et galopant de l’urbanisation
• Le début d’un cycle de vieillissement de la population
• La recherche constante d’une meilleure qualité de vie par les citoyens
À ces défis s’ajoute leur volonté de miser sur la durabilité, l’efficacité énergétique, mais aussi le nécessaire gain de gestion des ressources financières et le développement de leur attractivité sociétale, économique et touristique.
Le concept de Smart Cities — villes connectées, intelligentes et durables — offre une nouvelle perspective sur votre ville ou commune en rendant possible la réponse à ces grands défis. Pour une ville, placer le citoyen au centre de ses préoccupations et inclure dans son projet la mobilité, l’efficacité du service public, la sécurité, la formation et la santé, l’énergie et le monde du travail, c’est se donner toutes les chances d’être à la hauteur pour relever les énormes défis de demain.
Le solutionnisme technologique (Smart City 1.0)
À l’origine de ce concept, on retient la volonté de résoudre les problématiques urbaines (défis démographique, énergétique, climatique, accès et répartition des ressources, etc.) en faisant appel aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. La première génération d’approche smart city 1.0 vise ainsi à maximiser l’utilisation des technologies de pointe comme levier de viabilité, de durabilité et de contrôle. La ville y est vue comme la somme de services ou de réseaux (mobilité, énergie, eau, déchets, etc.) dont on peut optimiser les flux et les ressources grâce à la récolte et au traitement d’informations. L’approche unique par la technologie a toutefois ses limites.
La technologie au service de la ville, des entreprises et des citoyens (Smart City 2.0)
Avec la smart city 1.0, on laisse en effet de côté l’idée que la ville est avant tout une organisation sociale et l’on néglige dès lors le facteur humain, au risque de rendre la ville “froide”, bardée de capteurs, cameras et gérée par des algorithmes.
Mais c’est aussi l’idée même que les nouvelles technologies puissent régler l’essentiel des défis auxquels notre société et nos villes font face qui est remise en cause.
Le développement des villes devrait au contraire être basé sur celles et ceux qui la font et qui la vivent. C’est autour de cette idée que se déploie alors une version 2.0 de la smart city. Dans cette approche, les outils technologiques restent présents et essentiels, mais sur la base d’une vraie légitimation de leurs nécessités de leurs usages et répondant aux besoins du terrain des collectivités. Ce ne sont plus les seules approches technologiques qui imposent leurs solutions, mais les collectivités locales qui déterminent le rôle que jouent ces dernières dans le développement de la ville. Elles le font avec en tête la volonté d’améliorer la qualité de vie des entrepriseset des citoyens ; mais aussi son attractivité.
L’intelligence collective comme moteur (Smart City 3.0)
Si la plupart des villes intelligentes, d’aujourd’hui, dans le monde peuvent être affiliées à la génération smart city 2.0, le concept continue d’évoluer pour y intégrer plus de participation citoyenne. Les nouveaux projets estampillés smart se caractérisent ainsi toujours plus par la mise en réseau, l’échange d’informations et l’intensification de la coopération entre parties prenantes. On parle donc aujourd’hui de smart city 3.0, axée sur la cocréation citoyenne où le développement du capital humain et social qui est replacé au centre. Ceci tombe paraient pour le Maroc qui à travers le Nouveau modèle de développement arrive aux mêmes conclusions pour notre pays et nos concitoyens
Et demain ? Quel nouveau virage prendra la smart city ? Face à l’épuisement des ressources, il paraît au moins important de se libérer du seul prisme technophile pour guider le développement de nos villes et de faire appel à l’intelligence collective plutôt qu’à la seule intelligence artificielle. Savoir donc reconnaître aussi l’intelligence d’une ville low tech, frugale en énergie et en matières premières.
Les Smart Cities ou territoires urbains : un environnement centré autour du citoyen ?
