Selon le communiqué publié ce jeudi 14 novembre par l’ONG britannique EJF, le nombre de navires utilisant dans les eaux marocaines ces filets interdits a plus que doublé en vingt ans, passant de 370 en 2004 à 846 en 2024. “Nos conclusions révèlent une violation systématique des interdictions nationales et internationales relatives aux filets dérivants et l’incapacité des autorités marocaines à les faire respecter”, déclare Steve Trent, PDG et fondateur d’EJF.
Ces filets, qui peuvent s’étendre sur des dizaines de kilomètres, sont particulièrement destructeurs pour l’environnement marin. Le communiqué précise qu’ils ciblent principalement l’espadon de Méditerranée, une espèce en danger critique d’extinction, mais piègent également “les baleines, les tortues de mer et les requins, qui sont en voie de disparition”. Lorsqu’ils sont abandonnés ou perdus, ces filets en nylon peuvent devenir des “filets fantômes”, tuant la vie marine pendant des années et contribuant à la pollution plastique des océans, ajoute le communiqué.
L’enquête met en lumière le rôle crucial de la demande européenne dans la persistance de cette pratique illégale. Le communiqué souligne que le Maroc était en 2022 le quatrième fournisseur de produits halieutiques de l’UE en termes de valeur. L’Espagne apparaît comme le principal destinataire, représentant près de 79% des exportations d’espadon marocain. “La demande continue d’espadon marocain, en particulier de la part de l’UE, reste l’un des principaux moteurs de cette pêche illégale”, ajoute Jesus Urios Culiañez, chargé de campagne Océan pour EJF.
L’enquête révèle également un changement significatif dans le profil des navires concernés : ce ne sont plus les grands navires industriels qui dominent cette pratique, mais de “petites embarcations en bois de 5 à 10 mètres de long et d’environ 3 tonnes brutes”, selon le communiqué.
Les pêcheurs eux-mêmes reconnaissent la problématique, comme en témoigne cette citation d’un capitaine marocain rapportée dans le communiqué : “La politique visant à faire passer les captures au filet dérivant pour des captures à la palangre, c’est inacceptable. Les filets dérivants sont officiellement interdits. Ils ont obtenu l’aide de l’Europe pour les éliminer et ils ne reconnaissent plus l’existence des filets dérivants”.
La situation économique difficile pousse ces pêcheurs à poursuivre leurs activités illégales. “Aujourd’hui, travailler en mer ne permet pas de gagner suffisamment pour vivre (…) les prises sont si rares que l’on ne peut même pas couvrir les dépenses”, confie un pêcheur marocain cité dans le rapport.
Face à cette situation, l’EJF appelle à une action concertée. Le communiqué précise que l’organisation recommande au Maroc d’“améliorer sa surveillance et son contrôle des activités illégales” et, avec le soutien de l’UE, d’accompagner les communautés de pêcheurs vers l’abandon des filets dérivants d’ici fin 2025.
Les experts soulignent qu’il existe des alternatives viables. Comme l’affirme Macarena, biologiste marine et pêcheuse citée dans le rapport : “Les filets dérivants ne nous fournissent aucune espèce que nous ne pourrions obtenir avec des équipements de pêche beaucoup plus sélectifs.”