La visite d’État d’Emmanuel Macron à Rabat fin octobre a marqué un tournant dans les relations entre le Maroc et la France, après plusieurs années de tensions. La reconnaissance explicite par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara a été au cœur de cette réconciliation.
“Il y a d’abord la reconnaissance par la France d’une vérité, un devoir de justice et un devoir de vérité rempli par la France vis-à-vis du Maroc”, a affirmé Samira Sitaïl sur le plateau de TV5Monde. Elle a toutefois tenu à souligner qu’il ne s’agissait pas d’un geste de faveur. “Ce n’est pas un cadeau”, a-t-elle insisté.
Revenant sur le soutien de la France au plan d’autonomie marocain proposé en 2007, elle a rappelé que ce plan est aujourd’hui considéré par 112 pays comme “la seule solution réaliste, réalisable et durable” pour résoudre ce conflit vieux de plusieurs décennies.
Évoquant le rôle de l’Algérie dans ce différend, elle a dénoncé l’implication directe de ce pays comme partie prenante, et non comme simple soutien au Front Polisario. “C’est un différend qui dure depuis 49 ans et pour lequel nous avons des dizaines de milliers de compatriotes retenus dans des camps, dans des conditions indignes, dans le sud de l’Algérie”, a-t-elle déploré.
Le conflit au Proche-Orient a également occupé une place importante dans l’entretien. Sitaïl a exprimé le soutien du Maroc au peuple palestinien et appelé à un cessez-le-feu immédiat. “La position du Maroc, c’est un cessez-le-feu immédiat. C’est bien évidemment la préservation de la vie, la préservation des populations civiles. C’est bien évidemment la mise en place de couloirs humanitaires qui permettent aux aides humanitaires d’arriver dans les meilleures conditions aux populations palestiniennes. Et enfin, (…) la mise en place, la réhabilitation de la solution à deux États” pour permettre “aux Palestiniens et aux Israéliens de vivre dans la paix”, a-t-elle affirmé.
“Nous sommes un pays qui a la possibilité de discuter avec Israël au quotidien”
Elle a également mis en avant le rôle stratégique du Maroc dans ses relations avec Israël. “Nous sommes un pays qui a la possibilité de discuter avec Israël au quotidien”, a-t-elle révélé, citant, comme exemple, l’acheminement de 40 tonnes de vivres à Gaza en mars dernier, « au premier jour du Ramadan et au plus fort des frappes israéliennes sur Gaza”, un geste rendu possible par cette relation bilatérale.
“Nous avons (la possibilité) de faire pression quand il le faut. Mais nous n’avons pas besoin pour cela, ni de caméras de télévision, ni de micros à proximité pour dire ce que nous faisons et la manière dont nous le faisons et nous l’entreprenons”, a-t-elle ajouté, affirmant qu’“il faudra des pays comme le Maroc qui ont la crédibilité nécessaire, à la fois auprès des Palestiniens et des Israéliens, pour pouvoir nous asseoir à la table des négociations”.
À ce sujet, elle a également salué les manifestations au Maroc en soutien au peuple palestinien, y voyant “un signe de bonne santé démocratique ». “Je trouve absolument formidable, et tout à l’honneur du peuple marocain, de témoigner encore une fois au peuple palestinien tout le soutien à ses droits inaliénables à un État, et ce, dans le cadre des Nations unies”, a-t-elle déclaré.
Le Maroc n’a pas vocation à jouer “le super gendarme de l’Europe”
Interrogée sur la lutte contre l’immigration clandestine, Samira Sitaïl a détaillé les efforts marocains, tout en rappelant que le Maroc n’a pas vocation à jouer “le super gendarme de l’Europe”. En 2023, le Royaume a empêché 70.000 tentatives de migration clandestine et assisté 17.000 migrants en détresse en Méditerranée.
“Nous sommes en première ligne”, a-t-elle souligné, citant les régularisations de près de 60.000 migrants, principalement originaires d’Afrique subsaharienne, dans le cadre d’une stratégie mise en place depuis 2013.
Sur la question des obligations de quitter le territoire français (OQTF), sujet fréquent de discorde entre la France et les pays du Maghreb, accusés de ne pas rapatrier leurs ressortissants, elle a mis en avant une coopération solide avec le Maroc. 80% des laissez-passer consulaires demandés ont été délivrés en 2024, mais près de la moitié des individus concernés ne sont pas marocains, a-t-elle précisé, appelant à une meilleure lecture des chiffres.
Sur le plan intérieur, Sitaïl a défendu les réformes en cours du Code de la famille, visant à renforcer les droits des femmes dans un cadre conforme aux évolutions de la société marocaine. Enfin, en réponse aux débats sur le déclin de la langue française, elle a rappelé que “la francophonie, ce sont d’abord un certain nombre de valeurs, humaines, sociétales, sociales, qui nous unissent et qu’il nous faut préserver”, tout en soulignant que “la globalisation exige que nous puissions pratiquer d’autres langues, et les embrasser relève là encore d’une normalité qui touche l’ensemble de la planète”.