Le concept de Smart City 3.0, ou ville intelligente, se centrera autour de son citoyen. Comment faire alors en sorte de créer un meilleur environnement, personnalisé, avec des services rapides et fiables et ce, avec une expérience de vie agréable et efficace ?
Plus concrètement, cela peut inclure des feux de circulation adaptatifs à l’aide d’analyse de trafic, pour diminuer la congestion routière. Cela peut être également matérialisé par une coordination automatique avec les services d’urgence lors d’accidents ou de malaises chez les citoyens à l’aide de leur Smartphone ou Smart Watch ou encore le module SOS Santé de leur véhicule.
Cela peut également s’illustrer pour les citoyens par avoir un accès instantané à tous leurs documents administratifs sur un guichet d’administration virtuel, ou même un système de gestion de l’eau et d’électricité intelligent avec intégration de Smart Meters avec une énergies renouvelables.
Des “villes intelligentes” au Maroc ? Une réflexion locale sur une tendance globale
Lorsque vous passez le comptoir d’enregistrement à l’aéroport international Mohamed V de Casablanca, un affichage numérique vous apprend que l’on a utilisé x quantité d’énergie solaire et économisé x quantité d’énergie grâce à l’installation de panneaux polycristallins qui alimentent la plate-forme de transit. Voilà peut-être de quoi surprendre agréablement une touriste qui n’aura pas encore eu l’occasion de constater d’autres progrès, comme l’amélioration des transports publics à Casablanca et Rabat. Mais pour un citoyen du pays, il y a là matière à réflexion, car le terme “ville intelligente” évoque l’idée d’une amélioration de l’infrastructure d’abord de base et du recours à la technologie pour y répondre. Cependant et depuis quelques années, au Maroc, les attributs d’une ville “intelligente” sont plus souvent un sujet de réflexion qu’une incitation à réellement passer à l’action. Ce sont les développements de l’infrastructure de ce type, de même que les problèmes posés par l’accès à l’eau et par l’encombrement de la circulation, qui ont motivé les premières réflexions en 2014. Depuis lors très peu d’avancées dans la concrétisation du déploiement de la smart city dans nos plus grandes villes Marocaines ont été constatées.
La connectivité très haut débit, un préalable aux Smart Cities
Pour revenir aux aspects basiques, l’implémentation de la connectivité très haut débit et de la numérisation du service public sont un préalable au développement et déploiement effectif des Smart Cities au Maroc.
Afin de pouvoir opérer des solutions, réseaux et applications, intégrées de bout en bout, il est nécessaire de disposer d’une connectivité très haut débit et qui devrait être dans l’idéal de la fibre optique et/ou de la 5G. Cette connectivité très haut débit permettrait de mettre en place, rapidement, des solutions évolutives et éprouvées type “Huawei Smart Cities”, utilisé dans plus de 160 villes avant-gardistes dans le monde.
Mon humble conclusion, c’est que les villes marocaines ou territoires urbains ne devraient pas chercher à copier totalement les modèles de la Silicon Valley ou des villes tels que Dubaï ou Singapour : celle-ci ont connu un processus de développement organique basée sur leur propre histoire urbanistique récente.
De plus, chaque zone géographique et territoires urbanistiques ont des qualités et des problématiques qui leur sont propres. Les villes du Maroc possèdent une richesse et identité uniqueainsi que des contraintes propres. Dès lors le concept de “Smart Cities” marocaines devra être élaboré in situ et localement en prenant en compte des approches réussies de par le monde applicable au contexte local.
Beaucoup de responsables publics au Maroc considèrent le concept de “smart cities” comme de simples techno-utopies réservées à des villes qui peuvent se permettre de vivre dans de tels environnements futuristes. Je pense au contraire que le déploiement de tels concepts pourra permettre à ces derniers de répondre rapidement aux enjeux majeurs des territoires urbains qui compteront plus de 72 % de la population marocaine en 2050 (source HCP).
Mounir QALAM